Critique : Grand Tour

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Grand Tour

POR – 2024
Réalisateur: Miguel Gomes
Scénariste: Miguel Gomes ; Telmo Churro ; Maureen Fazendeiro ; Mariana Ricardo ; Babu Targino
Casting: Gonçalo Waddington ; Crista Alfaiate
Distributeur: Shellac
Genre : Comédie dramatique
Durée : 2h08 min
Sortie FR: 27 Novembre 2024

4/5

Une question me taraude cette semaine. Est-il prudent que je vous conseille Grand Tour, le nouveau Miguel Gomes? C’est rarement que l’on me prend à défaut de curiosité. Néanmoins, il est sans doute utile de vous prévenir ici sur la radicalité d’un cinéaste (en celà exceptionnel) chez qui la curiosité ne vient pas sans conditions.

Synopsis : Rangoon, Birmanie, 1918. Edward, fonctionnaire de l’Empire britannique, s’enfuit le jour où il devait épouser sa fiancée, Molly. Déterminée à se marier, Molly part à la recherche d’Edward et suit les traces de son Grand Tour à travers l’Asie.

Le nouveau voyage de Gomes, nous raconte l’affiche, qui s’empresse, sous le titre, de citer le programme des pays traversés par le film. La manœuvre commerciale est compréhensible tant il faudra du courage et tout le prestige cannois pour rameuter au plus large devant un film aussi riche que complexe.

C’est que les explorations des films de Gomes se déploient dans la forme-même du cinéma, qu’il dynamite et vient brouiller dans un foisonnement formel qui impose un certain lâcher prise. Si vous êtes trop pressé de dépaysement touristique, vous pourriez manquer le coche. C’est plutôt une forme de plongée anthropologique dans l’idée du voyage au cinéma, des codes et habitudes qui y sont souvent rattachés et comment l’on peut les tordre, les réinventer, les pousser jusqu’à la limite du narratif.

L’inventivité du film et ses personnages fantomatiques m’inspirent de l’admiration, teintée d’une tiédeur polie, devant cette inventivité formelle. Si la narration est minimale mais remplit son rôle, je ressens surtout une économie de sentiments et peut-être plus grave de sensation.

Là où le film s’amuse avec l’idée même du spectacle, il prend le risque à plusieurs endroits de glorifier son rouage, sa mécanique et de perdre quelque chose de vital. 

Avec le recul, je remercie une passionnée de Miguel Gomes de m’avoir aidé récemment à apprivoiser son Tabu (précédent film de gomes en 2012 – plus vivant à mon goût). Je le dis rarement, mais c’est un film pour lequel il est préférable d’en savoir un petit peu avant de se jeter dans une forme si changeante.

Il saura sans doute diviser ceux qui ont le temps de jouer et ceux qui sont pressés d’avoir déjà fini la partie. Autorisez-moi une petite citation de ce bon Serge daney dans ce sens. 

“Le cinéma a inventé un temps. Un temps dans lequel je peux vivre et qui est aussi celui de quelqu’un d’autre.”

Cette réflexion s’applique tout particulièrement ici, tant Grand Tour est un film qui vous propose de voyager avec lui mais n’essaiera pas de vous convaincre à tout prix.

Conclusion

Gomes joue avec l’imagination et nous laisse investir le film avec nos propres idées. Il faut avoir envie de jouer avec un film qui résiste à notre envie de le définir et de le comprendre trop unilatéralement. Une expérience d’exception.

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