Ma mère, dieu et Sylvie Vartan

France, Canada, 2025
Titre original : –
Réalisateur : Ken Scott
Scénario : Ken Scott, d’après le roman de Roland Perez
Acteurs : Leïla Bekhti, Jonathan Cohen, Joséphine Japy et Naïm Naji
Distributeur : Gaumont
Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h43
Date de sortie : 19 mars 2025
3/5
A l’heure du choix de la date de sortie de Ma mère dieu et Sylvie Vartan, la Gaumont a dû se trouver face à un dilemme. Valait-il mieux profiter de la période des vacances de Pâques, propice aux entrées, ou bien attendre jusqu’à la prochaine fête des mères fin mai, afin d’inciter à ce moment-là les familles à rendre hommage à leur pilier officieux par voie de sortie au cinéma ?
Visiblement, c’est la première option qui a été retenue en fin de compte. Ce qui n’empêchera pas le film de Ken Scott de devenir en toute probabilité le genre de tradition collective du passage à la télévision, année après année à l’occasion donc de cette fête précitée, d’une histoire amplement fédératrice. En effet, le capital de sympathie de ce récit d’une vie, ponctué des interventions plus ou moins obstinées de la mère du personnage principal, est indéniable. Tout comme ses ambitions cinématographiques solidement situées dans la moyenne.
Néanmoins, la narration de cette intrigue édifiante a le bon goût de ne pas s’attarder exclusivement sur le vaillant combat pour épargner à son dernier né l’épreuve du handicap de la mère courage, interprétée avec une conviction sans faille par Leïla Bekhti. Car une fois cette mise à l’écart du monde des personnes autonomes laissée derrière lui, le protagoniste aura à se décharger d’un poids guère plus commode : celui de l’influence omniprésente et donc étouffante de cette mère poule. Cette dernière aura beau avoir permis à son fils chéri de vivre une vie soi-disant normale, cela aura été au prix d’un lien réciproque très compliqué à rompre.
Dans cette deuxième partie du film, c’est Jonathan Cohen dans l’un de ses rares rôles dramatiques qui prend plutôt souverainement la relève, quitte à tomber à intervalles irréguliers victime d’un rythme narratif trop ramassé et par conséquent trop expéditif.

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Synopsis : L’annonce de l’arrivée de son sixième enfant remplit de joie Esther, une jeune mère juive d’origine marocaine, qui aura par la même occasion le privilège d’habiter avec sa famille nombreuse un logement social dans le Paris intra-muros des années 1960. Or, quel n’est son choc quand elle apprend à la naissance de Roland que celui-ci souffre d’une malformation sous forme de pied-bot. Dès lors, le seul objectif de Esther est de trouver un médecin capable de guérir son fils, pour qui elle n’envisage nullement une vie en situation de handicap.

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Refus de la fatalité
D’une certaine façon, il y a déjà tout dans le titre de Ma mère dieu et Sylvie Vartan. D’abord la mère, dépeinte ici dans toute son extravagance et son refus absolu de se rendre à l’évidence d’un fils handicapé. Ce qui pourrait inviter aisément à toute une réflexion sur le propos du film à la limite du validisme, que vous nous permettrez de ne pas mener ici. Pour faire simple, pendant la première heure du septième long-métrage de Ken Scott, tous les projecteurs ne sont braqués que sur elle, ainsi que sur sa croisade inlassable, quelque part entre l’instinct maternel sous son jour le plus intraitable et une foi aux accents folkloriques, qui finit malgré tous les contretemps à porter ses fruits.
En plus du destin cruel réservé à son fils, son adversaire principal s’incarne sous les traits de Jeanne Balibar en assistante sociale si fermement attachée aux valeurs de la république, qu’elle en viendrait presque à briser la cohésion familiale restée à peu près intacte jusque là.
Puis, à la place de dieu, c’est davantage tout l’éventail de la médecine d’hier et d’aujourd’hui qui y en prend pleinement pour son grade. Ainsi, la solution miracle pour permettre à Roland de mener une vie comme les autres enfants de son âge ne se trouve pas dans les cabinets médicaux ou sur les tables d’opération, mais du côté de méthodes infiniment plus douces. Tandis que la toujours aussi solide Anne Le Ny se charge de corriger les défauts physiques, la chanteuse mythique Sylvie Vartan vole au secours de l’âme de notre petit malade enfermé chez lui. Elle apparaît initialement comme figure de fanatisme bon enfant, puis plus tard en chair et en os. Avec cette réserve considérable à l’égard des effets numériques de rajeunissement, aussi peu probants sur elle que sur Cohen en étudiant en droit et, surtout, en quête d’émancipation.
Admettons qu’au sujet de la compagne d’antan de Johnny Hallyday, les repères culturels et musicaux nous manquent pour éprouver un pincement au cœur nostalgique à l’écoute de ses tubes, qui pullulent sur la bande son du film.

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Je te donne ma vie
Après cette relation encore si fusionnelle au début du film, le temps de la séparation arrive inexorablement. Rien de plus ordinaire dans le cours d’une vie qui est censée passer par toute une série d’étapes de gain en responsabilité. Bien que la mise en scène de Ken Scott ne veille pas toujours à réduire au maximum l’aspect mélodramatique de l’intrigue, il y a une belle partie de vérité affective dans ce long et lent processus de coupure du cordon ombilical devenu toxique depuis longtemps.
Certes, sous sa couche épaisse de maquillage, Leïla Bekhti ne dégage plus la même énergie de vivre et de vaincre qu’au début. Ce qui va au fond de soi avec l’âge qui avance. Mais l’impuissance de son fils de se libérer de son emprise dévoile sans trop de complaisance le revers de la médaille d’un amour maternel, prêt à déplacer des montagnes pour le bonheur de sa famille.
Ce qui nous amène à un autre élément d’ambiguïté dans ce film qui n’en manque pas. Autant l’observation des tours de force maintes fois répétés de la mère y sont exécutés avec une efficacité cinématographique irréprochable, autant le reste de l’entourage de Roland – à l’exception des deux icônes au féminin de sa vie, sa mère et Sylvie – fait à peine plus que de la figuration. Cela s’explique en partie par un raisonnement psychologique assez crédible sur les rapports très distants que le personnage principal entretient avec son père, résumés sans s’y attarder outre mesure en une seule et unique séquence.
Par contre, les interactions au sein de la fratrie nombreuse peinent à prendre vie devant nos yeux, le seul parmi les frères à avoir un rôle vaguement consistant étant Milo Machado-Graner en professeur improvisé qui disparaît du récit dès que son cadet a pleinement acquis ses capacités physiques et intellectuelles.

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Conclusion
En tant que grand succès public du cinéma français en ce printemps 2025, Ma mère dieu et Sylvie Vartan remplit plus que convenablement le contrat de l’histoire sentimentale, susceptible de nous arracher par ci, par là une petite larme. Certes, Ken Scott n’y réinvente nullement le mélodrame familial, ni l’hommage à une vedette populaire d’il y a plusieurs générations. Cependant, grâce aux interprétations dépourvues de fausse pudeur à la fois de Leïla Bekhti en mère envahissante et de Jonathan Cohen en fils qui ne sait pas comment se défaire sans ingratitude de ce fardeau familial, son film constitue un rappel salutaire de ce que l’on doit, presque toutes et tous, à nos mères. Un sentiment remarquablement condensé dans la citation finale, qui sonne par contre plutôt creux en exergue de la bande-annonce.