La Source des femmes
France : 2011
Titre original : La Source des femmes
Réalisateur : Radu Mihaileanu
Scénario : Radu Mihaileanu
Acteurs : Leïla Bekhti, Hafsia Herzi, Biyouna
Distribution : EuropaCorp Distribution
Durée : 2h04
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 2 novembre 2011
Globale : [rating:4][five-star-rating]
Pour son quatrième long métrage, le Roumain Radu Mihaileanu, après avoir enflammé la Croisette en mai dernier, vient irradier nos écrans avec un film qui réussit l’alchimie du sujet fort de ses deux premiers opus (Train de vie et Vas, vis et deviens) et de la beauté visuelle du toutefois surestimé Concert.
Synopsis : Cela se passe de nos jours dans un petit village, quelque part entre l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Les femmes vont chercher l’eau à la source, en haut de la montagne, sous un soleil de plomb, et ce depuis la nuit des temps. Leila, jeune mariée, propose aux femmes de faire la grève de l’amour : plus de câlins, plus de sexe tant que les hommes n’apportent pas l’eau au village.
Eau de la vie, ode à la vie
Un petit village d’Afrique du nord. Qu’importe son nom, qu’importe même le pays. C’est par ce genre de non détail qu’on universalise un propos. Un village comme on suppose qu’il en existe des dizaines. Depuis la nuit des temps, les femmes ont la charge d’aller chercher à des kilomètres l’eau à la source. Sentiers accidentés, crevasses, accidents. Fausse couche. Lasses que la mort soit au rendez-vous de la vie autant que de voir les hommes siroter pendant qu’elles marnent, les femmes vont se rebeller. En douceur. Pacifiquement. En déclarant une drôle de guerre : soit les hommes s’activent, soit ils seront privés d’amour… Des clans se dessinent entre gardiennes des valeurs ancestrales et désireuses de balancer un grand coup de pied dans les traditions…
Ce sont à nouveau les thématiques de l’exil, de l’identité qui ont conduit l’auteur de Train de vie et Vas, vis, deviens, cette fois vers les rocailleux paysages de l’Atlas, loin de ses origines. Ce qui lui permet d’opérer une certaine objectivité dans son propos. Et aussi une certaine légèreté. Celle-là même qui inondait le superbe Caramel il y a trois ans. Jouant à fond cet atout de la drôlerie pour évoquer les souffrances et interrogations des femmes musulmanes, ce cinéma repose sur un schéma bien rodé : un film choral où la lumière inonde chaque plan, où la musique joue un personnage à part entière et où les comédiennes irradient l’écran.
Un chef op’ très inspiré
Le pari est réussi. La Source des femmes est baigné d’une formidable ferveur. Le récit, étalé sur plus de deux heures, ne laisse aucun temps mort. Le scénario, extrêmement bien ficelé, réserve son lot de surprises, décortiquant, tel un entomologiste, les péripéties qui jalonnent le récit. On retiendra en particulier l’utilisation inattendue du voile intégral (à ne pas dévoiler…) mais aussi les implicites conséquences des agissements de ces femmes, véritable constat social d’une criante vérité (le droit à la culture, les abus sexuels, etc.). Ainsi, à travers l’exemple de ces femmes-là, le cinéaste se fait le porte-parole de toutes les suppliciées des traditions. Et si la source du titre est évidemment porteuse de vie, elle s’avère aussi la splendide métaphore de ce qu’incarnent ces femmes : le renouveau coulant sans cesse, l’enfantement d’un futur plus brillant, aussi vital que cette eau.
Le cinéaste, dont l’esthétisme léché d’une belle image a souvent constitué un réel point à atteindre, a fait appel à Glynn Speeckaert pour la photo. Le travail remarquable de ce magicien de la lumière et de l’image (nommé aux Césars en 2010 pour A l’origine) rend à ces femmes toute leur beauté et magnifie sans cesse le décor aride où elles évoluent. Ce soin à l’image va contribuer aussi à ancrer ce beau film dans l’optimisme dont il est sans cesse porteur. Sans pathos, sans manichéisme, le cinéaste, superbement soutenu par tous (et toutes !) ses interprètes, réussit l’alliance du film féminin mais pas féministe, où la revendication ne se fait pas frontalement mais à travers le prisme de l’humour, de la dérision parfois. Avec des numéros de danse qui ne sombrent jamais dans le folklore mais se parent de charge revendicatrice. Avec des chants, tenants d’une culture ancestrale qui, elle, se doit de perdurer.
Résumé
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