Le nom de Jean-Luc Godard figure sans aucun doute parmi les plus prestigieux, voire même les plus légendaires, du cinéma du Vingtième Siècle. Son œuvre, complexe et étonnamment longue (1957-2018), s’avère aussi exceptionnellement variée. Cependant, la filmographie de ce réalisateur incontournable de la Nouvelle Vague est encore finalement assez pauvrement représentée au format Blu-ray en France. La plupart des films de Jean-Luc Godard disponibles en HD sont en fait ceux qu’il a tournés dans les années 60, au moment de son « apogée » en termes de popularité. Pourtant, aussi vivifiants que soient les films tournés par Godard au début des années soixante, on aurait tort de balayer d’un revers de la main son œuvre post-1968 : cette partie de la production de ce créateur protéiforme au terme de cette décennie tourbillonnante s’avère également très intéressante, même si elle est souvent plus difficile d’accès. Gaumont semble d’ailleurs l’avoir bien compris : après La Chinoise et Week-end, l’éditeur français nous propose ce mois-ci de redécouvrir Tout va bien (1972), Sauve qui peut (la vie) (1980) et Soigne ta droite (1987).
Soigne ta droite
France, Suisse : 1987
Titre original : –
Réalisation : Jean-Luc Godard
Scénario : Jean-Luc Godard
Acteurs : Jane Birkin, Dominique Lavanant, Pauline Lafont
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h26
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 30 décembre 1987
Date de sortie DVD/BR : 8 février 2023
L' »Idiot » dit aussi le « Prince », est un cinéaste réduit à faire des travaux alimentaires. Ainsi, il doit réaliser dans la journée un film pour un commanditaire qui ne sait pas trop ce qu’il veut. Pour se tirer d’affaires, le « Prince » teste diverses fictions et nous en livre les ébauches, les ratures…
Le film
[3,5/5]
Quand Soigne ta droite sort sur les écrans français en 1987, Jean-Luc Godard est un cinéaste reconnu et respecté, s’étant fait sa place dans le monde du cinéma depuis trente ans. Pourtant, même quand on s’appelle Godard, on peut être en panne d’inspiration, et c’est d’ailleurs exactement le sujet qu’a choisi le réalisateur suisse avec Soigne ta droite : l’angoisse de la page blanche transposée dans l’univers du cinéma. En résulte un long-métrage très drôle, conçu comme une suite de sketches absurdes et « méta », avec plusieurs fils rouges qui se croisent tout au long du film. L’ensemble est certes opaque et extrêmement bavard, mais le film reste indéniablement efficace, d’autant qu’il évolue sous fond de musique rock, avec notamment la présence des Rita Mitsouko (Catherine Ringer et Fred Chichin), qui y tiennent un rôle assez important.
Très librement adapté de « L’idiot » de Fiodor Dostoïevski, conçu comme une réponse au court-métrage Soigne ton gauche (René Clément, 1936), Soigne ta droite était décrit par Jean-Luc Godard comme une « fantaisie en 17 ou 18 tableaux pour acteurs, caméra et magnétophone ». Le film suit en effet plusieurs petites histoires qui s’entrecroisent et qui, à première vue, n’ont pas grand-chose à voir les unes avec les autres. Le film défie tout autant la logique que l’analyse : Godard évite volontairement de donner un « sens » à chacun des petits sketches qui s’encharnent à l’écran, mais cela ne signifie pas pour autant que Soigne ta droite soit totalement absurde ou abstrus.
Le point commun le plus évident entre les différents sketches qui s’égrènent au fil de Soigne ta droite est que chacun d’entre eux met en scène des personnages cherchant à trouver leur place dans le monde. Tous sont à la recherche de l’harmonie, que cela soit dans la musique ou dans la société. Derrière l’humour se cache de plus une critique sociale parfois assez évidente. On pense notamment à ce passage mettant en scène des bourgeois fascinés par les boites de conserve (« c’est tellement brillant ! »), permettant à Godard de pointer du doigt un monde qui accorde finalement plus d’importance au contenant – et à sa beauté de surface – qu’au contenu réel.
Le Blu-ray
[4,5/5]
Disponible chez Gaumont au sein d’une nouvelle vague de Blu-ray consacrée à Jean-Luc Godard, Soigne ta droite s’offre donc un lifting HD sur galette Blu-ray en version restaurée, de toute beauté.
Aussi bien côté image que côté son, les masters proposés par l’éditeur sur cette vague de trois films de Godard est vraiment d’excellente tenue. L’image est très belle, la définition précise, les couleurs très saturées sont respectées à la lettre, de même que la granulation argentique d’origine. Le niveau de détail est impressionnant, même sur les arrière-plans et sur les couleurs plus sombres, même si l’on notera une granulation peut-être un poil excessive durant les scènes en basse lumière. Parallèlement, la restauration a fait place nette des tâches, rayures et autres griffes disgracieuses, et propose une image stable : c’est du très beau travail ! Le mixage audio est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, clair et sans souffle.
Côté suppléments, comme sur les autres titres de cette vague, l’éditeur Gaumont recycle les suppléments de son coffret « Jean-Luc Godard – Fiction » sorti en 2010. On trouvera donc deux courts-métrages de Jean-Luc Godard : Lettre à Freddy Buache (1982, 11 minutes), qui, initialement, était une commande de la ville de Lausanne pour son 500e anniversaire, et Meeting WA (1986, 27 minutes), qui s’avère une interview de Woody Allen par Godard. On terminera ensuite avec la traditionnelle présentation du film par Antoine de Baecque, qui s’accompagnera d’entretiens avec Caroline Champetier (directrice de la photographie), Pierre Jodlowski (compositeur) et Jean-Claude Carrière (auteur).