Raging bull

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Raging Bull

Raging BullRaging bull

Usa : 1980
Titre original : Raging bull
Réalisateur: Martin Scorsese
Scénario : Paul Schrader
Acteurs : Robert De Niro, Cathy Moriarty, Joe Pesci
Distribution : Carlotta Films
Durée : 2h09
Genre : Drame , Biopic
Date de sortie : 25 mars 1981

Globale : [rating:5.0]
[five-star-rating]

Dans l’histoire du cinéma, il y a ce qu’on appelle des films cultes. Des chefs d’œuvres intouchables qui même si vous ne les avez pas appréciés, ne peuvent se regarder sans se dire « Si personne n’est parfait, ce film est personne »… Raging Bull est un de ces monstres sacrés, réunissant au sommet un Robert de Niro irréprochable et un Martin Scorsese tourmenté qui offre surement là son plus beau film.

Synopsis : Raging Bull retrace les moments forts de la carrière flamboyante de Jack La Motta, champion de boxe poids moyen. Issu d’un milieu modeste, il fut le héros de combats mythiques, notamment contre Robinson et Cerdan. Autodestructeur, paranoïaque, déchiré entre le désir du salut personnel et la damnation, il termine son existence, bouffi, en tant que gérant de boîte de nuit et entertainer. Quand l’ascension et le déclin d’une vie deviennent une épopée…

Raging Bull

Un monument du 7ème art

Ce long métrage en noir et blanc est aujourd’hui reconnu comme un des meilleurs films de toute l’histoire du cinéma. Pour autant, il n’aura pas reçu un énorme accueil du public à sa sortie en 1981, et il n’aura récolté à l’époque « que » 2 oscars, dont celui du meilleur acteur pour De Niro. Rien pour la réalisation, rien pour la photo, les scripts ou le son… Pourtant en 2011, personne n’oserait remettre en doute l’efficacité de ce biopic sur le Taureau du Bronx, Jake La Motta.

D’abord parce que le film contient tout un tas de répliques cultes et des dialogues jubilatoires laissant pleinement place à l’improvisation ce qui donne lieu à de réelles conversations de sourds à voir et revoir. Ces situations nous esquissent des sourires, voire même des rires, les seuls durant ce film sur le destin pitoyable d’un athlète déchu, arrivé au sommet et finissant sa vie en gérant de night club miteux. L’accent italien et la fausse dégaine de mauvais mafieux qu’arborent les acteurs contribuent également à ce côté comico-pathétique, et comme un bon Scarface et son Tony Montana se regarde en version originale, il en est de même pour Raging Bull (non non je ne fais pas l’apologie de la V.O…mais j’en profite un peu quand même!).

Ensuite, on l’apprécie car Raging Bull est un film qui prend son temps. Il en aura fallu pour l’écrire et le réaliser, et le temps se retrouve par conséquent aussi au cœur du film. On y découvre les ravages qu’il peut provoquer, à quel point il pèse sur les gens, les changements qu’il opère et dans le même temps les histoires qu’il ne résout pas. On sent que tout le monde s’est investit à fond, bien avant l’époque où tout devait être bouclé avant la sortie du blockbuster de l’été. Un vrai projet murit et bien pensé, ça se voit, et le spectateur est servit devant Raging Bull.

Raging Bull

Un film d’interprétation

Eh oui, il faut être honnête, le film ne serait pas grand chose sans la prestation sans faille d’un Robert de Niro de la belle époque. C’est ce qui fait qu’on aime ce film, et ce personnage qui n’a pourtant pas grand chose d’aimable ou de respectable dans ses actes. La métamorphose sans nom de De Niro est admirable. A la fois physique et mentale, on ne distingue plus l’acteur du boxeur. Il est Jake De Niro, Robert la Motta. Il aura pris des risques à l’époque en engloutissant durant trois mois toute la nourriture française qu’il pouvait trouver, mais ses 30kg en surplus seront bien réels. Pas de prothèse, pas d’artifice. Juste l’acteur, son investissement et son jeu, pour encore plus de réalisme. Peu de gens ont la trempe de le faire désormais. Rien que pour ça, De Niro mérite et méritera toujours tout le respect du monde (du cinéma), nous forçant à oublier sa carrière récente plus ou moins légère dirons-nous…

Il a dans ce film un côté Marlon Brando dans Le Parrain. Il a la classe. Il en impose. Il est très bon. Accompagné à l’écran par un Joe Pesci en petit frère nerveux, il sera aidé par ses autres partenaires de jeu tout aussi justes que lui et tout aussi beaux en noir et blanc, en tout cas pour ce qui est de Cathy Moriarty !

De Niro incarne à merveille un boxeur talentueux qui vivra pourtant une vraie déchéance, poussé par ses angoisses omniprésentes qui feront de lui un homme paranoïaque, jaloux, autodestructeur et par conséquent, seul. Tout comme Elvis, Jake la Motta est le King (of the ring). Un talent pourtant gâché par ses frasques personnelles et ses démons intérieurs qui le hantent, ne lui laissant aucun répit. Grâce à De Niro, on ne peut s’empêcher de ressentir de la compassion, voire de la pitié pour cet homme, malgré toutes les erreurs qu’il a commis.

Raging Bull

Un homme constamment rongé par ses émotions, qui atteignent leur paroxysme lors d’une scène désormais culte où De Niro demande à son frère s’il a couché avec sa femme (allez…que celui qui ne s’est jamais amusé à l’imiter, hurlant « You fucked my wife ?! » lève la main). Quand cette dernière, excédée par ses crises de jalousie, lui dit qu’elle s’est tapé la terre entière, dont son frère, La Motta explose enfin, tabassant sa femme et son frère. Il ne réussira jamais à s’excuser et perdra par la suite ces deux personnes centrales pour lui et sans qui il sera perdu.

Martin Scorsese illustre ici avec brio la descente aux enfers d’un homme aveuglé par sa rage intérieure. Un homme à la limite permanente de la schizophrénie, pour qui l’amour et la haine se confondent en un seul sentiment qui l’inonde et qu’il ne peut contrôler. Résultat, il fait du mal aux gens qu’il aime, mais ironiquement, il le fait par amour pour eux. Il cherche toujours de l’aide sans pouvoir en demander. Quand on la lui propose, il la refuse même par fierté, préférant y arriver seul.

A la place, il se laisse dépérir, grossir, aller en prison et finir…seul justement. L’autodestruction devient son crédo, persuadé qu’il ne mérite que cela. La légende dit d’ailleurs que le film est à la limite de l’autobiographie, puisque Scorsese (lui aussi originaire de Little Italy dans le Bronx) vivait la même chose au même moment avec sa femme et son divorce. Devenu lui-même paranoïaque, autodestructeur et jaloux, il n’y a pas de doutes que son histoire personnelle aura influencée la réalisation de Raging Bull.

Un tour de force.

Mais au-delà du réalisateur et de l’acteur, Raging Bull est un film de force. Le titre vient d’ailleurs du surnom donné à Jake La Motta, que l’on appelait le Taureau du Bronx, ce qui illustre plutôt bien la colère et l’énergie qui l’animait constamment. Il y a du physique de bout en bout dans le film. Quelque chose d’animal. La Motta est un lion en cage, encore plus qu’un taureau. Il tourne en rond, montre les crocs sans cesse, répond à ses instincts primaires.

Scorsese a eu le génie de mettre tout ça en image notamment dans la scène où De Niro, obèse, est jeté en prison, se retrouvant seul face à lui-même, tournant en rond entre l’ombre et la lumière et fonçant droit dans le mur, tout en se persuadant que c’est lui le patron, toujours lui le Roi.

Les combats du film eux aussi sont d’une puissance à couper le souffle. Les coups font mal, le spectateur le ressent. La réalisation est toute aussi forte, basée sur une musique millimétrée presque incessante qui monte en puissance dans chaque moment important.

Raging Bull

Seul au monde

Dans le même temps, Scorsese a su maitriser à la perfection les autres sons en dehors de la musique, notamment les silences. Utilisés à plusieurs reprises dans le film, tout comme les ralentis et les plans larges dans des décors simplistes, ils contribuent à accentuer le sentiment d’angoisse et de solitude que le personnage ressent.

Le noir et blanc sert avec brio ce choix de réalisation. L’acteur se retrouve en effet souvent seul, un coup sous la lumière, un coup dans ses zones d’ombres qui font partie de lui. Sur le ring, chez lui dans un décor épuré, en train de se parler seul devant son reflet…le taureau du bronx est amené à se retrouver face à son Moi intérieur pour pouvoir faire le point. Au final, le film montre à quel point la solitude est destructrice pour l’homme, qui ne peut vivre seul, et qui en même temps ne supporte pas la compagnie des autres puisque ceux-ci le rendent fou.

Mais Raging Bull est aussi un film sur le pardon, la rédemption, l’expiation de ses (nos) péchés. Il y a une dimension biblique dans ce film puisque les péchés capitaux y sont tous abordés, et les deux heures neuf de pellicule se terminent même sur une Parabole, illustrant la prise de conscience de La Motta. Pourtant, Scorsese ne fait pas ici l’apologie d’une religion, mais plutôt le portrait d’un homme en détresse, voulant se racheter de tout le mal qu’il a pu se faire et faire aux autres. Une vrai leçon de vie filmée en noir et blanc.

Rocky, Jake et les autres…

En plus de tout cela, Raging Bull est (quand même aussi) un film sur la boxe, sport et métier qui donne le rythme du début à la fin du film. Tout comme elle, la vie de La Motta est faite de moments d’observation, de moments physiques et violents, mais aussi d’esquives et d’endurance. Le film est basé sur ces changements de tempo, le spectateur vivant en effet au rythme d’un combat qui dure toute une vie. Combat le plus dur qui soit, puisque l’adversaire de notre héros n’est autre que lui-même…

Malgré tout, Raging Bull n’est pas un film de boxe comme les autres. Contrairement à un Rocky, sortit quelques années avant, Scorsese a pris la décision de ne pas centrer tout le film sur la carrière sur le ring de La Motta, ou sur son entraînement. L’important, c’est tout ce qui se passe en dehors, dans le cercle familial du boxeur, un peu comme Fighter l’a fait récemment. Les combats sont présents tout au long du film, mais ne sont pas montrés en intégralité. Illustrés par des flashs, des commentaires audio ou par des clichés instantanés retentissants, on sait que La Motta a combattu les plus grand, mais l’intérêt n’est pas dans la conquête de la ceinture dorée, mais plutôt dans la quête d’une paix intérieure qu’il se sent obligé de conquérir par la force.

Raging Bull

Une pépite inclassable

Pour autant, Martin Scorsese aura innové dans sa façon de filmer les combats du film. Présent sur le ring avec les acteurs, il maitrise le ralentit avec précision. Le noir et blanc (ainsi que l’utilisation partielle de la couleur à bon escient) n’a pas de secret pour lui à tel point que le spectateur a l’impression de se prendre chaque uppercut en pleine tête. Les sons sont calculés à la seconde près, les silences aussi. La technique est parfaite, alliée au jeu de De Niro qui aura appris ses « chorégraphies » par cœur, à tel point que le vrai Jake La Motta aurait été prêt à se battre avec lui durant un combat officiel. Le film en devient plus vrai que vrai, plus aucun artifice n’intervenant entre les acteurs et le spectateur.

Raging Bull réussit donc l’exploit d’être à la fois un sublime film de boxe avec des combats puissants, mais aussi un vrai film de mafieux comme Scorsese sait les faire, sans compter sur le fait que ce soit un magnifique film d’auteur sur l’être humain, une démonstration de réalisation et une leçon d’interprétation. En bref, c’est un vrai coup de poing que nous assène De Niro, et Scorsese nous met au tapis…que demander de plus?!

Résumé :

Raging Bull n’est ni plus ni moins un chef d’œuvre du septième art. Une pépite en noir et blanc que l’on se doit de voir et revoir pour le jeu inégalable de De Niro et la maitrise parfaite de la caméra de Martin Scorsese. Un film fort sur les sentiments puissants qui peuvent détruire les tréfonds de l’âme humaine…Croyez-moi, That’s entertainment!

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=LziXnY-9lco[/youtube]

 

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