Hommage à Claude Miller

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Hommage à Claude Miller

Hommage à Claude Miller

Discret dans la vie, subtil dans son cinéma, Claude Miller, qui s’est éteint hier à l’âge de 70 ans, laisse une des plus belles filmographies du cinéma français de ces quarante dernières années. Il restera l’auteur d’un cinéma qui met sans cesse les personnages sur le devant de la scène, sans esbroufe, sans effet démonstratif. Sa direction de comédiens lui tenait lieu de technique, si bien qu’il ne fut jamais récompensé pour ses mises en scène, laissant souvent ses comédiens triompher à sa place…

L’homme qui aimait les comédiens

Dans cet art compliqué de la mise en scène que l’on aime avancer comme seule valeur garante de la pérennité d’un cinéma, Claude Miller fait figure d’enfant pauvre. Un peu à l’image de Pierre Granier-Deferre, disparu en 2006 et auteur de quelques chefs-d’œuvre tels que « Le Chat » ou « L’Etoile du Nord », le père de cinéma de Charlotte Gainsbourg (elle lui doit deux de ses rôles majeurs) n’a jamais été intronisé dans le cénacle des faiseurs de films dont la grammaire cinématographique s’identifie sans coup férir.

Pourtant, ce major de promotion de l’IDHEC (Institut des Hautes Etudes Cinématographiques, aujourd’hui la Fémis) aura en une petite vingtaine de films créé un univers en plaçant de manière systématique l’humain au cœur de ses sujets. La fluidité de ses narrations qu’accompagnait une direction remarquable des comédiens en avait fait un chantre de ce cinéma populaire qu’on se plaît un peu aisément à dénigrer. Un univers où se côtoient toutefois des noms aussi variés que ceux de Tchekhov (« La Petite Lily », remarquable adaptation très libre et pourtant très fidèle de « La Mouette »), Berberova (« L’Accompagnatrice »), Emmanuel Carrière (« La Classe de neige ») ou des auteurs de la série noire (« Mortelle Randonnée », « Garde à vue »). Quand il ne s’attelait pas lui-même à ses scénarios (« L’Effrontée », « Un secret ») ou adaptait ceux des collègues (Truffaut pour « La petite voleuse »).

En attendant « Thérèse… »

Dans cette quête humaniste, il n’est pas étonnant de voir dans l’œuvre de Miller l’incroyable disponibilité des comédiens, prêts à transcender leur art. Ainsi a-t-on pu goûter au potentiel de certains à s’exprimer dans la noirceur, l’univers de Miller jouant sans cesse dans ce clair obscur émotionnels. Ainsi Nicole Garcia, acariâtre et revêche dans « Betty Fischer », Serrault énigmatique et sombre dans « Mortelle randonnée » ou « Garde à vue », Miou-Miou embarquée dans une spirale amoureuse dans « Dites-lui que je l’aime », tous trois très loin des rôles auxquels ils avaient habitués le public.

Comme chez trois autres Claude (Chabrol, Lelouch, Sautet), les comédiens lui auront offert le meilleur d’eux-mêmes, récoltant les lauriers de leur travail devant la caméra de cet homme simple et généreux. Un prix du jury à Cannes pour « La Classe de neige » constitue avec un césar du scénario (« Garde à vue ») les deux seules récompenses dont Miller eut pu s’enorgueillir. Les comédiens ont en revanche souvent raflé la mise, en particulier aux Césars : Michel Serrault (meilleur acteur pour « Garde à vue »), Guy Marchand (second rôle pour « Garde à vue ») Charlotte Gainsbourg (César du meilleur espoir pour « L’Effrontée), Bernadette Lafont (César du second rôle pour « L’Effrontée »), Julie Depardieu (doublement récompensée aux Césars pour « La petite Lilly » puis césar du second rôle féminin pour « Un secret »).

Ce tourbillon des sentiments qui anime les films de Miller devrait se retrouver dans l’ultime film du cinéaste, adaptation du roman de François Mauriac « Thérèse Desqueyroux ». La sortie n’a pas été annoncée mais gageons que le chant du cygne de ce cinéaste passionnant et passionné qui aura si magistralement filmé l’adolescence sera à l’image de la belle filmographie qu’il nous laisse.

Claude Miller en septembre 2010
Claude Miller en septembre 2010

 

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