Test Blu-ray : Johnny s’en va-t-en guerre – Réédition 2024

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Johnny s’en va-t-en guerre

États-Unis : 1971
Titre original : Johnny got his gun
Réalisation : Dalton Trumbo
Scénario : Dalton Trumbo
Acteurs : Timothy Bottoms, Kathy Fields, Marsha Hunt
Éditeur : Gaumont
Genre : Guerre
Durée : 1h51
Date de sortie cinéma : 23 février 1972
Date de sortie DVD/BR : 4 décembre 2024

Durant la première guerre mondiale, un jeune soldat est blessé par une mine : il a perdu ses bras, ses jambes et toute une partie de son visage. Il ne peut ni parler, ni entendre, ni sentir mais reste conscient. Dans la chambre d’un hôpital, il tente de communiquer et se souvient de son histoire…

Le film

[4/5]

« Même une fois que la dernière bataille aura été livrée et que la question des intérêts géopolitiques, à l’origine de la plupart des conflits armés, aura été tranchée, les guerres continuent à faire des victimes. Ainsi, dans Johnny s’en va-t-en guerre, l’un des pamphlets anti-guerre les plus singuliers de l’Histoire du cinéma, après les images d’archives qui montrent au fil du générique des troupes partant presque joyeusement au front avec les félicitations du roi et de l’état-major, une place considérable est attribuée à la souffrance littéralement sourde d’un soldat américain, amplement défiguré par un éclat d’obus. Ce monologue intérieur d’un homme privé de la plupart de ses sens et de son intégrité physique, condamné à « vivre » parce que le corps médical de l’armée espère tester différents traitements sur lui, retrace un parcours du combattant moins onirique qu’ouvertement cauchemardesque.

L’incroyable tendresse des souvenirs du protagoniste crée alors un contraste poignant avec la situation morbide dans laquelle il se trouve, ces refuges mentaux devenant de plus en plus grotesques, au fur et à mesure que l’imagination se mêle à la réalité, que le destin inextricable du vétéran l’enferme dans une forme horrible de solitude. En pleine guerre du Vietnam, Dalton Trumbo, scénariste légendaire qui avait failli voir sa carrière anéantie vingt ans plus tôt par la chasse aux communistes, tend la glace de la vérité historique à son pays, voire à l’humanité toute entière. Il en tire une prodigieuse perte des repères, en termes de temps, de certitudes morales et éthiques, de schémas de narration conventionnels. Bref, bien que son activité en tant que réalisateur n’ait finalement été que de courte durée, il a su enrichir le genre du film de guerre de l’un de ses films les plus marquants !

Aussi ingénieuse la mise en scène de Dalton Trumbo soit elle, il aurait été compliqué de baser le récit de Johnny s’en va-t-en guerre exclusivement sur la routine des soins qui sont administrés pendant des années à un blessé de guerre au-delà de tout espoir de guérison. A l’austérité du noir et blanc des séquences du présent répondent par conséquent les couleurs plus chaleureuses dans lesquelles baignent les souvenirs apparents de l’homme-tronc, réduit à cette seule et unique acrobatie mentale. Sauf qu’il devient progressivement clair que ces échappatoires d’un esprit torturé sont plus proches du délire fiévreux que d’une reconstruction de faits qui ont réellement eu lieu. Tandis que la première séquence dans cette longue série de parenthèses – suscitées peut-être autant par les drogues administrées sommairement par un personnel soignant plus ou moins touché par ce patient hors normes que par le besoin vital de préserver quelques images positives de la vie – peut encore créer l’illusion d’une relation sexuelle empreinte d’amour et de tendresse, celles qui suivent prennent un aspect de plus en plus déroutant. (…)

Johnny s’en va-t-en guerre a beau être un film formellement chargé, il réussit haut la main à transmettre son message sur les horreurs interminables de la guerre ! Dommage que Dalton Trumbo n’ait pas eu par la suite d’autres occasions pour affiner son talent de metteur en scène, surtout parce qu’il a su faire preuve d’une pertinence exceptionnelle par rapport au climat politique au début des années 1970, tout en façonnant un film aux qualités intemporelles. Ce qui ne veut aucunement dire qu’il s’agit d’un film plaisant à regarder. Bien au contraire, l’épreuve y est de nature multiple, quoique toujours aussi passionnante ! »

Extrait de la critique de notre chroniqueur Tobias Dunschen. Découvrez-en l’intégralité en cliquant sur ce lien !

Le Blu-ray

[4/5]

Après une première édition Blu-ray sortie il y a dix ans sous les couleurs d’EuropaCorp, c’est aujourd’hui grâce à Gaumont que l’on sera en mesure de redécouvrir Johnny s’en va-t-en guerre, qui s’est offert pour l’occasion une magnifique restauration 4K, et s’offre un Blu-ray à prix réduit avec une illustration de jaquette minimaliste et très originale. Côté master, restauration 4K oblige, le film affiche un beau piqué et une définition vraiment accrue, des contrastes solides qui nous offrent des séquences noir et blanc absolument sublimes, magnifiées par les compositions de plans de Dalton Trumbo, et qui seront accompagnées de séquences en couleurs tout aussi réussies. Le grain cinéma a été préservé, et l’ensemble représente au final un bien bel upgrade par rapport à l’édition précédente. Côté son, Gaumont nous propose de découvrir le film en VO et VF dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0 (mono) nous proposant des voix claires et un bon équilibre entre les dialogues et la musique : c’est parfait.

Niveau bonus, on commencera avec une présentation du film par Sylvain Perret, au cours de laquelle le responsable éditorial de chez Gaumont reviendra de façon ultra-synthétique sur le film. Et si on ne trouvera nulle trace des suppléments présents sur l’édition Blu-ray de 2014 (quelques moments volés sur le tournage du film, un entretien avec Timothy Bottoms et un autre avec Bertrand Tavernier), cette édition estampillée Gaumont nous propose, en contrepartie, deux passionnants entretiens enregistrés en 2024. On commencera par une analyse du film par Samuel Blumenfeld (1h05). Il commencera en abordant l’importance du roman, en partie autobiographique, dans la vie de Dalton Trumbo, et les événements réels les ayant inspiré, puis élargira à la vie et la carrière de Dalton Trumbo : les sympathies communistes, la Liste Noire, puis la collaboration avec Luis Buñuel (à priori, au fil des quelques mois passés ensemble, ils auraient davantage bu que réellement travaillé), et finalement, la décision de réaliser lui-même l’adaptation de Johnny s’en va-t-en guerre.

Enfin, en plus de la traditionnelle bande-annonce, l’éditeur nous propose de terminer par une analyse du film par Jean-Baptiste Thoret (42 minutes). Il commencera par présenter Dalton Trumbo, « le plus célèbre scénariste de la Liste Noire Hollywoodienne », puis s’attardera sur le film, hors du temps, qui n’appartient pas « réellement » à la mouvance du Nouvel Hollywood. Il reviendra assez longuement sur le refus de Walter Matthau, qui a beaucoup affecté Dalton Trumbo, puis abordera l’adaptation du film, le boulot au Mexique avec Luis Buñuel, la question de la voix off et des différentes « représentations » de Joe Bonham à l’écran, la dominance de l’esprit sur la matière et, bien sûr, le refus du « grand spectacle » par le cinéaste, qui se concentre sur la violence et les conséquences de la guerre.

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