Alice Sweet Alice
États-Unis : 1976
Titre original : Communion
Réalisation : Alfred Sole
Scénario : Rosemary Ritvo, Alfred Sole
Acteurs : Linda Miller, Mildred Clinton, Paula E. Sheppard
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h47
Genre : Thriller, Horreur
Date de sortie DVD/BR : 23 septembre 2022
Alice Spages, 12 ans, vit avec sa mère et sa soeur Karen, à laquelle elle adore faire peur. Karen s’apprête à fêter sa première communion lorsque son corps est retrouvé atrocement mutilé dans l’église. Certains pensent qu’Alice pourrait être à l’origine du meurtre, mais comment une enfant si jeune pourrait-elle commettre une telle abomination ? Pourtant, les meurtres se poursuivent dans l’entourage d’Alice…
Le film
[4/5]
Rendue manifeste par la réutilisation du motif de la petite fille en ciré (rouge pour l’un, jaune pour l’autre), l’influence qu’a pu avoir Ne vous retournez pas (Nicolas Roeg, 1973) sur l’intrigue et la mise en scène de Alice Sweet Alice (Alfred Sole, 1976) ne prête pas réellement à discussion. Il semble également évident qu’Alfred Sole ait soigneusement étudié le style du film de Nicolas Roeg : toute la construction de son film repose sur le même détournement d’attention du spectateur que celui utilisé par Roeg pour faire basculer la narration et prendre le spectateur au dépourvu au bon moment.
Pour autant, il semble également qu’avec Alice Sweet Alice, Alfred Sole ait eu dans l’idée de rendre à César ce qui lui appartenait, en abandonnant toute la partie psychanalytique et la réflexion sur la notion de « vision » au centre du film de Roeg, et en n’en conservant que la partie héritée de Dario Argento et des premiers « Gialli ». Ainsi, si beaucoup de critiques et d’observateurs contemporains tendent à classer Alice Sweet Alice dans la catégorie des Slashers (il se placerait de fait chronologiquement juste entre Black Christmas et Halloween), on peut également considérer qu’il n’en est rien, et ce pour deux raisons.
D’une part, il convient de différencier le Slasher du film de psycho-killer : les règles et les motifs récurrents du Slasher ont été clairement établis par John Carpenter avec son chef d’œuvre Halloween en 1978, puis repris à la chaîne par de nombreux cinéastes durant de nombreuses années. Par sa forme, ses motifs récurrents et ses thématiques, le Slasher affiche toujours un aspect relativement « récréatif », que n’ont pas en revanche la plupart des films de psycho-killers, qui capitalisent énormément sur leurs personnages de tueurs dérangés, et n’incitent pas franchement à la rigolade – depuis Psychose (Alfred Hitchcock) et Le Voyeur (Michael Powell), tous deux réalisés en 1960, de nombreux films de psycho-killers se sont succédés sur les écrans : on pense par exemple, entre autres, à des films tels que Les tueurs de la lune de miel (Leonard Kastle, 1970), Terreur aveugle (Richard Fleischer, 1971), Frenzy (Alfred Hitchcock, 1972), Maniac (William Lustig, 1980), Cauchemars à Daytona Beach (Romano Scavolini, 1981), Schizophrenia (Gerald Kargl, 1983) ou encore Henry, portrait d’un serial killer (John McNaughton, 1986). D’une façon assez évidente, Alice Sweet Alice se classerait d’avantage dans cette catégorie. Et si certains films peuvent se situer à la croisée des chemins entre le Slasher du film de psycho-killer (on pense par exemple au Sadique à la tronçonneuse de Juan Piquer Simón, 1982), ce n’est en revanche pas du tout le cas de Alice Sweet Alice qui, en dépit de l’enchaînement de meurtres qu’il nous donne à voir, reste toujours très sérieux, psychologique et premier degré dans son intrigue.
D’autre part, le film d’Alfred Sole reprend à son compte de nombreux éléments typiques du Giallo : les codes de couleurs, le fait que le récit soit essentiellement porté par des personnages féminins, la structure en forme de whodunit, le fétichisme entourant les gestes, les rituels et accessoires du tueur, mais aussi la violence et le sadisme – un des personnages s’y fait tout de même casser les dents à coups de briques ! Ainsi, plutôt que de considérer Alice Sweet Alice comme un précurseur du slasher, on aurait plutôt tendance à le considérer comme le premier « Giallo » américain, même si bien sûr ce paradoxe a de quoi faire sourire. L’atmosphère du film, clairement inhabituelle pour un film américain, est par ailleurs couplée à une narration extrêmement fluide, ainsi qu’à quelques petites piques bien senties dénonçant l’hypocrisie de l’église catholique : cet aspect pourra certes paraître un peu provocateur et excessif à certains spectateurs, mais les cinéphiles qui apprécient la liberté avec laquelle tant de films américains des 70’s ont mélangé différents éléments de genre afin d’essayer de créer quelque chose de spécial ne seront pas déçus : il est impossible en effet de prévoir ce qui va se passer dans Alice Sweet Alice, et certaines séquences développent même un suspense assez efficace (la poursuite d’Angela, le final à l’église…). D’ailleurs, et pour en rajouter une petite couche dans le parallèle entre le film d’Alfred Sole et les grands classiques du Giallo, le parti pris anti-religieux que l’on perçoit dans le film pourra en faire une sorte de miroir de La longue nuit de l’exorcisme (Lucio Fulci, 1972).
En France, le site Encyclo-Ciné nous apprend que Alice Sweet Alice connut une sortie dans les salles, en 1984, tout en restant inédit à Paris. La plupart des cinéphiles cependant découvrit le film en VHS, dans les années 80, tout d’abord sous le titre Communion sanglante (chez VCL en 1980, puis chez Rocket Pictures / Initial), mais également sous le titre Alice Sweet Alice (chez Proserpine en 1985, Ciné Collection en 1989, puis chez IFC et Fil à Film). Le film a également été diffusé à la TV au printemps 1989 dans le cadre de l’émission consacrée au cinéma d’horreur « Sangria » (anciennement « Les Accords du Diable ») sur La Cinq de Berlusconi. Suite à l’arrêt de La Cinq en 1992, M6 relancerait le principe de l’émission en créant « Les Jeudis de l’angoisse ». Bien des années plus tard, Alice Sweet Alice sortirait finalement en DVD, accompagnant le magazine Mad Movies en 2008, permettant à une nouvelle génération de découvrir le film…
Le Combo Blu-ray + DVD + Livret
[4,5/5]
Quatorze ans après sa sortie au format DVD, Alice Sweet Alice débarque enfin en Blu-ray sous les couleurs de Rimini Éditions, qui nous propose depuis quelques années des upgrades Haute-Définition des films sortis avec Mad Movies. On notera par ailleurs le soin apporté à son packaging, qui s’impose d’entrée de jeu comme un objet classieux que vous serez fiers d’afficher sur vos étagères : le film est présenté dans un joli digipack trois volets, surmonté d’un fourreau aux couleurs du film. Il s’agit d’un Combo Blu-ray + DVD + Livret inédit de 10 pages signé Marc Toullec, remettant de façon assez brillante le film dans son contexte de tournage.
Côté Blu-ray, le boulot effectué par Rimini Éditions sur Alice Sweet Alice est remarquable : l’éditeur propose en effet une copie de toute beauté, respectueuse du grain d’origine mais permettant au piqué s’exprimer toute sa précision, le tout étant surmonté de couleurs naturelles et de contrastes solides. Le film d’Alfred Sole est par ailleurs naturellement proposé au format 1.85 respecté, la définition ne pose pas de souci et les noirs sont denses et remarquablement gérés. Du très beau travail technique en somme. Côté son, nous avons droit à deux mixages DTS-HD Master Audio 2.0 à la fois en VF et en VO, proposant une excellente restitution acoustique de l’ambiance du film. L’ensemble est par ailleurs mixé sans souffle ni bruits parasites, les dialogues sont parfaitement clairs, et les sous-titres ne souffrent d’aucun problème particulier. La VF d’origine, pleine de charme et de voix connues, ravira les amateurs.
Du côté de la section suppléments, on trouvera une présentation du film par Gilles Gressard, écrivain et historien du cinéma (24 minutes). Après être rapidement revenu sur le « psycho-killer movie » et les films ayant pour sujet des enfants maléfiques (Les Innocents, L’autre, Les Révoltés de l’An 2000…), Gilles Gressard replacera donc le film d’Alfred Sole dans son contexte de tournage, en explicitant notamment un peu la vie du cinéaste, et son rapport à la ville – et à l’église – de Paterson, dans le New Jersey. Il abordera également le parallèle avec Ne vous retournez pas, les problèmes rencontrés sur le tournage (soucis de budget, tentative de suicide de Linda Miller…) et reviendra sur l’essentiel du casting du film, devant et derrière la caméra – ainsi, et même si IMDb ne le précise pas, il nous apprendra par exemple que William Lustig tenait le rôle d’assistant-réalisateur et responsable des effets spéciaux sur Alice Sweet Alice.