Critique : Companion

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Companion

États-Unis, 2025
Titre original : Companion
Réalisateur : Drew Hancock
Scénario : Drew Hancock
Acteurs : Sophie Thatcher, Jack Quaid, Lukas Gage et Megan Suri
Distributeur : Warner Bros. Discovery France
Genre : Thriller / Interdit aux moins de 12 ans
Durée : 1h37
Date de sortie : 29 janvier 2025

3/5

Rien n’est ce qu’il paraît être dans ce premier film bien plus proche du genre du thriller à tiroirs multiples que de celui de l’horreur à proprement parler. Sans vouloir trop vous en dévoiler, on peut considérer Companion comme une œuvre entièrement dans l’air du temps, qui réussit simultanément à se moquer des travers de notre époque. Car le délire meurtrier que les personnages y traversent se base certes sur des avancées technologiques qui mettront sans doute encore quelques années, voire des décennies à advenir.

Il n’empêche que le film de Drew Hancock met d’ores et déjà le doigt dans la plaie du déséquilibre de pouvoir entre hommes et femmes sur laquelle se base hélas encore grandement notre société patriarcale. Il y parvient avec malice et adresse, ce qui n’est pas pour nous déplaire dans le contexte d’un film de genre, qui aurait facilement pu se mettre au service des éternels coups de théâtre sanguinaires.

Heureusement, la surenchère est tout autre ici. Grâce au ressort narratif toujours un peu douteux de nous annoncer la couleur et accessoirement la conclusion dès les premières minutes d’un film, nous avons dès lors tout loisir de nous laisser porter par un récit nullement avare en rebondissements. Ainsi, ce qui y importe est moins de savoir qui s’en sortira in extremis vivant de ce carnage, mais plutôt de laisser sa chance à chaque nouvelle révélation, plus délirantes les unes que les autres.

C’est avant tout une question cruciale de dosage entre l’identification avec des personnages qui cachent initialement très bien leur jeu, des revirements qu’on attendait d’une certaine manière mais qui font malgré tout leur petit effet et une possible lecture sociale de ce retournement des rapports de force au manichéisme assez nuancé. Bref, aussi grâce à l’interprétation très investie de Sophie Thatcher dans le rôle d’Iris, nous avons globalement adhéré à ce thriller rondement mené et – cerise sur le gâteau – dépourvu de passages à vide notables !

© 2025 New Line Cinema / Boulderlight Pictures / Vertigo Entertainment / Warner Bros. Discovery France
Tous droits réservés

Synopsis : Il y a quelque temps, dans un supermarché, rayon fruits et légumes, c’était le coup de foudre entre Iris et Josh. Désormais en couple et pleinement épanouis, ils partent ensemble pour un week-end à la campagne, dans la demeure aussi luxueuse qu’isolée de l’homme d’affaires russe Sergueï. Iris a beau être remplie d’appréhension face à ce temps à passer avec les amis de son compagnon, elle finit par se détendre au bout d’une soirée bien arrosée. Hélas, l’idylle à la campagne ne sera que de courte durée …

© 2025 New Line Cinema / Boulderlight Pictures / Vertigo Entertainment / Warner Bros. Discovery France
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Les gadgets qui placent l’action de Companion dans un futur plus ou moins proche, comme la voiture autonome de Josh ou l’enjeu en apparence principal de l’intrigue, ne s’évertuent guère à couper le récit complètement de notre perception de l’humanité en ce début de l’année 2025. En effet, ce serait même ce commentaire social en filigrane sur le monde d’aujourd’hui qui rend le premier long-métrage de cinéma de Drew Hancock si jouissif. Car pour une fois, les personnages n’y réagissent pas exclusivement par simple réflexe de survie. Ils suivent un cahier de charges de motivations étonnamment fourni, qui se laisse résumer par l’antagonisme vieux comme le monde entre l’appât du gain et le bonheur romantique. Très tôt, une fois l’introduction volontairement sirupeuse passée, il devient clair que ces deux objectifs existentiels sont foncièrement irréconciliables.

Advient donc ce qui doit advenir, c’est-à-dire le chaos. Or, ce désordre sanglant, qui supplante sans appel l’esthétique et la philosophie clinquantes du début du film, se conforme à son tour à une logique du retour de bâton hautement efficace. Une fois que la pauvre Iris est abandonnée à elle-même, de surcroît dans le décor naturel parfaitement symbolique de la forêt, il s’agit pour elle soit de prendre la fuite, soit de se confronter au camp de moins en moins uni de ses anciens amis.

Cette mécanique du grain de sable, jugé d’abord inoffensif et malléable mais qui finit par faire preuve d’ingéniosité et de résistance, avance à un rythme parfaitement coordonné. Aussi, parce que les références au monde d’avant, à savoir les premiers moments d’amour entre les deux personnages principaux, y sont systématiquement déconstruits, l’une après l’autre. Ainsi, ce qui était naïf et fade se transforme soudainement en quelque chose de dangereux et menaçant.

© 2025 New Line Cinema / Boulderlight Pictures / Vertigo Entertainment / Warner Bros. Discovery France
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Au détail près que le dérapage démoniaque d’Iris s’accompagne d’un regain insoupçonné de sa conscience féministe. L’affranchissement de son joug de petite copine idéale, attentive aux moindres besoins et envies de son homme, va sensiblement plus loin qu’une prise de conscience sommaire. Il se décline à travers une reprise du pouvoir dont elle ne voyait point l’utilité jusque là. Ce qui ne veut pas dire que le scénario s’abstienne de détourner malicieusement les codes des phases successives d’une relation amoureuse. Le maître du jeu supposé, à qui Jack Quaid confère toute la médiocrité affective qui gangrène tant d’hommes de sa génération, en fait irrémédiablement les frais. Mais cette mise en doute du statu quo et de la bienséance affectée va encore plus loin.

En poussant l’interprétation jusqu’au bout – une forme d’excès du discours dont Companion a par ailleurs la sagesse de s’abstenir –, elle s’attaquerait à l’éternel dilemme de l’humanité entre l’être et le paraître. Comme on écrivait plus haut, rien n’est conforme à son apparence ici. Cependant, une fois les masques tombés, tout ce qui reste, c’est l’équilibre passablement cynique entre le rêve matérialiste de dérober les millions de dollars dont la première victime de cet engrenage de la mort n’aura plus besoin d’un côté. Et une volonté maintes fois empêchée de rompre avec cette société bâtie sur la satisfaction de l’homme dans ses abus de pouvoir les plus abjects de l’autre.

A moins que cette façon à peine futuriste de gérer les rapports amoureux et sexuels servant de point de départ au film ne nous renvoie – toutes et tous que nous sommes – à la peur d’une forme de solitude que le monde actuel encourage déjà avec un dédain insoutenable pour d’autres formes de société moins intéressées.

© 2025 New Line Cinema / Boulderlight Pictures / Vertigo Entertainment / Warner Bros. Discovery France
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Conclusion

Admettons-le, Companion n’est pas notre nouveau film préféré dans le domaine cinématographique assez peu développé d’histoires entre un homme et son jouet sexuel à aspect humain. Ce privilège reste encore et toujours acquis à Une fiancée pas comme les autres de Craig Gillespie, sorti en France il y a seize ans. Toutefois, ce thriller à la fois haletant et intelligent constitue une agréable surprise de la part d’un cinéma de genre américain qui a plutôt l’habitude de déverser de nouveaux produits sans âme – hors sorties décalées de films espérant décrocher un Oscar – sur les écrans du monde entier au cours des deux, trois premiers mois de l’année.

Bravo donc à Drew Hancock d’avoir réussi cet ajout appréciable à la filmographie de plus en plus longue de films, qui cherchent depuis moins de huit ans à redéfinir le rôle de la femme dans la société et au cinéma !

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