Critique : The Outrun

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The Outrun

UK; ALL 2024
Réalisatrice: Nora Fingscheidt
Scénariste: Nora Fingscheidt ; Amy Liptrot
Casting: Saoirse Ronan ; Saskia Reeves ; Stephen Dillane
Distributeur: UFO Distribution
Genre : Drame
Durée : 1h58 min
Sortie FR: 28 Août 2024

4/5

La bande annonce de THE OUTRUN, le nouveau long-métrage de Nora Fingscheidt (dont le premier, “System Crasher”, gagne à être (re)vu, pourrait vous induire en erreur quant à la question posée par le film. Vendu comme une bleuette psychologisante portée par Saoirse Ronan, le film brille moins par son star power que par la manière dont sa réalisatrice, encore une fois, fait résonner le trouble de son personnage avec la forme même du montage. Si aujourd’hui, on ose un peu mieux dire qu’on a un problème d’alcool, comment le cinéma peut-il le raconter?

Synopsis : Rona, bientôt la trentaine, brûle sa vie dans les excès et se perd dans les nuits londoniennes. Après l’échec de son couple et pour faire face à ses addictions, elle trouve refuge dans les Orcades, ces îles du nord de l’Écosse où elle a grandi. Au contact de sa famille et des habitants de l’archipel, les souvenirs d’enfance reviennent et se mêlent, jusqu’à s’y confondre, avec ceux de ses virées urbaines. C’est là, dans cette nature sauvage qui la traverse, qu’elle trouvera un nouveau souffle, fragile mais chaque jour plus puissant.

Associé à la fête, à la tradition, au danger ou à la maladie; l’alcool fait indiscutablement partie de notre environnement social. Au cinéma, ses effets marquent souvent le passage à une nouvelle étape, pour le personnage ou pour le récit, un moyen de célébrer la distance cathartique entre le spectateur et l’écran, un révélateur des tensions souterraines. L’ivresse, comme la drogue, s’empare du personnage dans un trouble intérieur qui échappe difficilement à l’œil impitoyable de la caméra. Mouvements erratiques, voix pâteuse, roulement des yeux, c’est bientôt le temps des paroles dans une intimité intoxiquée qui semble surpasser les enjeux de la scène.

“Ne touche pas à mon petit cercle vicieux” menace Ray Milland dans The lost Weekend (1945) alors que le barman vient nettoyer la trace d’humidité de son verre sur le comptoir. Auteur raté, condamné par son complexe d’infériorité, il se lance alors dans le récit de son histoire d’amour déchu, entraînant la caméra à panoter pour nous guider jusqu’au flashback.

A l’autre extrême, c’est pour cacher un monde qu’il ne veut pas voir qu’Albert Finney va se noyer littéralement dans la tequila d’ Under the Volcano (1984). Alors que l’Europe succombe au nazisme et que la terre mexicaine où il jouissait sans vergogne se change en enfer tropical, son personnage d’ambassadeur en bout de course boit pour surtout ne pas lire les lettres d’amour de sa femme qu’il garde dans sa poche comme un totem du souvenir.

Enfin, dans Leaving las Vegas (1995), Nicolas Cage, se condamnant volontairement à un suicide d’ivresse, croit profiter d’une nouvelle souplesse physique avant que le corps ne résiste plus.

Peut-être qu’à travers ces quelques figures alcooliques, déjà condamnées, le cinéma cherche à révéler la fragilité du monde social. Il s’amuse par elles de l’hypocrisie ambiante avant d’en condamner la vérité.

Dans THE OUTRUN, par contre, l’alcool n’accompagne plus le récit mais est vécu de front; comme un trouble sensoriel baignant la première moitié du film dans une confusion temporelle qui est celle de son héroïne, montrant tour à tour son enfer et son exil. Fingerscheidt poursuit donc une forme de montage “contaminé”, percuté par la confusion. Le portrait en devient très démonstratif, appuyé par une bande son qui cherche l’apaisement sans jamais le trouver, se résignant dans la deuxième moitié à abandonner la musique, pour que le son de la nature vienne mieux prendre toute la place. Les allers-retours temporels vont ainsi péniblement être évacués, signifiant le retour inespéré à la continuité du récit.

Ainsi, le film réussit à faire résonner le terrible diagnostic sans la représentation “musicale” de l’ivresse qui l’accompagne traditionnellement. Cette inversion se traduit enfin dans le traitement des couleurs; où le fluo festif se fait d’abord écoeurant avant que le retour au terne ne provoque un apaisement durement gagné.

Conclusion

Sous ses airs de drame traumatique, THE OUTRUN réussit aussi à fuir le diagnostic en se cantonnant au symptôme. Si l’effet est clairement néfaste pour son personnage, il aura malgré tout permis à l’intrigue de se stabiliser. En plaçant la souffrance dans la forme même du film plutôt que dans un discours trop didactique, the OUTRUN confirme une science du montage et une réalisatrice à suivre.

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