Voie rapide
France : 2011
Titre original : Voie rapide
Réalisateur : Christophe Sahr
Acteurs : Johan Libéreau, Christa Theret, Isabelle Candelier
Distribution : Epicentre Films
Durée : 1h30
Genre : Drame
Date de sortie : 08/08/12
Globale : [rating:4,5][five-star-rating]
Premier long métrage de Christophe Sahr, cette histoire de tuning, de vitesse et de bagnole réussit avec beaucoup d’élégance à déjouer les codes de bien des genres (films de banlieue, de loubards) en axant son récit sur les protagonistes auxquels des comédiens parfaits donnent une réjouissante humanité. Une très belle réussite.
Synopsis : Alex mène une existence partagée entre sa voiture qu’il bichonne jusqu’à la déraison, ses potes, sa copine dont il a eu une petite fille un peu sous la contrainte et un job de cariste. Une vie plutôt confortable et insouciante. Sa passion de la vitesse va pourtant faire tout basculer…
Jamais sans sa caisse
Les films de bagnole prennent souvent le parti de décrire des dégénérés patentés à la boite crânienne aussi fournie en air que les pneus de leur bolide. Ne citons que les séries des « Fast and furious » et autres débilitantes « Taxi ». En outre, dès qu’une caméra se pose dans un décorum de banlieue, elle se complaît à capter un misérabilisme parfois plus voyeur qu’ethnologique sans grand intérêt. Christophe Sahr, dont « Voie rapide » est le premier long métrage, réussit avec une habilité presque eastwoodienne à déjouer les codes dévolus à ces deux genres en recentrant son sujet sur la thématique des dommages post traumatiques d’un accident mortel.
Si ici, la voiture joue un rôle à part entière, ce ne sera jamais pour dresser un abécédaire de mécanique automobile abscons et inaccessible aux non initiés. Elle constitue la grande priorité du personnage principal et le couple presque charnel qu’il forme avec elle et dont il abimera les atours métaphorise sa relation avec Rachel avec les blessures qu’il orchestre par ricochet sur cette dernière. L’accident doit être perçu comme la première rupture dont on ne se remet pas vraiment (pour preuve, la bagnole ne ressort pas indemne de chez le carrossier, ainsi que le fait remarquer un des personnages), le second comme un processus insidieux de destruction fatal et inexorable.
Une interprétation de haut vol
En plantant le décor de son film dans une banlieue, avec des plans de bâtiments ni très accueillants ni inhabitables, le cinéaste ne cherche nullement à dresser un quelconque constat d’ordre sociétal. Les personnages se maintiennent dans une vie sociale plutôt correcte et leur existence semble finalement couler tranquillement. Jamais ici la banlieue n’est à incriminer dans les actes des protagonistes. Elle cadre juste mieux avec les ambiances de voitures, de tuning que si l’action se déroulait en plein cœur du Larzac et confère aux scènes de course-poursuite très réussies une tension plus palpable.
Ces scènes de poursuite ne seront cependant pas la raison d’être de ce film. C’est presque un duo à trois que raconte Christophe Sahr, le troisième personnage étant bien sûr cette Honda Civic, véritable élément perturbateur dans le couple Axel/Rachel. Un triangle amoureux doublé d’un chemin de croix pour Axel qu’incarnent deux comédiens lumineux, Christina Théret (vue chez Blier notamment) et Johan Libéreau (révélé dans « Les Témoins » de Téchiné). Les seconds rôles (Isabelle Candelier notamment) sont également au top et l’humanité qui se dégage de leur puissante interprétation hisse ce premier film au cadrage souvent serré et au montage nerveux vers le prix d’excellence, loin de ces productions aux chicanes pétaradantes qui tournent si souvent à vide.
Résumé
Relation triangulaire d’un couple et d’une voiture. Loin des clichés inhérents aux productions bruyantes mettant en scène des bolides sans âme, Christophe Sahr dissèque avec l’œil de l’entomologiste les ravages de la culpabilité et les conséquences de la passion pour livrer un premier long métrage d’excellente facture porté par une interprétation de choix. Passionnant.
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