Vous n’avez encore rien vu
Français : 2011
Titre original : Vous n’avez encore rien vu
Réalisateur : Alain Resnais
Scénario : Laurent Herbiet, Alex Reval
Acteurs : Sabine Azéma, Anne Consigny, Pierre Arditi
Distribution : StudioCanal
Durée : 1h55
Genre : Drame
Date de sortie : 26 septembre 2012
Globale : [rating:2.5][five-star-rating]
Alain Resnais est un immense cinéaste qui aura 90 ans le mois prochain. Depuis une dizaine d’années chacun de ses films, malgré un succès parfois confidentiel, est attendu avec une attention particulière – comme s’il pouvait s’agir du dernier. Après les très malicieuses Les Herbes folles accueilli il y a trois ans à Cannes, le réalisateur est de retour sur la Croisette, accompagné de la plupart de ses acteurs fétiches.
Synopsis : Antoine d’Anthac, célèbre auteur dramatique, convoque par-delà la mort tous les amis qui ont interprété sa pièce « Eurydice ». Ces comédiens ont pour mission de visionner une captation de l’œuvre interprétée par une jeune troupe, la Compagnie de la Colombe. L’amour après la mort a-t-il encore sa place sur une scène de théâtre ? C’est à eux d’en décider. Ils ne sont pas au bout de leurs surprises…
Un dispositif original et envoûtant
On sent chez Alain Resnais un esprit de liberté qui ne sera sans doute jamais égalé. Il y a maintenant 14 ans la fantaisie d’On connaît la chanson avait emballé la France entière. En 2009 Les Herbes folles n’avaient pas convaincu l’ensemble des critiques, mais tous avaient salué la malice du réalisateur d’Hiroshima mon amour. C’est cette fois un film miroir que nous propose Resnais, dans lequel nous sommes invités dès les premières minutes, et pour notre plus grand plaisir, à découvrir un ingénieux dispositif.
Un auteur de théâtre joué par Denis Podalydès, dont on se dit qu’il s’agit symboliquement d’Alain Resnais, décède et invite ses comédiens fétiches à venir sur le champ dans une maison de campagne pour regarder la captation d’une pièce qu’ils ont tous à un moment ou à un autre de leur vie déjà jouée. Ils se retrouvent devant une télévision et alors que la pièce est jouée naïvement par de jeunes comédiens pleins de fougue, les mots résonnent, les acteurs endeuillés se remémorent leurs répliques et reprennent la peau de leurs personnages. Nous retrouvons donc pour notre plus grand plaisir Sabine Azéma et Pierre Arditi dans leurs propres rôles, puis dans ceux d’Eurydice et Orphée, avant qu’ils ne soient remplacés par le couple Anne Consigny et Lambert Wilson…. Ce ballet, ces va-et-vient entre trois générations de comédiens, offrent une réflexion profonde sur le métier d’acteur et sur les distinctions entre le théâtre et le cinéma.
Un texte décevant
Si le dispositif imaginé est à la fois original et convaincant, si l’interprétation est limpide et habitée, la relative faiblesse du texte de Jean Anouilh (qu’on reconnait sous l’alias d’ « Antoine d’Anthac ») finit par nous détacher de l’œuvre. Alain Resnais raconte qu’après avoir vu à Paris « Eurydice » (celle d’Anouilh donc) dans sa jeunesse, il a pris sa bicyclette, transi d’émotion, et a roulé dans Paris toute la nuit. Force est de constater qu’il n’a pas su nous transmettre son engouement.
Ce n’est pas l’acuité réelle de la langue qui est en cause, bien au contraire, car dans les premières scènes cette exigence semble être au service d’une réflexion profonde sur l’amour et la vie en général. Par la suite malheureusement ce mythe fondateur de la civilisation occidentale n’est pas assez réinventé par le texte d’Anouilh et on finit par se lasser de ces longues tirades lyriques dont nous connaissons les ressorts. De plus l’artificialité des décors (le film a été en grande partie tourné sur fond vert) se fait trop ressentir et cette fausseté travaillée n’est pas convaincante.
Plus que l’adaptation d’une pièce, ce film sonne comme un testament. Resnais qui prépare déjà, paraît-il, son prochain film, le nie catégoriquement. Néanmoins la pirouette finale qui fait écho aux obsessions du cinéaste, les autocitations, et la présence dans le film de tous ses comédiens favoris laisse penser le contraire (même André Dussollier a été subtilement intégré). Ils sont d’ailleurs tous remarquables et on aimerait pour certains les voir plus souvent…
Résumé
Ce film miroir est porteur d’une réflexion sur le métier d’acteur et sur l’art en général, et met une nouvelle fois en évidence l’inventivité du réalisateur d’On connaît la chanson. Si l’interprétation est remarquable,on regrette cependant que le texte ne soit pas suffisamment puissant et finisse par tourner à vide.
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