Lorsque NBC a annoncé que Community aurait une quatrième saison, les fans ont poussé un grand soupir de soulagement. La série sortait d’une saison très intéressante qui avait vu Dan Harmon et son staff continuer à expérimenter, produisant notamment ce qui est souvent considéré comme le meilleur épisode de la série, Remedial Chaos Theory.
Sauf que voilà, Dan Harmon a été viré par Sony. Apparemment caractériel et perpétuellement en retard, sans compter ses relations difficiles avec Chevy Chase, le studio ne pouvait plus le tolérer, malgré son statut auprès des fans. Et ce n’était que le début : après le départ d’Harmon, plusieurs scénaristes et producteurs sont partis tenter leur chance ailleurs : Anthony et Joe Russo (responsables de la mise en scène pour plus de la moitié des trois premières saisons), Chris McKenna (scénariste de Remedial Chaos Theory), Dino Stamatopoulos (acteur jouant Starburns, scénariste d’Abed’s Uncontrollable Christmas) ainsi que Neil Goldman et Garret Donovan (producteurs).
Les nouveaux showrunners, David Guarascio et Moses Port, avaient donc une tâche quasi-impossible face à eux. Reprendre en main une série adorée, complètement inventée et contrôlée par un excentrique maintenant absent, le tout avec une équipe créative complètement décimée.
On ne pouvait donc pas vraiment s’attendre à grand chose, mais cette quatrième saison est quand même une déception. Guarascio et Port ont clairement regardé les saisons précédentes, mais leurs tentatives de recréer la magie de l’ère Harmon relèvent plus de la singerie qu’autre chose. L’humour méta et les épisodes conceptuels étaient certes une part intégrale du succès de Community, mais le vrai génie se trouvait dans des personnages complexes et à leurs relations. Harmon avait des problèmes avec certains personnages (Annie et Shirley dans la troisième saison en particulier), mais Guarascio et Port ont apparemment voulu revenir à la version originelle de ces personnages : un Abed quasi-autiste, une Annie névrotique ou encore un Troy débile. Une sorte de mélange des personnages un peu stéréotypés et sous-développés du pilote dans une structure méta et délirante empruntée aux saisons 2 et 3, le tout enrobé de fanservice.
Le vrai problème de la saison 4 de Community, c’est que les scénaristes semblent avoir été paralysés par l’ampleur de la tâche qui les attendait et se sont enfermés dans des références constantes et une vision figée des personnages plutôt que de tenter de nouvelles choses. Il suffit de regarder le titre du premier épisode de la saison pour tout comprendre : History 101. Là où le charme de la série avait toujours été de ne pas savoir ce qu’on allait avoir d’une semaine à l’autre, ils n’ont cessé de vouloir répéter les meilleurs épisodes du passé : Intro to Knots imite Cooperative Calligraphy en enfermant tous les personnages dans une seule salle, Advanced Documentary Filmmaking reprend carrément le titre de Intermediate Documentary Filmmaking, et le final Advanced Introduction to Finality, non content de reprendre le titre du final de la saison 3, répète aussi le scénario basique de cet épisode, avec un autre élément pris dans les finales précédents : du paintball. Plutôt que de faire de Community leur série, ils ont essayé de faire du Harmon sans lui et sans comprendre ce qui faisait marcher la série.
Il faut tout de même reconnaître quelques réussites. Herstory of Dance est un modèle qu’il faudra suivre pour la saison suivante, un épisode léger et charmant que Harmon n’aurait jamais fait car il aurait sans doute jugé le scénario trop banal. À l’inverse, Basic Human Anatomy, écrit par Jim Rash, est le seul épisode « concept » de la saison qui fonctionne, justement car l’idée un peu folle de l’échange de corps est au service des personnages et permet de se débarrasser du cadeau empoisonné laissé par Harmon : la relation entre Troy et Britta. Et dans un style plus basique, le finale n’est pas si désastreux, offrant du divertissement un peu bête mais pas désagréable.
Peut-être que le renouvellement verra Moses et Port se libérer du poids de Dan Harmon et faire de Community leur propre série. Une chose est claire : ce ne sera plus jamais la série que c’était, mais ils pourraient en faire une sitcom correcte avec un ou deux épisodes plus aventureux de temps en temps, à condition de cesser les références gratuites et de prendre ses personnages au sérieux. S’ils suivent le chemin indiqué par un épisode comme « Herstory of Dance », tout n’est pas perdu.