Test Blu-ray : Ben & Charlie

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Ben & Charlie

Italie : 1972
Titre original : Amico, stammi lontano almeno un palmo
Réalisation : Michele Lupo
Scénario : Sergio Donati, George Eastman
Acteurs : Giuliano Gemma, George Eastman, Vittorio Congia
Éditeur : Elephant Films
Durée : 1h52
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 20 septembre 1973
Date de sortie DVD/BR : 7 janvier 2025

Un pistolero attend un homme à la sortie du pénitencier. Bien décidé à se venger d’une arnaque du détenu, il promet de le tuer s’ils se revoient. Mais les destins des deux hommes ne cessent de se croiser. Au fil des petites arnaques, une improbable amitié naît de leur collaboration. Rapidement, l’étonnant duo se spécialise dans les braquages de banques rocambolesques et se retrouve en haut de la liste des bandits les plus recherchés de l’Ouest…

Le film

[4/5]

Sorti dans les salles françaises en 1973 sous le titre Méfie-toi Ben, Charlie veut ta peau, puis distribué en DVD sous son titre américain, Ben & Charlie est un western spaghetti réalisé par Michele Lupo, mettant en scène Giuliano Gemma et George Eastman (alias Luigi Montefiori). La page Wikipedia consacrée au film le qualifie de « western parodique » : l’assertion est discutable, mais on la comprend néanmoins, dans le sens où la tonalité du film de Michele Lupo a été fortement influencée par le succès des films d’Enzo Barboni mettant en scène le duo Bud Spencer / Terence Hill On l’appelle Trinita (1970) et On continue à l’appeler Trinita (1971).

Autant dire que dans Ben & Charlie, l’ambiance est globalement placée sous le signe de l’humour, et le fait est que le film fonctionne parfaitement bien comme cela, le duo Giuliano Gemma / George Eastman s’avérant presque aussi complémentaire et efficace que celui composé par « le gros et le petit » alias Bud Spencer et Terence Hill dans les films de Barboni. Mais la petite histoire autour de Ben & Charlie nous apprend qu’il aurait pu en être autrement. En effet, si on en croit la légende, le scénario original de George Eastman, avant d’être révisé par Sergio Donati, était beaucoup plus dramatique, avec un développement amer à la Butch Cassidy et le Kid qui se terminait par la mort des deux protagonistes principaux.

George Eastman était d’ailleurs assez fier de ce grand scénario « à l’américaine », et supporta assez mal les coupes et le traitement qu’infligea Sergio Donati à son récit. De ce fait, l’ambiance sur le plateau fut assez mauvaise entre Eastman et le réalisateur Michele Lupo, mais en fin de compte, avec un peu plus de cinquante ans de recul, ce qui compte vraiment, c’est Ben & Charlie tel que nous pouvons le découvrir aujourd’hui, et non ce à quoi nous aurions eu droit avec des « si » et des « mais ». Et en l’occurrence, il se trouve que le film de Michele Lupo est vraiment un super petit western spaghetti, et même pour tout dire un de ceux que l’on pourra à coup sûr revoir à de nombreuses reprises sans jamais se lasser.

Si le fait de réunir à l’écran un couple de personnages antinomiques n’était certes pas nouveau, le succès du duo Bud Spencer / Terence Hill a fait des émules au sein du genre western, et a permis aux scénaristes de sortir du carcan des histoires de vengeance, de courses-poursuites, de chasseurs de primes ou d’anges de la mort qui fleurissaient allégrement dans le Spagh’ à l’époque. Ben & Charlie, c’est une histoire d’amitié explicite, dans les gestes autant que dans les intentions, entre deux éternels adolescents qui s’aiment et se détestent, se disputent et se tournent autour… Avec un taux élevé de testostérone et d’ambiguïté. On se demanderait même s’il n’y aurait pas derrière les pulsions et les défiances adolescentes un début d’attirance homo-érotique entre les deux personnages – ce qui pourrait d’ailleurs être confirmé par le fait que le personnage de Giuliano Gemma a fui devant l’autel, refusant de se marier avec la belle Sarah (Marisa Mell).

Tout ça pour dire que l’amitié qui lie Ben & Charlie est totalement différente des amitiés habituelles du western spaghetti : il ne s’agit en effet ni d’une amitié purement comique à la Bud Spencer / Terence Hill, ni d’une amitié cynique ou calculée, se calquant sur le modèle qui lie Blondin et Tuco dans Le Bon, la Brute et le Truand. C’est en effet, comme le clamait George Eastman, une amitié « à l’américaine », héritée de Butch Cassidy et le Kid (1969), même si bien sûr la comédie prendra finalement souvent le pas sur les grands sentiments, et permettra à Michele Lupo de s’amuser avec les codes du genre, comme lors de cette séquence faisant intervenir pour la première fois les personnages de Kurt (Luciano Catenacci), Butch (Nello Pazzafini) et Charro (Remo Capitani), que le spectateur ainsi que les deux héros prendront à tort pour des chasseurs de primes.

Ces personnages hauts en couleurs constituent une partie de la belle galerie d’acteurs qui peuple l’intrigue de Ben & Charlie, et contribuent, avec celui du shérif incarné par Aldo Sambrell notamment, à lui donner des airs de bande dessinée « live ». Pour autant, et en dépit des excentricités qui rythment la première partie du métrage, l’arrivée de ces trois truands – et en particulier celle de Kurt, crane et torse nu rasés de frais, le cou orné d’un collier en or servant à cacher la cicatrice d’une tentative de pendaison – marquent une rupture dans la tonalité du film. Ainsi, après une première partie essentiellement consacrée à la comédie dans sa tonalité et ses situations, l’intrigue de Ben & Charlie s’orientera, sans trahir l’esprit rigolard du film, vers une atmosphère plus féroce, plus violente, et occasionnellement plus tragique : ainsi, la destinée des personnages secondaires, et notamment celle du sympathique « 3% » interprété par Vittorio Congia, sera traitée avec tout le sérieux qu’elle mérite.

Car si Ben & Charlie est parfois présenté comme une « parodie », le fait est qu’il ne reste pas ancré sur les rails de la comédie du début à la fin, et qu’il nous donne à voir des personnages à qui l’on s’attache volontiers. Et quand le film n’évolue plus dans le registre comique, il reste toujours aussi passionnant ; les décors sont excellents, les scènes de braquages, bastons et fusillades sont solidement charpentées et les dialogues s’avèrent régulièrement très efficaces, à la façon des commentaires des observateurs autour de la table lors de la scène de la partie de poker opposant Giuliano Gemma et George Eastman, quand ils révèlent tour à tour le contenu de leur jeu : « Incroyable ! Ils ont tous les deux trois as ! Ils sont ex-aequo ! » Un excellent western, à voir et à revoir.

Le Blu-ray

[4/5]

C’est Elephant Films qui nous permet aujourd’hui de revoir Ben & Charlie en Haute-Définition : le film est disponible depuis le 7 janvier au cœur de la bien nommée « Vendetta Collezione », une collection qui, comme son nom l’indique, est entièrement dédiée au western spaghetti. Côté Blu-ray, le master n’est certes pas exempt de quelques défauts : le piqué manque un peu de finesse, et le master souffre encore de quelques petites imperfections. Cependant, l’upgrade par rapport au DVD de 2005 est tout à fait réel et plutôt impressionnant : le rendu global est extrêmement satisfaisant et, en plus d’afficher des couleurs et des contrastes solides, s’avère d’une stabilité exemplaire. De plus, le film nous est proposé dans deux montages : la version cinéma, sortie dans les salles françaises en 1973, et la version intégrale. Côté son, nous aurons droit à trois mixages en DTS-HD Master Audio 2.0 (version italienne, version anglaise et version française), et l’immersion sonore se fait sans problème. Pour les amateurs, on notera que la VF n’est disponible que sur la version cinéma, et sera entrecoupée de passages en VO si vous choisissez la version intégrale du film. On notera quelques bugs sonores si vous choisissez cette version, les deux bandes-son se « superposant » l’une sur l’autre, notamment lors de la séquence de la première partie de poker au début du film, avant que Ben (Giuliano Gemma) ne soit renvoyé en prison.

L’ensemble est donc globalement tout à fait convaincant, en dépit d’un encodage en 1080i sur la version « cinéma ». La version intégrale du film est quant à elle bel et bien proposée en 1080p. Un panneau avant le film précise que la version cinéma a été amputée de dix minutes. Une rapide comparaison des timelines des deux montages de Ben & Charlie nous permet cela dit d’affirmer que la différence n’est pas réellement de dix minutes. La version « courte » dure 1h44, en 1080i, c’est-à-dire avec un défilement à 25 images/seconde. La version « longue » dure 1h52, en 1080p, donc avec un défilement à 24 images/seconde. Si on remet les deux montages de Ben & Charlie à la même vitesse de défilement, la différence entre les deux montages n’équivaut ni à 10 minutes, ni à 8 minutes, mais va plutôt chercher dans les 4 minutes d’écart.

Dans la section suppléments, l’éditeur nous propose, en plus des traditionnelles bandes-annonces des films de la collection, on trouvera une présentation du film par Gérald Duchaussoy (15 minutes). Il commencera à qualifier Ben & Charlie d’épitome du western à l’italienne, reviendra sur les qualités de technicien de Michele Lupo, ainsi que sur la notion de « buddy movie ». Il confirmera que l’inspiration principale du film vient de Trinita, mais soulignera que d’autres voies auraient été possibles étant donné les thématiques du film, notamment dans l’exploitation des idées politiques caressées par l’intrigue (recherche du profit…). Enfin, il évoquera l’influence incontournable de Sergio Leone sur le film. Pour terminer, on notera que comme chaque titre de cette nouvelle vague de la « Vendetta Collezione », Ben & Charlie nous est présenté dans un beau FuturePak métallique, et contient un livret de 24 pages signé Alain Petit.

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