Test Blu-ray : Anora

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Anora

États-Unis : 2024
Titre original : –
Réalisation : Sean Baker
Scénario : Sean Baker
Acteurs : Mikey Madison, Mark Eidelstein, Iouri Borissov
Éditeur : Le Pacte
Durée : 2h19
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 30 octobre 2024
Date de sortie DVD/BR : 12 mars 2025

Anora, jeune strip-teaseuse de Brooklyn, se transforme en Cendrillon des temps modernes lorsqu’elle rencontre le fils d’un oligarque russe. Sans réfléchir, elle épouse avec enthousiasme son prince charmant , mais lorsque la nouvelle parvient en Russie, le conte de fées est vite menacé : les parents du jeune homme partent pour New York avec la ferme intention de faire annuler le mariage…

Le film

[3,5/5]

On l’a déjà largement compris avec des films tels que The Florida Project et Red Rocket : le scénariste / réalisateur américain Sean Baker aime planter sa caméra chez les laissés pour compte de l’Amérique contemporaine. Forcément, il plane au-dessus de ses films l’ombre assez envahissante de Donald Trump et de sa politique sociale. Le dernier film de Sean Baker, Anora a obtenu la Palme d’Or lors du Festival de Cannes 2024, et a littéralement fait la Razzia sur les Oscars 2025, en remportant les prix dans la catégorie Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleure actrice (pour Mikey Madison), Meilleur scénario original et Meilleur montage. Sacré palmarès…

Sauf que l’on pourrait être tenté de relativiser cette moisson de prix obtenus par Sean Baker. Sans vouloir remettre en cause les qualités de son film, la pluie de récompenses étant tombé sur Anora ces derniers mois pourra rappeler les propos de Blanche Gardin quand elle a reçu son prix lors de la Cérémonie des Molières en 2018 : « Je suis la seule femme nommée l’année de l’affaire Weinstein… Ça, c’est tout moi, ça, c’est l’histoire de ma vie : le jour où j’ai un prix, il n’a aucune valeur ! » Ainsi, le choix de Sean Baker et Anora pour les deux récompenses cinématographiques les plus prestigieuses de l’année n’a-t-il pas été influencé par la campagne-coup de poing et la réélection de Donald Trump en 2024 ? On peut clairement supposer qu’en remettant la récompense suprême à Anora, le jury Cannois et l’Académie des Oscars ont fait passer un message politique fort, à la manière d’un acte de « résistance » à Donald Trump.

Ira-t-on pour autant jusqu’à affirmer qu’Anora ne méritait pas de telles distinctions ? On l’ignore, cela dit, on ne peut que constater qu’avec ce film, Sean Baker revient aux petites fixettes qu’on lui connaît depuis une dizaine d’années, Anora nous proposant une nouvelle fois dans la vie des exclus et des parias de la société US, cette fois avec une plongée au cœur de la vie des strip-teaseuses et travailleuses du sexe. La tonalité du cinéaste mélange comme toujours légèreté et cruauté. Et dans son créneau, le film fonctionne par instants, nous proposant une heure et demie de cris, d’excès comportementaux et de coups de pression rappelant par moments le genre du « polar de pieds nickelés » cher aux frères Coen.

Le problème dans l’absolu, c’est que le film de Sean Baker dure deux heures vingt, ce qui tend clairement à donner l’impression au spectateur que l’intrigue tourne en rond pendant à peu près une heure. Le côté polar de l’intrigue n’est pas assez étoffé pour remplir plus de deux heures de temps d’écran, et malgré cette durée, l’aspect romantique d’Anora n’est pas satisfaisant, la caractérisation des personnages restant désespérément sous-développée. De fait, Sean Baker donne surtout l’impression de faire du remplissage quand il aborde le virage sentimental qu’il veut faire prendre à son récit – les sentiments partagés entre les personnages d’Anora ne sont pas des plus clairs, et on ignore ce qu’ils pensent réellement.

Ainsi, il semble qu’Anora (Mikey Madison), qui gagne sa vie en manipulant les hommes, est strip-teaseuse depuis suffisamment longtemps pour être tout à fait consciente de la façon dont fonctionne le système. Elle n’est pas née de la dernière pluie, et s’avère par exemple tout à fait capable d’affronter Diamond (Lindsey Normington), qu’elle considère comme sa rivale. Elle connaît son boulot, et la distance psychologique qu’elle doit adopter vis-à-vis de ses clients, et Vanya (Mark Eidelstein), avec qui elle se mariera à l’issue d’une soirée festive un peu trop arrosée, n’est au départ pour la jeune femme qu’une relation intéressée, purement « professionnelle ». Bien sûr, le jeune homme est attachant, et le scénario d’Anora suggère que l’héroïne accepte de visiter son manoir parce qu’elle est en train d’en tomber amoureuse – ce fameux mythe de la pute qui tombe amoureuse de son client.

Alors, l’histoire d’amour hypothétique au centre d’Anora en est-elle une, ou s’agit-il simplement d’une affaire de corps ? Le film n’est pas explicite à ce sujet, et la psychologie trop peu fouillée des personnages empêche le spectateur de pouvoir trancher de façon catégorique. Pour autant, l’expérience – on pourrait presque parler d’expertise – du personnage d’Anora dans son domaine d’activité nous tend à penser qu’il s’agit juste une partie de jambes en l’air rémunérée, et d’un gars qui s’offre les services longue durée d’une escort qui a trouvé le bon pigeon, ni plus ni moins. Pour autant, même si le film dure de fait une bonne heure de trop, Sean Baker aime le mouvement, l’énergie, et le chaos qu’il parvient à créer à l’écran dans les passages les plus agités du film parvient à compenser le fait que l’étude des personnages est un poil trop bancale pour s’avérer convaincante.

Le Blu-ray

[4/5]

Après avoir réuni un peu plus de 615.000 spectateurs dans les salles françaises, Anora, le dernier film de Sean Baker débarque en Haute-Définition sous les couleurs de Le Pacte. Comme il fallait s’y attendre pour un film aussi coloré, le Blu-ray du film nous propose une expérience Home Cinéma chatoyante. L’image est littéralement superbe, même dans ses nombreux passages nocturnes, et rend parfaitement hommage à la belle photo du film signée Drew Daniels. La définition est précise, les couleurs très saturées sont respectées à la lettre, et même durant les séquences les plus chaotiques à l’écran (fumée, couleurs vives qui tranchent net), le master tient toujours parfaitement la route et nous ravit pleinement les mirettes. Côté son, c’est également du lourd, en VO comme en VF, grâce à deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 très solides, avec une excellente spatialisation d’ensemble et des effets dynamiques étonnants. Un superbe boulot.

Dans la section suppléments, on trouvera tout d’abord un entretien avec Sean Baker et Samantha Quan, productrice du film (23 minutes), qui se trouve également être l’épouse du cinéaste. Ensemble, ils reviendront sur la genèse et la conception du film en général, en insistant tout particulièrement sur l’angle choisi par le réalisateur. Dans un module séparé, Sean Baker et Samantha Quan reviendront sur la scène d’introduction et la scène finale d’Anora (12 minutes), et dans un troisième sujet, ils évoqueront la collaboration entre Sean Baker et son actrice principale Mikey Madison (9 minutes). Intéressant !

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