Critique : Mexico 86

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Mexico 86

Belgique, France : 2024
Titre original : –
Réalisation : César Díaz
Scénario : César Díaz
Interprètes : Bérénice Bejo, Matheo Labbe, Leonardo Ortizgris
Distribution : Bac Films
Durée : 1h33
Genre : Drame
Date de sortie : 23 avril 2025

4.5/5

César Diaz est né en 1978 au Guatemala, alors en pleine guerre civile. Très engagée contre la dictature, sa mère a dû s’exiler au Mexique alors que son fils n’avait que 3 ans et ce dernier, resté au Guatemala, a été élevé par sa grand-mère. César Díaz est parti étudier en Belgique à l’âge de 20 ans. Son intérêt pour le cinéma l’a ensuite poussé à poursuivre ses études à l’école de cinéma La Femis à Paris. Après avoir réalisé quelques documentaires, il est passé au long métrage de fiction avec Nuestras Madres, qui, ayant été sélectionné dans la Semaine de la Critique 2019, s’est vu décerner la Caméra d’Or. Film de pure fiction mais dont le scénario a été nourri par des éléments de sa propre vie et de celle de sa mère, Mexico 86 est son 2ème long métrage de fiction.

Synopsis : 1986. Maria, militante révolutionnaire guatémaltèque, est depuis des années exilée à Mexico où elle poursuit son action politique. Alors que son fils de 10 ans vient vivre avec elle, elle devra faire un choix cornélien entre son rôle de mère ou celui d’activiste.

Il n’y a pas que le football dans la vie

Pour les amateurs de football, Mexico 86 évoque avant tout le quart de finale entre l‘Argentine et l’Angleterre, disputé 4 ans après la guerre des Malouines, match au cours duquel Diego Maradona a inscrit 2 buts qui ont marqué l’histoire du football au point de faire l’objet chacun  chacun d’une appellation particulière : le but de la « Main de Dieu » et le « but du siècle ». Toutefois, en 1986, en Amérique Centrale, il n’y avait pas que le football dans la vie. C’est ainsi qu’à l’époque, Maria, une femme originaire du Guatemala, pays limitrophe du Mexique, travaillait sous un faux nom, Julia, comme correctrice dans un journal de Mexico tout en continuant des activités souterraines au sein d’une organisation pour la libération de son pays. En 1986, cela faisait des années que le Guatemala vivait sous la coupe d’une succession de dictatures militaires. 10 ans auparavant, en 1976, le mari de Maria avait été tué sous ses yeux et elle avait dû fuir son pays pour aller au Mexique, laissant à sa mère la garde et l’éducation de Marco, son fils, alors un bébé. Pour l’organisation dont Maria fait partie, il était hors de question qu’elle emmène Marco avec elle au Mexique. Cette organisation aurait voulu que Marco soit envoyé à Cuba afin qu’il intègre une « ruche », un de ces refuges qui recevait des enfants d’activistes afin de les protéger et de leur donner une éducation intégrant les principes révolutionnaires et c’est du bout des lèvres que l’option de la grand-mère avait été acceptée. Ce départ de Marco vers une « ruche » cubaine va se poser à nouveau lorsque Marco va rejoindre sa mère à Mexico, en 1986, un moment charnière dans l’histoire de la guerre civile du Guatemala, les autorités de l’époque ayant proclamé une amnistie qui permettait aux résistants d’abandonner le combat sans être inquiétés à condition de collaborer avec le gouvernement. Certain(e)s ont accepté, d’autres pas. Le choix que Maria doit faire est difficile, d’autant plus que ses rapports se détériorent avec le directeur du journal pour lequel elle travaille.

Un choix difficile

Aujourd’hui encore, un père et une mère ne sont pas jugé(e)s de la même façon par la Société quand lui ou elle décide de moins s’occuper de ses enfants pour pouvoir consacrer davantage de temps à sa carrière. Aujourd’hui encore, on considère le plus souvent que c’est à la mère d’assister aux conseils de classe en fin de journée et de préparer le repas du soir pour toute la famille, le père pouvant rester plus longtemps au travail, ce qui, bien sûr, lui permet d’obtenir plus facilement des promotions. Mexico 86 permet de nous transporter dans une situation bien plus difficile encore pour une mère, celle de faire un choix entre l’amour qu’elle porte à son fils et son activité de révolutionnaire face à une dictature sanguinaire, un choix entre s’occuper pleinement de son enfant et se battre pour lui assurer un monde meilleur. Comme le dit César Díaz, « En 1986, lorsque les hommes partaient faire la révolution, ou même partaient en exil, personne ne se demandait qui gardait leurs enfants. Contrairement aux femmes révolutionnaires qui elles, en plus d’avoir à défendre leur pays et leurs droits de citoyennes, devaient aussi chercher des solutions pour leurs gamins ». Ce sujet déjà très fort à lui tout seul, César Díaz a décidé de le traiter sous la forme d’un thriller haletant plein de rebondissements et il a parfaitement réussi l’osmose entre film sur une situation cornélienne et film entrant dans la famille des thrillers d’espionnage.

L’actrice idéale

Née en Argentine en 1976, dans un pays en pleine dictature comme Marco et la même année que lui, Bérénice Béjo a connu elle aussi l’exil, et ce dès l’âge de 3 ans. Des points communs qui faisaient d’elle l’actrice idéale pour interpréter le rôle de Maria, même si l’histoire de Maria que nous raconte le film n’a rien à voir avec l’histoire des parents de Bérénice. Pour interpréter le rôle de Maria, la comédienne a dû retravailler son espagnol, en particulier pour arriver à reproduire parfaitement l’accent d’une femme du Guatemala. Le résultat est superbe, Bérénice Béjo contribuant à porter le film vers des sommets, bien aidée par l’actrice mexicaine Julieta Egurrola qui interprète le rôle d’Eugenia, la mère de Maria, qui, pendant 10 ans, a joué pour Marco le rôle de mère de substitution, bien aidée aussi par Matheo Labbe, le jeune interprète de Marco. Toutefois, la qualité des interprètes ne nous autorise pas à sous-estimer le grand talent de César Díaz qui est arrivé à faire de ces choix cornéliens que doit faire une mère un thriller d’espionnage passionnant et tout à fait crédible.

Conclusion

Bien qu’ayant acquis la nationalité belge, César Díaz continue de porter un grand intérêt au Guatemala, son pays d’origine. Même si Mexico 86, son deuxième long métrage, n’est pas un film autobiographique,  on y retrouve des situations que César et sa mère ont réellement vécues. Présenté sous la forme d’un passionnant thriller d’espionnage et bénéficiant de l’interprétation XXL de Bérénice Béjo, ce drame sur les choix cornéliens que doit faire une mère engagée dans la résistance contre une dictature a tous les atouts pour plaire à un très vaste public.

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