Ici et là-bas
Espagne, Etats-Unis, Mexique : 2012
Titre original : Aquí y allá
Réalisateur : Antonio Méndez Esparza
Scénario : Antonio Méndez Esparza
Acteurs : Pedro De los Santos, Teresa Ramírez Aguirre, Lorena Guadalupe Pantaleón Vázquez , Heidi Laura Solano Espinoza
Distribution : ASC Distribution
Durée : 1 h 50
Genre : Drame
Date de sortie : 13 février 2013
Globale : [rating:4][five-star-rating]
La frontière qui sépare le Mexique des Etats-Unis est un sujet inépuisable, tant pour le cinéma américain que pour le cinéma mexicain. D’un côté, un pays pauvre et des habitants qui rêvent de franchir cette frontière pour atteindre ce qu’ils croient être l’Eldorado ; de l’autre, un pays riche dans lequel certains se félicitent de voir arriver de la main d’œuvre facile à exploiter tandis que d’autres combattent ce qu’ils considèrent comme étant une invasion. Dans son premier long métrage, le réalisateur espagnol Antonio Méndez Esparza propose un mélange de documentaire et de fiction qui démontre que si l’exil vers les Etats-Unis est tout sauf facile, le retour au pays n’est pas non plus sans difficulté. Ici et là-bas, son premier long métrage, a été couronné par la critique internationale lors de la Semaine de la Critique du dernier Festival de Cannes.
Synopsis :
Après avoir travaillé aux États Unis, Pedro revient dans son petit village dans les montagnes du Guerrero, au Mexique. Il y retrouve sa femme et ses filles. Avec ses économies accumulées, il aspire enfin à mener une vie meilleure avec les siens, et même à réaliser son rêve : former un petit groupe de musique, les Copa Kings.
Mais les opportunités de travail sont rares et la frontière entre ici et là-bas ne cesse d’occuper l’esprit et le quotidien de Pedro et de ceux qui l’entourent.
Ici et là-bas porte sur le bonheur de vivre parmi les siens, la perte et les souvenirs de ceux que nous laissons derrière nous.
La vie difficile d’une famille
Après 3 années aux Etats-Unis, ce qui était son 2ème exil, le trentenaire Pedro est de retour dans sa famille, dans son village de Copanatoyac, au sud-ouest du Mexique, dans la région montagneuse de Guerrero. Durant ces 3 années, tout laisse supposer que son existence fut loin d’être facile mais, du moins, les mandats envoyés ont mis sa femme et à ses filles à l’abri de la misère et il peut également acquérir les instruments de musique dont il a besoin pour monter le groupe de musique, les Copa Kings, le petit orchestre dont il a toujours rêvé pour jouer « cumbias » et « corridos » lors des fêtes de sa région. Par contre, les difficultés s’avèrent nombreuses quand il s’agit de reconstruire sa vie familiale après une aussi longue absence : ses 2 filles ont grandi sans lui et reconnaissent difficilement son autorité, sa femme a perdu la clé des rapports charnels avec son époux et elle a un peu de mal à la retrouver, les petits cousins ne le connaissent pas et il leur fait peur. La vie s’écoule, non sans difficultés également : le travail, dans les champs ou comme maçon, les caprices de la météo, la vie du groupe de musique, l’arrivée d’une 3ème petite fille, une arrivée qui se passe mal, qui nécessite un séjour à l’hôpital de la ville la plus proche, séjour qu’il faut payer sous la forme de 8 doses de sang, le prix élevé des médicaments qu’il faut payer pour soigner la toux chronique d’une des filles. Quant à l’expérience qu’a Pedro de l’exil, elle est recherchée par les jeunes du village, en particulier par Leo qui réclame son aide pour partir de l’autre côté de la frontière.
La suite d’un court métrage
Depuis sa naissance à Madrid il y a 37 ans, Antonio Méndez Esparza a beaucoup bourlingué. Après des études dans le cinéma aux Etats-Unis, il vit entre Madrid, New-York et Mexico. Il y a 4 ans, il avait réalisé Una Y Otra Vez, un court-métrage qui fut primé dans divers festivals et présélectionné pour les Oscars de 2009. Dans ce court-métrage, tourné dans le New-Jersey, le rôle principal était tenu par un immigré mexicain, Pedro De Los Santos. Peu de temps après le tournage, cet immigré est retourné dans son pays mais Antonio Méndez Esparza est resté en contact avec lui et il a imaginé un long métrage qui soit en quelque sorte la suite de ce court métrage. Dans Ici et là-bas, la plupart des personnages jouent leur propre rôle et, tout particulièrement, Pedro, bien sûr, et sa femme dans le film qui est sa femme dans la vie. Exceptions à ce choix, les 2 filles plus âgées, celles du film n’étant pas les 2 « vraies » filles du couple, trop timides pour passer avec succès devant la caméra.
Comment passionner les spectateurs en montrant la vraie vie ?
A la vision d’un tel film, on peut se demander pourquoi certains films font appel à des scénarios alambiqués et totalement artificiels alors que la vraie vie est à même de fournir des histoires passionnantes pour peu qu’elles soient mises entre les mains de réalisateurs de talent. Passionnantes ? Oui, passionnante pour qui l’observation toute en délicatesse d’une famille qui se reconstruit après une longue séparation présente autant d’intérêt que la vision d’une horde d’extra-terrestres envahissant notre planète ou celle d’une bande de zombies semant la terreur dans un centre commercial. Dans Ici et là-bas, tout est montré avec une grande justesse, un sens aigu du détail. Comme dans les grands films du néo-réalisme italien, on est souvent dans l’émotion, aux portes du mélo, mais sans aucun pathos, avec une grande dignité. En fait, ce film qui n’est pas sans rappeler Huacho, le film du chilien Alejandro Fernandez Almendras, démontre une fois de plus la force du cinéma latino-américain en matière de films à mi-chemin entre documentaire et fiction.
Résumé
Partager la vie d’une famille pauvre du sud-ouest du Mexique peut rebuter certains spectateurs. Avouons que c’est dommage pour eux : qu’y a-t-il de plus intéressant en tant que spectateur que de se retrouver de plain-pied avec un mari et sa femme qui doivent réapprendre à se connaître après une longue séparation, avec des hommes et des femmes qui hésitent entre rester dans leur pays, où règne une grande pauvreté et partir au loin, dans un autre pays, avec tous les risques que cela représente ? Un petit film par son budget, un grand film par son sujet et sa réalisation.
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