Arras 2024 : Ollie

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Ollie

France, 2024
Titre original : –
Réalisateur : Antoine Besse
Scénario : Antoine Besse
Acteurs : Théo Christine, Kristen Billon, Cédric Kahn et Emmanuelle Bercot
Distributeur : Wayna Pitch
Genre : Drame d’adolescents
Durée : 1h37
Date de sortie : 21 mai 2025

3/5

Le cinéma et le skate font rarement bon ménage. Tout juste Paranoid Park de Gus Van Sant nous vient-il à l’esprit en tant qu’œuvre cinématographique plutôt ambitieuse qui tente de refléter sur grand écran les codes de cette culture se tenant volontairement à l’écart. De même, la figure du skate, ponctuelle, éclatante, mais qui ne raconte pas nécessairement une histoire s’accorde assez mal avec les exigences dramatiques du récit filmique.

Puisqu’il paraît bien connaître le milieu du skate, le réalisateur Antoine Besse a visiblement tenu compte de la compatibilité réduite entre ces deux disciplines artistiques. Dans son premier long-métrage, présenté en avant-première à l’Arras Film Festival, il fait dès lors évoluer ses personnages non pas hors-sol, dans un univers coupé du monde, mais il les inscrit au contraire dans toute une série de problématiques proches de la vie quotidienne. Ce qui fait à la fois le charme et les limitations de Ollie.

Contée depuis un double point de vue, cette histoire sur la libération des démons personnels grâce au skate évite heureusement la plupart des poncifs associés au genre. Pour Pierre, un adolescent renfermé et un peu mytho, la pratique sportive l’aidera à faire face au harcèlement et accessoirement à séduire sa première copine. Pour Bertrand, toujours adolescent dans sa tête mais déjà un adulte marginal et sans perspectives dans son corps, elle déclenchera un long travail d’apaisement intérieur. Car cette intrigue en dents de scie englobe même une certaine spiritualité par le biais du chien blanc, libéré au début du film par un Bertrand complètement bourré, qui veille désormais sur cet homme en roue libre.

L’interprétation de Théo Christine, la valeur montante du cinéma français qu’on a pu voir récemment dans Vermines de Sébastien Vanicek et Vivre mourir renaître de Gaël Morel, n’est pas tant en roue libre qu’elle épouse, constamment à fleur de peau, tous les excès du personnage.

© 2024 Jean-Claude Lother / Rezo Productions / L’Alhambra / Les Films du Kiosque / Wayna Pitch Distribution
Tous droits réservés

Synopsis : Après la mort soudaine de sa mère, le jeune Pierre doit vivre avec son père, un agriculteur. Il a les rêves de skate plein la tête. Dans la réalité, une bande de jeunes lui mène la vie dure en le défiant sur les réseaux sociaux. Son seul espoir pour percer dans le milieu du skate, c’est Bertrand, engagé récemment comme cueilleur de pommes par son père et ancien prodige du skate, qui vogue sans but dans la vie avec ses chiens et, au choix, une canette de bière ou un joint jamais trop loin. Mais Bertrand a, lui aussi, une tonne de problèmes personnels à régler.

© 2024 Jean-Claude Lother / Rezo Productions / L’Alhambra / Les Films du Kiosque / Wayna Pitch Distribution
Tous droits réservés

Jamais à une transition abrupte près, Ollie cultive pourtant cette voie de la rupture avec une cohérence appréciable. En effet, ses deux héros ne sont nullement des pôles de stabilité. Ils flottent au contraire au gré des événements, ayant recours au subterfuge du mensonge pour l’un ou à celui de toutes sortes de substances pour l’autre, au moindre obstacle qui se présente sur leurs chemins respectifs. Rien que de ce point de vue-là, la tradition du courage à toute épreuve et de la droiture morale indispensables au récit édifiant ne sont absolument pas sauves ici. A leur place, Antoine Besse a mis un réseau libre de contretemps divers et variés, qui mettront autrement à l’épreuve Bertrand et son jeune poulain. Sans que cette accumulation de galères n’amène son film vers un misérabilisme étouffant non plus.

Qu’Ollie respire à pleins poumons, parfois un peu à bout de souffle, mais la plupart du temps sans stress formel notable, il le doit avant tout à l’interprétation de Théo Christine. Que celle-ci puisse faire l’objet d’un grand écart en termes d’appréciation, on le conçoit parfaitement, tant le jeune acteur a l’air de s’investir corps et âme dans son personnage d’écorché vif. Tous ses tics et autres troubles psychiques, Christine les fait siens, quitte à se transformer parfois en boule de nerfs ou en bâton de dynamite prêt à exploser à tout moment. Or, c’est précisément ce refus du recul protecteur, cette volonté de suivre cet homme jusqu’au bout de sa grande détresse intérieure, qui rendent son jeu si engageant, voire touchant. A certaines conditions un tour de force, donc, quoiqu’une prestation qui est tout à fait susceptible de rebuter aussi par son absence de garde-fous.

© 2024 Jean-Claude Lother / Rezo Productions / L’Alhambra / Les Films du Kiosque / Wayna Pitch Distribution
Tous droits réservés

En face, les choses se passent tout de même plus tranquillement. Tout d’abord, parce que l’interprétation de Kristen Billon fait preuve d’une grande sobriété par rapport à celle de Théo Christine. En même temps, on a du mal à imaginer comment aller encore plus loin dans la surenchère pleinement assumée … Et puis, en raison de la subtilité très appréciable avec laquelle la mise en scène accompagne ce jeune dans l’apprentissage pas toujours aisé de la vie adulte. Là où Bertrand extériorise tout et n’importe quoi, Pierre reste en retrait, n’ose pas avouer ses sentiments, met du temps avant d’affirmer sa volonté. Il aurait tant besoin de soutien à tous les niveaux de sa vie, à tel point que cette ouverture laborieuse aux autres fait partie des moteurs principaux du récit.

Enfin, rien d’anormal à ce que ces deux fanatiques du skate ne trouvent pas de voie d’intégration – mais la cherchent-ils après tout ? – dans un monde d’adultes visiblement fatigués. Et Cédric Kahn en père dépassé simultanément par le déclin économique de son exploitation agricole et par le débarquement à l’improviste de son fils, et Emmanuelle Bercot en tante bienveillante mais sporadiquement présente y font surtout office de petit supplément de prestige à apporter à ce premier film plutôt prometteur. Le cas le plus flagrant s’en trouve dans les génériques, où Bercot apparaît encore en première place au début, mais se voit reléguée dans les participations à la fin.

De toute façon, puisqu’eux, ils ne semblent rien y connaître au skate et ses subtilités, le scénario ne fait pas trop attention au rôle de frein ou d’accélérateur qu’ils pourraient jouer dans le cadre de cette double rédemption contée avec un investissement personnel indubitable.

© 2024 Jean-Claude Lother / Rezo Productions / L’Alhambra / Les Films du Kiosque / Wayna Pitch Distribution
Tous droits réservés

Conclusion

Avant de se lancer dans son premier long-métrage, surtout après une dizaine d’années de bons et loyaux services du côté du court-métrage, des clips et des films publicitaires, mieux vaut choisir un sujet qui vous tient à cœur. C’est ce que Antoine Besse a fait sans l’ombre d’un doute avec Ollie. Dédié à un camarade d’adolescence visiblement parti trop tôt, ce film est à l’image du skate, c’est-à-dire à la fois brute et virtuose, parfois réussi et néanmoins jamais trop prétentieux pour ne pas se casser la gueule. Avec en prime une interprétation de la part de Théo Christine qui relève de l’affaire de goût, on en est conscient, mais que nous avons trouvé globalement courageuse dans sa façon de vivre pleinement tous les défauts apparents de cet homme marginal, que l’on pourrait aussi bien considérer comme des points de force.

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