Léon
France : 1994
Titre original : –
Réalisation : Luc Besson
Scénario : Luc Besson
Acteurs : Jean Reno, Gary Oldman, Natalie Portman
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h50
Genre : Thriller
Date de sortie cinéma : 14 septembre 1994
Date de sortie BR4K : 4 décembre 2024
Léon est tueur à gages. Méticuleux, efficace, insaisissable, aimant boire du lait et s’occuper de sa plante, il a pour voisins de palier une famille dont le père trafique de la drogue pour le compte de Malky et de Stansfield, un fou furieux. Mécontents d’une livraison « coupée », ceux-ci font irruption dans l’appartement et massacrent père, mère, fille aînée ainsi que le garçonnet de cinq ans. Pour échapper aux tueurs, Mathilda frappe, en larmes, à la porte de Léon : celui-ci l’abrite pour la protéger mais entend se débarrasser d’elle au plus vite…
Le film
[4/5]
Léon est le sixième long métrage réalisé de Luc Besson, sorti sur les écrans du monde entier en 1994 : il vient donc, mine de rien, de fêter ses trente ans. Les cinéphiles l’ayant découvert dans les salles il y a trois décennies se souviennent peut-être de l’accueil critique finalement assez mitigé qui avait été réservé au film : si on saluait la maestria technique déployée par Luc Besson sur ses scènes d’action, l’accent était souvent mis sur la naïveté, voire même la bêtise, de l’histoire qui nous était racontée par Luc Besson.
Avec trente ans de recul, l’accueil réservé au film semble avoir été totalement inversé : sur le site de référence IMDb, Léon s’offre aujourd’hui une note de 8,5/10 calculée sur les notes de plus de 1,3 millions de votants, ce qui le classe parmi les 50 meilleurs films toutes catégories confondues. On peut retrouver, par ci par là, quelques critiques négatives du film, mais elles ne sont guère convaincantes, et dénotent juste d’une volonté gratuite de descendre Luc Besson. Ainsi, au cours de la préparation de notre article, on a ainsi pu lire sur un site concurrent que Léon est un « vulgaire plagiat » du Gloria de John Cassavetes, et que « Besson ne s’est pas creusé les méninges pour son tueur à gage (facilité du scénario), il s’est inspiré du jeu vidéo Hitman. » Plutôt amusant quand on sait qu’en 1994, les jeux vidéo étaient encore en 16-Bit, et qu’il faudrait attendre 2000 pour que sorte le premier jeu de la franchise Hitman.
A coup sûr, les influences de Luc Besson pour Léon sont davantage à chercher du côté de l’explosion de Quentin Tarantino, révélé en 1992 avec Reservoir Dogs, et qui avait beaucoup fait parler de lui avant sa Palme d’or en 1994 grâce aux scénarios de True Romance (1993) et de Tueurs nés (1994). C’est Tarantino qui a contribué à faire déferler sur le cinéma des années 90 des centaines de personnages de tueurs à gages dans des thrillers mélangeant volontiers les genres, et on ne pourra pas reprocher à Luc Besson, qui a toujours su capter l’air du temps de façon assez remarquable, d’avoir pris ce train-là en marche, en faisant de plus le choix d’installer sa caméra à New York, histoire de rivaliser avec les américains sur leur propre terrain.
Mais ce que l’on retient surtout de Léon, c’est l’incroyable sens du cadre dont fait preuve Luc Besson, qui nous donne à voir une large série de plans absolument inoubliables pour quiconque a vu le film. La première apparition de Jean Reno, sortant de l’ombre tel un fantôme le couteau à la main. Gary Oldman filmé de dessus avalant une pilule en regardant le plafond. Une baignoire qui explose sous l’effet d’un coup de fusil à pompe. Jean Reno arpentant les rues de New York avec, à côté de lui, la petite Natalie Portman qui le suit en courant, une plante verte dans les bras. Une main ensanglantée qui se lève au milieu des corps des agents du SWAT qui jonchent le sol. Cinéaste de l’image, Luc Besson sait trouver le plan qui impressionnera durablement la rétine du spectateur.
Pour le reste, on appréciera également les « petits moments de calme avant la tempête », qui permettent à Léon de mêler l’action et le drame. Le récit est centré sur une histoire de vengeance – celle de Mathilda – mais se base surtout sur la relation développée par Luc Besson entre le tueur et l’enfant, d’une sincérité désarmante, et qui possède probablement des atours extrêmement personnels pour le scénariste / réalisateur. Puissant et émouvant, porté par des personnages volontairement simples, le film possède indéniablement ce petit supplément d’âme qui permet aux séquences d’action de prendre une tout autre dimension, et qui lie l’ensemble d’une manière solide et convaincante, en dépit de tous les défauts qu’on pourra lui trouver.
Léon nous donne à voir un monde dominé par la corruption et la violence, mais propose tout de même au spectateur une petite dose d’espoir, dans le sens où les deux personnages centraux du film, Léon et Mathilda, qui ont été d’une certaine manière façonnés par cette violence, parviennent à s’en extraire grâce à l’amour qu’ils se portent l’un pour l’autre. L’idée d’une attirance romantique entre le tueur et l’enfant est déplacée, et pourra rendre le public vaguement mal à l’aise, mais elle existe et fait partie intégrante du récit, comme une façon de souligner les dérives d’une époque au cœur de laquelle tout va trop vite et où la « sexualisation » du corps féminin commence dès le plus jeune âge.
Du côté des acteurs, on ne pourra que souligner la qualité générale de l’interprétation, qui s’avère aussi une des grandes forces de Léon : Jean Reno reprend la prestation nerveuse et taciturne d’un personnage qui se veut le prolongement du Victor de Nikita, Gary Oldman nous livre une performance de premier ordre dans la peau du méchant taré de service (un genre de personnage qu’il s’est régalé à incarner tout au long des années 90), et la toute jeune Natalie Portman réalise ce qui demeure sans doute, encore à ce jour, la meilleure performance de toute sa carrière, incarnant et défendant son personnage avec toute la fougue et la passion dont est capable une gamine de douze ans.
Le Blu-ray 4K Ultra HD
[5/5]
Disponible dans une superbe édition SteelBook, Léon fait vraiment belle impression pour son arrivée au format Blu-ray 4K Ultra HD, comme toujours sous les couleurs de Gaumont. Comme toujours avec ses restaurations au format Ultra Haute-Définition, le transfert 2160p qui nous est proposé ici par l’éditeur est absolument solide et remarquable : le soin apporté à l’encodage du film de Luc Besson sera d’ailleurs d’autant plus flagrant pour le spectateur que le film fait preuve de partis pris esthétiques très forts et marquants. Le grain est fin, le piqué précis, et le niveau de détail global est également plus précis, et se remarquera d’entrée de jeu sur les scènes survolant New York. On notera de surcroit que les couleurs bénéficient clairement des technologies Dolby Vision / HDR10, et s’avèrent absolument superbes, rehaussant régulièrement l’image de quelques touches chatoyantes, voire même carrément explosives. Ce nouveau transfert surpasse donc de façon assez nette l’édition Blu-ray du film, ne serait-ce que dans la gestion des contrastes et la tenue des noirs. Côté son, Léon s’offre un puissant mixage DTS-HD Master Audio 5.1 en VF, offrant une spatialisation intéressante et pleine de petites surprises acoustiques. La version originale en revanche bénéficie d’un extraordinaire mixage Dolby Atmos (que les amplis non compatibles décoderont en Dolby TrueHD 7.1), qui fait honneur à l’ampleur et l’ambition du film de Luc Besson. Les ambiances sont restituées de façon impressionnante, et le mixage s’avère souvent tonitruant, épatant en termes de finesse et de précision, et faisant preuve d’un dynamisme et d’une force tout simplement bluffantes. Bref, cette piste nous propose un confort d’écoute inégalable.
Du côté des suppléments, on notera surtout la présence de la version longue du film (2h13), qui nous est également proposée en 2160p et Dolby Atmos (VO uniquement). Inédite depuis la sortie du film en Laserdisc, cette version longue s’attarde beaucoup plus que le montage cinéma de la « formation » de Mathilda en tant que nettoyeuse. Vous pourrez faire le tour des différences entre les deux montages sur le site de référence Movie-censorship. La galette 4K nous propose une petite poignée de bonus supplémentaires : un bêtisier (6 minutes) qui fait la part belle aux facéties de Natalie Portman sur le plateau, ainsi qu’un entretien avec André Labbouz (10 minutes), directeur technique chez Gaumont faisant partie des quelques « élus » à avoir eu le droit de visiter le plateau de Léon. Il y reviendra sur les nombreuses scènes tournées à Epinay, ainsi que sur le fait que la « version longue » du film était prévue dès le début du tournage. On apprendra que Ludivine Sagnier, qui doublait Natalie Portman sur la version cinéma, n’avait pu assurer le doublage de la version longue parce qu’elle avait mué entre les deux sessions d’enregistrement : c’est la raison pour laquelle la version longue de Léon n’avait été exploitée qu’en version originale dans les salles obscures. Il citera également une anecdote s’étant déroulée lors d’une projection presse du film, qui dénotera de toute la défiance de Luc Besson vis-à-vis de la presse : il avait empêché un journaliste s’étant absenté pour pisser de réintégrer la salle !
Pour le reste des suppléments, il faudra se rabattre sur le Blu-ray de la version longue du film, également disponible au sein du SteelBook. On trouvera tout d’abord un entretien avec le directeur de la photographie Thierry Arbogast (20 minutes), qui reviendra sur sa rencontre, sa relation ainsi que son travail avec Luc Besson. Il reviendra sur le tournage entre New York et le studio à Epinay ainsi que sur le reste de sa carrière. On continuera ensuite avec un entretien avec la monteuse Sylvie Landra (40 minutes), qui reviendra sur son parcours professionnel, puis abordera la rencontre avec Luc Besson, le montage sur Avid partagé entre les Etats-Unis et la France, ainsi que les différents défis liés au travail sur un gros film aux côtés de Luc Besson. Elle reviendra également sur les scènes abandonnées au montage ainsi que sur la version longue du film. Enfin, on terminera par un entretien avec Alain Kruger (17 minutes), qui venait d’hériter du poste de rédacteur en chef du magazine Premiere à l’époque de la sortie du film. Il reviendra sur ses relations avec Luc Besson, qui remontaient à l’époque de la sortie du Dernier combat, sur le shooting photo avec Jean Reno organisé à l’occasion de la sortie du film, et évoquera les qualités et l’ambition du cinéma de Besson.