Le compositeur et producteur américain Quincy Jones est décédé hier à Los Angeles. Il était âgé de 91 ans. Un véritable géant de la scène musicale américaine, notamment grâce à ses collaborations avec des artistes aussi variés que Ray Charles, Frank Sinatra et Michael Jackson, Jones avait presque accessoirement signé quelques bandes originales mémorables. Ainsi, il avait composé les musiques des films de Sidney Lumet, Sydney Pollack, Norman Jewison, Richard Brooks, Paul Mazursky, Peter Yates, Arthur Hiller, Richard Fleischer, Sam Peckinpah et Steven Spielberg. Sans oublier son énième casquette de producteur, entre autres de La Couleur pourpre de Steven Spielberg et de son remake de Blitz Bazawule, sorti au mois de janvier en France.
Le premier amour de Quincy Jones, c’était la musique. En tant que jeune trompettiste, il était parti en tournée avec Lionel Hampton et Dizzy Gillespie. Au début des années 1960, il devient le vice-président de l’influente maison de disques Mercury, tout en produisant deux albums importants de Frank Sinatra. Mais son plus grand succès commercial surviendra près de vingt ans plus tard, à travers son association aux premiers pas en solo de Michael Jackson. Entre 1979 et ’87, il est à l’origine des trois premiers albums du chanteur légendaire, « Off the Wall », « Thriller » et « Bad », dont surtout le deuxième battra tous les records en termes de succès commercial et d’impact culturel.
A la même époque, début 1985, Quincy Jones met en place le projet collectif autour de la chanson « We are the World », une opération caritative contre la famine qui sévissait alors en Ethiopie. Or, ce parcours musical de toute beauté incluait également une activité cinématographique, essentiellement concentrée sur les années ’60.
Ainsi, Quincy Jones avait collaboré une première fois avec le réalisateur Sidney Lumet en 1964 sur Le Prêteur sur gages. Leurs chemins allaient se recroiser par la suite à quatre reprises, pour M15 demande protection, The Last of the Mobile Hot Shots, Le Gang Anderson et enfin The Wiz en 1978.
Entre-temps, il avait de même collaboré avec des cinéastes de renom tels que Edward Dmytryk (Mirage), Sydney Pollack (Trente minutes de sursis), Charles Walters (Rien ne sert de courir), Carl Reiner (Enter Laughing), Ron Winston (Banning), Norman Jewison (Dans la chaleur de la nuit – Oscar du Meilleur Film en 1968), Richard Brooks (De sang-froid), Anthony Mann (Maldonne pour un espion), James Goldstone (Les Complices), Daniel Mann (Mon homme), Joseph Sargent (Tous les héros sont morts), J. Lee Thompson (L’Or de McKenna), Peter Collinson (L’Or se barre), Robert Alan Aurthur (L’Homme perdu), Paul Mazursky (Bob et Carol et Ted et Alice), Peter Yates (John et Mary) et Gene Saks (Fleur de cactus).
Alors que les années ’70 avaient commencé pour Jones sur le même rythme soutenu, des soucis de santé majeurs sous forme d’anévrisme l’avaient obligé à revoir ses priorités artistiques en 1974. Avant cet événement, il avait encore signé les partitions souvent inspirées par le jazz de Escapade à New York de Arthur Hiller, Appelez-moi Monsieur Tibbs de Gordon Douglas, Brother John de James Goldstone, Dollar$ de Richard Brooks, Les Quatre malfrats de Peter Yates, Les Flics ne dorment pas la nuit de Richard Fleischer et Guet-apens de Sam Peckinpah. Ensuite, son activité de compositeur de musiques de film était largement réduite, à l’exception occasionnelle de la mini-série à succès « Racines » et de La Couleur pourpre de Steven Spielberg.
C’est le métier de producteur qui allait progressivement prendre la relève. D’abord sur La Couleur pourpre en 1985 et déjà auparavant sur les clips musicaux de Michael Jackson. Par la suite, surtout à la télévision par exemple avec la série emblématique de la première moitié des années ’90 « Le Prince de Bel Air » avec Will Smith, mais également un peu au cinéma avec Justicier d’acier de Kenneth Johnson, le documentaire Keep on Keepin’ on de Alan Hicks et donc La Couleur pourpre de Blitz Bazawule.
Entre 1968 et 1986, Quincy Jones a été nommé à sept reprises à l’Oscar : trois fois pour la Meilleure musique originale ou adaptée (De sang-froid, The Wiz et La Couleur pourpre), trois fois pour la Meilleure chanson (« The Eyes of Love » de Banning, « For Love of Ivy » de Mon homme et « Miss Celie’s Blues (Sister) » de La Couleur pourpre) et en tant que producteur du Meilleur Film La Couleur pourpre. Il a été le directeur musical de la 43ème cérémonie des Oscars en 1971, lors de laquelle il avait réceptionné l’Oscar des Meilleures chansons pour Let it be à la place des Beatles, absents. Et il avait produit la 68ème cérémonie des Oscars en 1996. L’année précédente, il avait reçu de la part de l’Académie du cinéma américain le prix Jean Hersholt pour son engagement humanitaire.
Comme annoncé en juin dernier, Quincy Jones aurait dû recevoir un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière lors de la 15ème cérémonie des Governors Awards, prévue dans deux semaines, le dimanche 17 novembre. Hélas, il s’agira de la cinquième fois qu’un Oscar honorifique sera remis de manière posthume, à cause de la disparition du lauréat entre le moment de l’annonce et la cérémonie. Ce fut le cas dans le passé des acteurs Douglas Fairbanks Sr. en 1940 et Edward G. Robinson en 1973, ainsi que des prix Jean Hersholt remis au producteur Robert Benjamin en 1980 et à l’actrice Audrey Hepburn en 1993.
Puisque le champ d’activité principal de Quincy Jones était la musique, faisons également mention ici de ses innombrables nominations au Grammy. Tandis qu’il avait été nommé pas moins de 80 fois entre 1961 et 2019, il l’avait gagné 28 fois. Cela fait de lui la troisième personne la plus souvent honorée par l’Académie de la musique américaine, après la chanteuse Beyonce et le chef d’orchestre Sir George Solti, qui en ont respectivement 32 et 31. Côté cinéma, il y a été nommé pour les partitions de Dans la chaleur de la nuit, L’Or de McKenna, L’Homme perdu et Dollar$.
Marié trois fois, Quincy Jones a été en couple avec l’actrice Nastassja Kinski dans les années ’90 et a eu une fille avec elle, née en février 1993. D’une autre union, il est le père de l’actrice Rashida Jones (« Parks and Recreation »). Enfin, pour l’anecdote, il est né le même jour que l’acteur anglais Michael Caine (L’Or se barre), c’est-à-dire le 14 mars 1933.