Miséricorde
France : 2024
Titre original : –
Réalisation : Alain Guiraudie
Scénario : Alain Guiraudie
Acteurs : Félix Kysyl, Catherine Frot, Jean-Baptiste Durand
Éditeur : Blaq Out
Durée : 1h44
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 16 octobre 2024
Date de sortie DVD/BR : 4 mars 2025
Jérémie revient à Saint-Martial pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. Il s’installe quelques jours chez Martine, sa veuve. Mais entre une disparition mystérieuse, un voisin menaçant et un abbé aux intentions étranges, son court séjour au village prend une tournure inattendue…
Le film
[3/5]
Si à la découverte de l’affiche de Miséricorde, le cinéphile lambda pourrait croire à la (re)découverte d’un film méconnu des années 60 mettant en scène Jean-Pierre Mocky, la vérité est bien différente. En effet, derrière les couleurs chatoyantes et le style presque « Pop Art » de cette affiche singulière se cache en réalité le dernier film en date d’Alain Guiraudie. Plus surprenant encore : le visage en gros plan et couleurs flashy n’est pas celui de Jean-Pierre Mocky jeune, mais celui de Félix Kysyl, fils de l’actrice Anne Loiret, qui évolue lui-même dans le métier d’acteur depuis quelques années. Il a d’ailleurs été nommé pour le César de la Meilleure révélation masculine il y a quelques jours pour sa prestation dans le film d’Alain Guiraudie.
Miséricorde, qui tendrait à faire revoir à la hausse les chiffres avancés par Philippe Katerine et Lomepal dans leur tube de 2019 « 88% », se base en partie sur le roman « Rabalaïre » qu’Alain Guiraudie a publié en 2021. En enregistrant un peu moins de 229.000 entrées en France à l’automne dernier, le film s’avère également le plus gros succès public du cinéaste, très loin devant Rester vertical (2017, 74.000 entrées) et même L’Inconnu du lac (2013, 116.000 entrées). De fait, le film a amené un tout nouveau public au cinéma d’Alain Guiraudie. Au sein de celui-ci, on notera l’enthousiasme de notre chroniqueur Guillaume Imbert – on vous invite d’ailleurs ci-dessous à découvrir quelques morceaux choisis de sa critique du film, publiée dans nos colonnes en novembre 2024.
« Miséricorde, à travers un ton en distance, à la frontière du cynisme et de la franche rigolade, dessine une mythologie complètement unique. Dans une extrême maîtrise, à travers des figures bien caricaturales (le prêtre, le bon copain, la mêre de famille éplorée, le marginal de retour…), le film nous livre une vision stérilisée de la société française rurale, comme incapable de ressentir quoi que ce soit. Ici, les paradigmes relationnels ne reposent plus sur aucun ressenti réel, à l’image de Jérémie, le personnage principal, qui va plonger dans l’horreur, sans chercher une seconde à se faire pardonner. Sa force, peut-être, à la différence de tous les autres personnages, est qu’il est certain d’être déjà condamné.
Ici, c’est le désir qui condamne mais qui fait vivre aussi. Deux verbes qui semblent curieusement synonymes. A travers son homosexualité qu’on sent encore un tabou au village (on le questionne à ce sujet à voix basse, dans des moments d’intimité discrète), Jérémie incarne ce marginal, habitué à la violence du rejet, s’infiltrant dans un mensonge qu’il sait pouvoir maîtriser. Quand le crime advient, les proches d’abord et puis même la police ensuite resteront étrangement inefficaces. C’est que percer le secret, ça voudrait dire avouer que tout est perdu, que le lien est perdu et que notre petite musique ne joue plus depuis longtemps.
Le monde rural français que dépeint Guiraudie, c’est un peu celui des films de Chabrol ou de Sautet qui aurait pris un coup dans son pittoresque. Cette distance, dans sa caricature, est vraiment réjouissante dans un esprit de satire méchante. On s’amuse beaucoup du pathétique de ces personnages qui veulent tenir bon des rituels d’apéro, de repas, de balade aux champignons qui ne reposent plus sur rien. » – L’intégralité de la critique de Guillaume Imbert est disponible ici.
Le Blu-ray
[4/5]
Après avoir réuni une belle poignée de curieux dans les salles françaises durant l’automne 2024, Miséricorde débarque aujourd’hui au format Blu-ray, et s’offre une belle édition estampillée Blaq Out, qui s’avère quasi-irréprochable niveau image et son. Le master est en effet très beau, avec un très beau piqué et un niveau de détail qui rend justice à la jolie photo du film signée Claire Mathon. Les contrastes sont affirmés, les noirs d’une belle profondeur, bref, c’est du très beau travail. Côté son, le film est proposé en DTS-HD Master Audio 5.1, et propose un bon confort d’écoute, un bon dynamisme, bref une immersion absolue, avec des ambiances finement restituées et un placement des voix toujours clair et judicieux. On notera par ailleurs que Blaq Out n’oublie pas les cinéphiles qui visionnent leurs films à domicile sans utiliser de système de spatialisation sonore : l’éditeur nous propose également un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 qui s’avérera probablement plus cohérent si vous visionnez Miséricorde sur un « simple » téléviseur.
Rayon suppléments, on aura droit à un entretien avec Alain Guiraudie (31 minutes), qui reviendra sur la genèse du film, le titre du film et le concept de « miséricorde », la construction de l’histoire, sa relation à la tradition catholique et bien sûr son travail avec les acteurs ainsi que sur certaines scènes du film, telles que celle du meurtre. Intéressant !
