Test Blu-ray 4K Ultra HD : Les Yeux sans visage

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Les Yeux sans visage

France : 1960
Titre original : –
Réalisation : Georges Franju
Scénario : Boileau-Narcejac, Pierre Gascar, Claude Sautet
Acteurs : Pierre Brasseur, Edith Scob, Alida Valli
Éditeur : Le Chat qui fume
Genre : Drame, Horreur
Durée : 1h30
Date de sortie cinéma : 11 mars 1960
Date de sortie DVD/BR/4K : 31 juillet 2024

Le Docteur Génessier, chirurgien renommé et spécialiste des greffes de la peau, retient prisonnière sa fille Christiane, défigurée à la suite d’un grave accident de voiture. Louise, son assistante, qui lui est totalement dévouée, sert de rabatteuse et ramène à Génessier des jeunes femmes qui seront sacrifiées dans son laboratoire dissimulé dans une vaste propriété, isolée en banlieue parisienne. Mais la découverte de l’une des victimes, dans une rivière, déclenche une enquête de police. Après plusieurs échecs ayant entraîné une nécrose de la peau, le chirurgien parviendra-t-il à redonner enfin un visage à Christiane ?

Le film

[5/5]

« On va pas se voiler la schneck gros, y’a des films comme ça, ils sont intouchables, genre tellement ils sont chan-mé t’as vu. Les Yeux sans visage, c’est typiquement le délire wesh : un MasStaH’Piss frère. Unanimement reconnu t’as vu, c’est pas genre seulement trois bobos qui se branlent la nouille dessus wesh. » – Ce sont par ces mots touchants que Kiffeur2Film69 évoquait récemment, sur sa chaîne YouTube aux quatre millions d’abonnés, le chef d’œuvre de Georges Franju. Il nous faut admettre que les mots de notre confrère, que d’aucuns surnomment déjà le « nouveau Philippe Rouyer », ont trouvé le chemin de nos cœurs d’une manière si profonde qu’on pourrait avoir l’impression qu’il a, simplement et définitivement, « tout dit » sur Les Yeux sans visage en l’espace de quelques lignes.

Le challenge, pour les humbles aspirants-critiques que nous sommes, est ainsi de tenter d’aborder le « monument » que représente Les Yeux sans visage en faisant abstraction des analyses pertinentes et parfois exhaustives que nous ont livré les plus fines plumes françaises et internationales ces soixante-cinq dernières années. Il faut savoir par ailleurs qu’il est formellement interdit par le Syndicat de la Critique de rédiger une critique négative du film de Franju ; les systèmes de notation sont automatiquement bloqués au maximum quand il s’agit de ce film, et en cas de rédaction de propos ne serait-ce qu’un peu mitigés sur Les Yeux sans visage, votre ordinateur explose (ou votre maison brûle si vous rédigez sur papier). C’est marrant d’ailleurs, parce que c’est un peu pareil avec Johnny s’en va-t-en guerre que l’on évoquait dans nos colonnes pas plus tard qu’hier.

On ne mesure pas l’influence qu’a pu avoir le film de Franju sur le cinéma contemporain. C’est bien simple, il y a eu un « avant » et un « après » Les Yeux sans visage, et TOUT le cinéma fantastique des années qui suivraient la sortie du film serait profondément marqué par la force de cet immense chef d’œuvre. Tout le cinéma Bis, c’est Les Yeux sans visage. Les films de savants fous, c’est Les Yeux sans visage. William Castle et Mr. Sardonicus, c’est Les Yeux sans visage. Le Visage d’un autre d’Hiroshi Teshigahara, c’est Les Yeux sans visage. Jess Franco et L’Horrible Docteur Orlof, c’est Les Yeux sans visage. Riccardo Freda et L’Effroyable secret du docteur Hichcock, c’est Les Yeux sans visage. Roger Corman, c’est Les Yeux sans visage. Les Mains d’un étranger de Newt Arnold, c’est Les Yeux sans visage. John Carpenter et le masque de Michael Myers dans Halloween, c’est Les Yeux sans visage. La Résidence de Narciso Ibáñez Serrador, c’est Les Yeux sans visage. Charles Band qui produit Mansion of the Doomed, c’est Les Yeux sans visage. Lisa et le Diable de Mario Bava, c’est Les Yeux sans visage.

On n’en a pas fini encore. Dario Argento qui va rechercher Alida Valli pour Suspiria, c’est Les Yeux sans visage. Encore Jess Franco pour Les Prédateurs de la nuit, c’est toujours Les Yeux sans visage. Faux Semblants de David Cronenberg, c’est Les Yeux sans visage. Pedro Almodóvar et La piel que habito, c’est Les Yeux sans visage. Leatherface dans le Massacre à la Tronçonneuse de Tobe Hooper, c’est Les Yeux sans visage. Billy Idol, c’est Les Yeux sans visage. Volte/Face de John Woo : encore Les Yeux sans visage. Ouvre les Yeux sans visage, c’est Alejandro Amenábar. Tous les films avec Édith Scob : c’est Les Yeux sans visage. George Romero et le masque du gars dans Bruiser, c’est Les Yeux sans visage. Les pubs Renault « Human Safety First », c’est Les Yeux sans visage. L’Homme au masque de fer, c’est Les Yeux sans visage. Ce listing n’est pas exhaustif ; il est exhaus-tiré par les tifs – mais il est indéniable que l’influence des Yeux sans visage règne sur le cinéma des 65 dernières années.

Autant dire que Les Yeux sans visage a inspiré tout le monde ; son influence est telle qu’il a peut-être même pu avoir une influence sur des films sortis avant lui, voire même sur des romans du XIXème Siècle, tels que « Frankenstein » par exemple. Qui nous dit en effet que Mary Shelley ne s’est pas inspirée du Docteur Génessier, magnifiquement incarné à l’écran par Pierre Brasseur, pour créer son Professeur Frankenstein ? Hé bien personne ne nous le dit, justement. Bref. Sorti en 1960, Les Yeux sans visage s’impose donc comme un film précurseur, non seulement du genre fantastique / horreur, mais également de tous les autres genres, et plus largement de tous les Arts. La classe absolue de la photo noir et blanc, qui colle parfaitement aux déplacements aériens d’Edith Scob le long de couloirs labyrinthiques, la volonté d’appuyer sur la douleur et l’horreur personnelle plutôt que sur le côté « savant fou », les explosions inattendues de violence graphique, et ces plans qui vous resteront dans la tête à vie… Tout concourt à donner aux Yeux sans visage une poésie et une beauté macabre absolument extraordinaires.

Plutôt que de se concentrer sur son intrigue, qui n’est rien moins qu’une simple intrigue de série B, Georges Franju et ses scénaristes Pierre Louis Boileau / Thomas Narcejac s’attardent au contraire bien plus longuement sur les personnages qui peuplent Les Yeux sans visage : l’obsession et la perte qui les motivent sont ainsi bien plus mises en avant que l’intrigue strictement « policière » suivant les disparitions de jeunes filles. Le Dr Génessier n’est ainsi pas présenté comme un fou furieux éclatant d’un rire sardonique derrière ses tubes à essai : il s’agit au contraire d’un père accablé par une tragédie, que le désespoir amène à commettre des actes horribles pour ce qu’il considère comme « juste ».

Pour autant, le personnage le plus inoubliable des Yeux sans visage ne sera ni Génessier, ni son assistante Louise (Alida Valli), mais bel et bien Christiane (Édith Scob), qui passe une grande partie du film avec un masque blanc pour cacher son visage ravagé #TêteDeDragon #Alt_Beauty. Loin de l’empêcher d’exprimer ses émotions, le masque ne fait qu’attirer l’attention sur les yeux larges et expressifs de l’actrice, qui se remplissent tour à tour de terreur et de tristesse face à sa propre situation, et à ce que son père tente de faire pour la résoudre. Parallèlement, ce visage sans expression aux traits toujours figés a également quelque chose d’effrayant, que Georges Franju utilise souvent de manière évocatrice. Le rythme du film, volontairement lent, met en avant l’atmosphère et la mélancolie poétique, le tout est soutenu par la photographie absolument remarquable d’Eugen Schüfftan et la musique envoûtante de Maurice Jarre.

Le Combo Blu-ray 4K Ultra HD + Blu-ray

[5/5]

Les Yeux sans visage était déjà sorti au format Blu-ray en 2010, sous les couleurs de Gaumont. Malheureusement, à l’époque, cette sortie avait été extrêmement décriée car elle nous proposait de redécouvrir le film dans un montage amputé d’une scène entre Charles Blavette, un employé de fourrière, et Pierre Brasseur, puis de la séquence dans laquelle ce dernier passe en revue les cages de ses chiens. En outre, afin de réaliser un raccord entre la fin de la scène de chirurgie et le plan dans lequel Alida Valli descend dans la cave, l’éditeur avait fait le choix d’ajouter une ouverture en fondu au début de ce plan, qui n’en comportait pas à l’origine. La sortie des Yeux sans visage au format Blu-ray 4K Ultra HD sous la bannière du Chat qui fume constitue donc un double-événement : non seulement on bénéficie aujourd’hui d’un splendide transfert Katka, mais en plus, le film nous est enfin présenté dans sa version intégrale !

Bien entendu, Les Yeux sans visage a été tourné en 35mm. A l’occasion de son 65ème anniversaire, le grand classique de Georges Franju s’est offert une élégant transfert 4K. A cela s’ajoute un nouvel étalonnage, bénéficiant des technologies HDR10 + Dolby Vision. Conscient de la nature d’œuvre majeure des Yeux sans visage, Le Chat qui fume a redoublé d’efforts dans l’objectif d’atteindre de plus hauts sommets, et le pari est à 100% réussi : ce nouveau transfert est tout simplement époustouflant. L’utilisation des contrastes amplifiés est absolument remarquable : on remarque immédiatement plus de brillance et d’éclat que sur le Blu-ray de 2010, avec des nuances de gris qui semblent absolument parfaites. Le niveau de détail est précis, le grain cinéma a été scrupuleusement respecté, et les dernières poussières et imperfections de la pellicule ont été gommées. Le tout est servi par une compression vidéo encore plus qualitative. Bref, c’est du lourd côté image, et c’est kif-kif côté kiffance sonore : le film de Franju nous est naturellement présenté en DTS-HD Master Audio 2.0, et l’ensemble est tout à fait remarquable. Le mixage est solide, sans souffle, et nous propose un bon équilibre entre les dialogues, les bruits d’ambiance et la musique de Maurice Jarre.

On notera que cette édition 4K des Yeux sans visage nous est proposée, comme toujours avec Le Chat qui fume, dans un packaging assez somptueux, nous ayant été spécialement concocté par Frédéric Domont. Le boîtier transparent de type Scanavo, surmonté d’un étui, contient donc le film en Blu-ray Katka, mais également au format Blu-ray. La version Katka ne nous proposant que le film et la bande-annonce, c’est en direction du Blu-ray qu’il faudra se diriger pour se régaler du reste des suppléments. Et on commencera par un documentaire sur Georges Franju (46 minutes) hérité de l’édition Gaumont de 2010. Réalisé par Pierre-Henri Gibert, ce doc intitulé Les fleurs maladives de Georges Franju est composé de nombreux témoignages autour du film Les Yeux sans visage, mais étend globalement son propos à l’ensemble la carrière du cinéaste. Les intervenants sont de qualité : on notera évidemment la présence d’Edith Scob, mais également – entre autres – de Jean-Pierre Mocky, Robert Hossein ou Claude Chabrol. Certaines anecdotes sont assez amusantes, et dans l’ensemble, les propos rassemblés ici permettent de dresser un portrait intéressant de Georges Franju, éternel angoissé, qui vivait littéralement à travers le cinéma.

On continuera ensuite par un entretien avec Edith Scob (17 minutes), dans lequel elle reviendra sur sa rencontre avec Georges Franju, et sur les raisons pour lesquelles, selon elle, il l’a choisie pour incarner Christiane. Elle se remémorera également un peu le tournage, et la façon dont le masque l’isolait des autres, telle une prison, et l’obligeait à adopter une gestuelle particulière. Elle évoquera pour terminer sa philosophie par rapport au vieillissement. On enchaînera ensuite avec une présentation du film par Olivier Père (34 minutes), tournée – de façon assez amusante – en noir et blanc et qui lui permettra de nous proposer un retour sur la carrière de Georges Franju ainsi que sur Les Yeux sans visage ; il remettra le film dans son contexte de tournage et de production, et le replacera de façon très intéressante dans la carrière du cinéaste.

On continuera avec une présentation du film par Bertrand Mandico (18 minutes), également proposée en noir et blanc, dans laquelle le cinéaste expérimental dandy / bobo évoquera sa fascination pour le film de Georges Franju, « qui agit comme un psychotrope ». Enfin, on se plongera dans « Alida, ma grand-mère », un entretien avec Pierpaolo de Mejo, petit fils d’Alida Valli (43 minutes), qui reviendra dans le détail sur la carrière de son aïeule, et on terminera par le court-métrage Ruines du temps, réalisé par Mathieu Péteul en 2016 (9 minutes), un intéressant petit film fantastique expérimental d’inspiration poétique et surréaliste. Pour vous procurer cette édition Blu-ray 4K Ultra HD des Yeux sans visage, rendez-vous sur le site du Chat qui fume !

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