Quelque chose de vieux, quelque chose de neuf, quelque chose d’emprunté
Argentine : 2024
Titre original : Algo viejo, algo nuevo, algo prestado
Réalisation : Hernán Rosselli
Scénario : Hernán Rosselli
Interprètes : Maribel Felpeto, Alejandra Cánepa, Hugo Felpeto
Distribution : Les Alchimistes
Durée : 1h43
Genre : Drame
Date de sortie : 19 mars 2025
3/5
Synopsis : Dans une banlieue populaire de Buenos Aires, les Felpeto ont leur business de paris sportifs clandestins bien rôdé. À la mort du père, la mère et la fille reprennent en main les affaires. Mais on parle de purges dans la police, d’importantes sommes d’argent déplacées, de perquisitions dans le quartier… La famille se prépare au pire alors qu’un lourd secret menace d’être dévoilé.
Dans son 3ème long métrage, film faisant partie de la sélection de la Quinzaine des Cinéastes de Cannes 2024, Hernán Rosselli nous invite à partager la vie d’une petite entreprise familiale installée dans la ville de Lomas de Zamora, à une vingtaine de kilomètres au sud de Buenos-Aires. Ce qui pourrait apparaitre comme étant d’une grande banalité ne l’est pas du tout : on est en Argentine et le cinéma argentin est un des plus inventifs du moment ! Commencez par regarder les noms des 3 interprètes principaux : vous allez vite vous apercevoir que 3 personnages du film portent ces mêmes noms. Etonnant, dans la mesure où on a à faire avec un film de fiction ! Et puis, quelle peut être la signification de ce titre à rallonge dont l’origine est une comptine traditionnelle anglaise qui énumère tout ce qu’une mariée doit avoir sur elle le jour de son mariage afin que la chance lui sourit ? Il se trouve que Hernán Rosselli et l’artiste plasticienne Maribel Felpeto sont des amis de longue date et que le réalisateur s’est montré particulièrement intéressé lorsque son amie lui a montré des films de famille réalisé par Hugo, le père de Maribel, des films qui faisaient l’objet d’une petite mise en scène et qui, pour Hernán Rosselli, étaient un très bon reflet de l’époque du retour à la démocratie en Argentine. Après avoir hésité entre documentaire et fiction, entre court et long métrage, Hernán Rosselli a décidé d’utiliser ce véritable trésor dans le cadre d’un long métrage de fiction, un film qui raconterait une fausse vie de la famille Felpeto et dans lequel joueraient Maribel, Alejandra, sa mère, et Hugo, son père. Une fausse vie, car, Hugo évoquant souvent des films tels Le parrain ou Les affranchis, le réalisateur a trouvé intéressant de plonger cette famille dans le monde des paris clandestins, d’en faire une famille de bookmakers.
Encore fallait il avoir avoir l’accord des membres de la famille Felpeto ! Après tout, il n’est pas forcément facile d’accepter de devenir au cinéma une famille vivant des revenus d’une petite entreprise se situant hors la loi. Pas facile, non plus, pour Hugo le père, de devenir un personnage de fiction portant son nom et qui est amené à mourir ! Apparemment, l’accord de la famille Felpeto fut très facile à obtenir ! Le film se partage entre deux domaines. Tout d’abord, il y a l’histoire de la fausse famille Felpeto relatée au travers des vrais films de famille filmés au cours du temps, avec les asados partagés avec les amis, les conversations se déroulant dans des petites piscines hors-sol et, bien sûr, le mariage de Ale(jandra) avec Hugo, un mariage où la jeune mariée avait scrupuleusement respecté la tradition de porter quelque chose de vieux, un des colliers de sa mère, quelque chose de neuf, un ensemble de lingerie, quelque chose d’emprunté, les boucles d’oreille de sa sœur, quelque chose de bleu, « sa bague avec un oeil turc qui protège contre l’envie ». A côté, il y a le fonctionnement de l’entreprise de paris sportifs, avec l’évocation des règles qu’il est impératif de respecter, la principale étant de ne pas aller opérer en dehors de son territoire. Avec, aussi, l’évolution de ce fonctionnement dans le temps, en particulier l’importance prise par les écrans, la féminisation progressive de la « profession » et les modifications du comportement de la police, devenant de moins en moins corruptible avec le retour à la démocratie, ce qui ne facilite pas la tâche des bookmakers clandestins. A priori, l’exercice consistant à mélanger les films de famille et les scènes de cinéma tournées par le réalisateur apparaissait comme étant très délicat. Hernán Rosselli s’en sort très honorablement et, tout au long du film, on est bluffé par le grand naturel des interprétations et, tout particulièrement, l’interprétation de Maribel Felpeto. Le film est accompagné par des morceaux de musique attribués à Jean-Sébastien Bach, mais tellement arrangés de façon électronique qu’il est pratiquement impossible de les reconnaitre.