Test Blu-ray : Terreur dans le Shanghaï Express

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Terreur dans le Shanghaï Express

Royaume-Uni, Espagne : 1972
Titre original : Pánico en el Transiberiano
Réalisation : Eugenio Martín
Scénario : Arnaud d’Usseau, Julian Zimet
Acteurs : Christopher Lee, Peter Cushing, Telly Savalas
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h33
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 28 mai 1975
Date de sortie Blu-ray : 31 décembre 2022

Mandchourie, 1903 – Lors d’une expédition au Tibet, le paléontologue Alexander Saxton a découvert le corps d’un hominien, conservé dans la glace depuis deux millions d’années. Saxton décide de le rapatrier à Londres, dans une caisse, en empruntant le Transsibérien. Il y retrouve une vieille connaissance : le Dr Wells, un biologiste. La mystérieuse trouvaille de Saxton semble intéresser plusieurs passagers du train. Mais les choses se compliquent lorsque surviennent des meurtres inexplicables. Wells découvre alors que les cerveaux des victimes ont été vidés de leur substance…

Le film

[5/5]

L’épouvante gothique, popularisée au Royaume-Uni par les films de la Hammer et aux États-Unis par les adaptations d’Edgar Allan Poe par Roger Corman, a régné sur le cinéma fantastique pendant toutes les années 60. Cependant, les bouleversements sociaux de la fin des années 60 ont contribué à assouplir la censure cinématographique, et à apporter un souffle nouveau au genre. Cela donnerait naissance évidemment à des films tels que La nuit des morts-vivants (George A. Romero, 1968), qui sous couvert d’horreur, nous livrait un commentaire social extrêmement acerbe et violent, ou Rosemary’s Baby (Roman Polanski, 1968), thriller psychologique moderne ayant traumatisé plus d’un cinéphile à l’époque de sa sortie.

Pour autant, si le public ne semblait plus aussi intéressé qu’auparavant par les récits d’épouvante prenant place pendant l’ère Victorienne, l’horreur gothique est parvenue à évoluer, principalement en dehors des pays qui avaient fait sa gloire : on pense notamment à Dario Argento en Italie, qui a renouvelé l’esthétique gothique dans le giallo, à Amando de Ossorio et Paul Naschy en Espagne, à Zé do Caixão (Coffin Joe) au Brésil ou encore à Jean Rollin en France. Tout au long des années 70/80, ces cinéastes ont, chacun de leur côté, contribué à maintenir vivaces les traditions du genre, pour le plus grand plaisir des amateurs de ce qu’on commencerait à appeler le cinéma « Bis ».

Et, bien sûr, parmi les résistants anachroniques du gothique les plus célèbres et les plus remarquables, il y a Terreur dans le Shanghaï Express, le fameux film britanno-espagnol d’Eugenio Martín – un film tellement inspiré par la Hammer période classique que les producteurs sont allés rechercher les deux plus grandes stars du studio britannique, Peter Cushing et Christopher Lee, dans ce qui restera une de leurs dernières apparitions communes au cinéma. Car autant le dire d’entrée de jeu : il s’agit là d’un long-métrage très prisé des amateurs d’horreur gothique, « culte » si on voulait utiliser un terme galvaudé, qui tire probablement son charme de son atmosphère, grotesque, excessive, désuète et souvent franchement amusante, le film nous réservant parfois quelques gags assez savoureux.

Le Shanghaï Express du titre roule sur le « Transsibérien », le fameux réseau ferré russe reliant Moscou à Vladivostok. 9000 kilomètres de long, 990 gares, et plus d’une semaine de trajet pour les personnages de Terreur dans le Shanghaï Express. Voilà qui, à priori, n’est déjà pas une mince affaire, mais si vous ajoutez dans le train un concentré de « mal » brut possédant les passagers et passant de corps en corps à la façon de celle de films tels que Hidden ou The Thing, vous comprendrez qu’il fallait bien le mythique duo Christopher Lee / Peter Cushing pour pouvoir l’affronter. Le fait que le film se déroule dans un espace réduit et confiné renforce le suspense de l’intrigue, les effets spéciaux et notamment le look de la créature s’avère encore parfaitement efficace de nos jours (ses yeux rouges pourraient encore filer quelques cauchemars aux enfants ainsi qu’aux personnes les plus impressionnables), et même au fil du récit, alors que le casting s’amenuise peu à peu, la tension ne faiblit jamais vraiment, et Terreur dans le Shanghaï Express reste un excellent spectacle pendant toute sa durée.

Au-delà de ses aspects formels, qui évoquent les grandes heures de la Hammer, l’intrigue de Terreur dans le Shanghaï Express se situe au point de convergence de diverses influences littéraires populaires, les plus flagrantes d’entre-elles s’avérant être le roman d’Agatha Christie « Le Crime de l’Orient-Express » ainsi que, bien sûr, la nouvelle de John W. Campbell Jr. « La Chose » alias « La Bête d’un autre monde », qui servirait de base à La Chose d’un autre monde (Christian Nyby, 1951) et à The Thing (John Carpenter, 1982). Comme Hercule Poirot dans le bouquin d’Agatha Christie, les personnages de Saxton et du Dr Wells (Christopher Lee et Peter Cushing) devront mener l’enquête, et déployer leurs meilleurs talents de déduction pour déterminer les origines de la créature et son modus operandi. Pour ce faire, ils mettront à contribution leur expérience dans le domaine de la science et découvriront notamment que la « mémoire visuelle » de la créature est contenue dans les globes oculaires de ses victimes : c’est ainsi qu’ils découvriront qu’ils ont affaire à une forme de vie extraterrestre capable de prendre l’apparence de n’importe quel passager du train. Cette idée – farfelue – d’œil conservant une « mémoire » a d’ailleurs un nom : l’optogramme. Selon de fortes probabilités, cette idée est inspirée de Quatre mouches de velours gris (Dario Argento, 1971), maise le procédé sera également repris par plusieurs films par la suite, tels que L’œil de l’autre (John Lvoff , 2005) ou encore Wild Wild West (Barry Sonnenfeld, 1999).

On notera également qu’Eugenio Martín compose de manière on ne peut plus habile avec les limites de son budget, même si celui-ci est assez restreint. Au début de Terreur dans le Shanghaï Express, alors que l’on découvre la créature sous sa forme originale, qui rappelle le singe de Schlock (John Landis, 1973), on craint d’avoir affaire à des effets spéciaux un peu trop datés pour convaincre. Cependant, les effets visuels s’améliorent très nettement par la suite, à partir du moment où le monstre commence à passer de corps en corps, transformant ses hôtes en marionnettes aux yeux rouges et exorbités. Bref, n’hésitez plus une seconde et foncez découvrir Terreur dans le Shanghaï Express, un sommet du Bis des années 70.

Le Blu-ray

[5/5]

Depuis qu’il s’est lancé – à corps perdu – dans la grande aventure du Blu-ray en 2014, Le Chat qui fume nous a régulièrement épaté par le soin apporté à ses éditions Haute-Définition, qui se suivent de façon maintenant assez régulière, pour notre plus grand plaisir. Une fois n’est pas coutume, le Blu-ray de Terreur dans le Shanghaï Express n’est pas présenté dans un Digipack, mais dans un boitier transparent, à l’image de quelques autres films sortis ces dernières années chez l’éditeur. Pour autant, le travail de leur graphiste Frédéric Domont est toujours aussi remarquable, et avant même de mettre le Blu-ray dans le lecteur, on se régalera d’être en présence d’un bel objet, s’inscrivant dans une riche collection dédiée au cinéma Bis.

On ne va pas faire durer le suspense : aussi bien côté image que côté son, le master du Blu-ray de Terreur dans le Shanghaï Express proposé par Le Chat qui fume est d’excellente tenue, et nous fera oublier les affronts faits au film par LCJ Editions avec son édition DVD toute pérave de 2017 (master recadré, VF only…). Chez Le Chat, le film est naturellement proposé en version intégrale, au format 1.66 respecté et encodé en 1080p. L’ensemble impose une image stable et propre, aux couleurs ravivées et au piqué précis. Terreur dans le Shanghaï Express bénéficie donc d’une petite cure de jouvence, mais celle-ci ne s’est pas faite au détriment de la granulation d’origine, qui a été parfaitement préservée. Côté son, les pistes audio – anglais / français – sont proposées en DTS-HD Master Audio 2.0 et mono d’origine, au rendu acoustique propre et clair (« clair comme deux lots de roches » me souffle un ami pétrologue). Les nostalgiques ayant découvert le film en VF durant leur enfance ou leur adolescence préféreront quant à eux la version française – d’origine – qui s’avère tout à fait correcte ; le doublage est certes désuet mais parfaitement plaisant, malgré de légères pétouilles techniques occasionnelles.

Du côté des suppléments, on commencera tout d’abord avec une présentation du film par Christophe Lemaire (25 minutes), basée sur ses souvenirs émus du film, qu’il considère à juste titre comme un des meilleurs représentants du cinéma Bis des années 70. Comme d’habitude, c’est un véritable plaisir d’écouter le journaliste belge évoquer sa découverte du film et se remémorer une époque décidément très différente de la nôtre. On terminera le tour des suppléments avec une présentation du film par Philippe Chouvel (16 minutes), qui reviendra plus précisément sur la genèse et le tournage de Terreur dans le Shanghaï Express. Pour vous procurer cette édition limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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