Test DVD : Dissidente

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Dissidente

Canada, France : 2023
Titre original : Richelieu
Réalisation : Pier-Philippe Chevigny
Scénario : Pier-Philippe Chevigny
Acteurs : Ariane Castellanos, Marc-André Grondin…
Éditeur : Blaq Out
Durée : 1h26
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 5 juin 2024
Date de sortie DVD : 15 octobre 2024

À Richelieu, ville industrielle du Québec, Ariane est embauchée dans une usine en tant que traductrice. Elle se rend rapidement compte des conditions de travail déplorables imposées aux ouvriers guatémaltèques. Tiraillée, elle entreprend à ses risques et périls une résistance quotidienne pour lutter contre l’exploitation dont ils sont victimes…

© 2023 TS production, Le Foyer Films, JPL Films. Tous droits réservés.

Le film

[3,5/5]

« C’est en 2011, avec le court-métrage Carré de sable, que Pier-Philippe Chevigny a débuté dans le cinéma. Après une petite dizaine de court-métrages, c’est en pleine pandémie de Covid que ce canadien du Québec aujourd’hui âgé de 35 ans a commencé la réalisation de Richelieu. Ce titre originel du film parle de façon très claire au public québécois, Richelieu étant une vaste région agricole du Canada dédiée à la l’industrie de transformation alimentaire. Par contre, le public français se serait montré très perplexe si le titre originel avait été conservé, d’où le choix de Dissidente, qui définit parfaitement ce que va devenir Ariane, le personnage principal, au sein de l’usine qui l’emploie.

© 2023 TS production, Le Foyer Films, JPL Films. Tous droits réservés.

N’importe quel idiot qui parle la langue peut faire ça !

C’est du fait de sa maîtrise parfaite de la langue espagnole que Ariane a été embauchée dans une des nombreuses usines spécialisées dans l’industrie agro-alimentaire de la région du Haut-Richelieu. Fille d’une canadienne et d’un guatémaltèque qui, depuis, est retourné dans son pays, sa mère a tenu à ce qu’elle apprenne l’espagnol afin de pouvoir garder le contact avec son père. Séparée depuis peu de Pat, un magouilleur en butte à la justice, Ariane a absolument besoin de travailler si elle veut conserver son appartement. Le travail qu’on lui propose est appelé « coordinatrice des guatémaltèques ». En fait il s’agit surtout de servir d’intermédiaire entre la hiérarchie de l’usine et des travailleurs étrangers temporaires presque tous d’origine guatémaltèque en traduisant du français à l’espagnol les ordres de la hiérarchie et de l’espagnol au français les questions et les demandes des travailleurs. Comme le dit Stéphane, le Directeur de l’usine, avec le tact qui le caractérise, « N’importe quel idiot qui parle la langue peut faire ça ! ».

Ce Stéphane, Ariane ne s’est pas réjouie de le retrouver à ce poste de directeur en arrivant à l’usine : dans le passé Ariane avait été amenée à dénoncer ce membre de la bande de Pat du fait de son comportement avec les filles et Ariane se désole de constater que les « brutes de l’école sont devenus directeur d’usine ». C’est en avalant des couleuvres que Ariane commence son nouveau métier : lors de la signature des contrats à l’arrivée des travailleurs guatémaltèques, il s’avère qu’il est notifié qu’ils n’ont pas droit aux syndicats mais que, comme c’est la loi, il leur faut quand même payer les cotisations. Et voilà Ariane obligée de traduire en espagnol les parole de Stéphane : « Si ça ne lui convient pas, il peut rentrer chez lui », « il y en a un paquet qui attendent après le poste » ; et, dans l’autre sens : « on n’a pas le choix ». Le travail demandé aux ouvriers est d’une importance capitale pour la bonne marche de l’usine, mais, malgré cela, étant un travail manuel, il est très mal payé ce qui explique que les locaux n’ont aucune envie de se faire embaucher. Pire encore, il nuit à la santé des travailleurs d’autant plus que les cadences exigées par la direction leur laissent peu de repos. Comment se contenter, dans ces conditions, « d’être une idiote qui parle la langue » ? Très sensible aux problèmes rencontrés par ces travailleurs exploités et, tout particulièrement, Manuel Morales, Ariane va petit à petit prendre le risque de s’écarter de la « ligne » exigée d’elle par la direction de l’usine au point de devenir une Dissidente en endossant ce qui s’apparente à un rôle de déléguée syndicale.

© 2023 TS production, Le Foyer Films, JPL Films. Tous droits réservés.

L’organisation officielle d’un esclavage moderne

Dans un film qu’on peut rapprocher d’œuvres réalisées par Ken Loach et Stéphane Brizé, Pier-Philippe Chevigny dépeint de façon très convaincante la façon dont, dans une entreprise, chacun en arrive à exploiter son prochain, les différents échelons se retrouvant coincés entre leurs besoins personnels et les exigences de leur hiérarchie : les ouvriers guatémaltèques qui, souvent, se sont endettés pour venir travailler au Canada, savent qu’ils risquent le renvoi dans leur pays s’ils profèrent la moindre plainte et, qu’en plus, seul un comportement d’ « esclave consentant » leur permettra d’obtenir la lettre de recommandation indispensable pour pouvoir revenir l’année suivante ; Ariane a absolument besoin de son travail et, pour le conserver, elle doit obéir au doigt et à l’œil à ce que Stéphane lui demande de faire ; Stéphane, le directeur, apparaît comme le méchant de l’histoire, faisant travailler ses ouvriers dans des conditions inhumaines, se refusant au moindre dialogue et mettant en péril la vie d’un ouvrier en allant contre les préconisations d’un médecin du travail, mais lui-même risque à tout moment de « sauter » car il a lui aussi un échelon supérieur, Mr Ricard, le patron de l’entreprise française qui a racheté l’usine, un homme qui trouve qu’il n’en fait pas assez et qui lui met une pression énorme. (…)

© 2023 TS production, Le Foyer Films, JPL Films. Tous droits réservés.

L’éclosion d’une grande comédienne

Si Pier-Philippe Chevigny fait preuve d’un très grand savoir-faire dans la mise en scène de son film et dans la direction d’acteur, la comédienne Ariane Castellanos, l’interprète du rôle d’Ariane, est également pour beaucoup dans la qualité exceptionnelle de Dissidente. En effet, étant elle-même à moitié guatémaltèque, elle n’est pas seulement une interprète dont le jeu, plein de vérité et de sincérité, bouleverse les spectateurs, mais elle a également accompagné le réalisateur lorsqu’il s’est rendu au Guatemala et elle est créditée comme directrice de casting, la pandémie de Covid n’ayant permis qu’à deux comédiens recrutés au Guatemala de venir au Québec pour le tournage du film, obligeant la production à recruter des guatémaltèques sur place, au Québec, tâche dont Ariane Castellanos s’est acquittée. (…)

Avec ce premier long métrage, un film politique et social remarquable, le canadien Pier-Philippe Chevigny vient prendre sa place auprès des plus grands réalisateurs du genre, qu’ils s’appellent Ken Loach, Stéphane Brizé ou les frères Dardenne. Quant à Ariane Castellanos, l’interprète de la « dissidente » du titre, elle apporte au film une vérité et une sincérité qui bouleversent le spectateur. Pour l’un comme pour l’autre, on suivra avec beaucoup d’attention la suite de leurs carrières ! »

Extrait de la critique de notre chroniqueur Jean-Jacques Corrio. Découvrez-en l’intégralité en cliquant ici !

© 2023 TS production, Le Foyer Films, JPL Films. Tous droits réservés.

Le DVD

[4/5]

C’est Blaq Out qui nous permet aujourd’hui de (re)découvrir Dissidente au format DVD. Habitué au support DVD depuis de nombreuses années, l’éditeur fait honneur aux derniers balbutiements du support, avec une image d’une belle précision, qui rend clairement honneur à la belle photo naturaliste de Gabriel Brault Tardif. Les contrastes n’étouffent pas trop les noirs, et on ne dénote pas de souci de compression majeur : si les arrière-plans laissent par moments apparaître de légers fourmillements, l’éditeur compose parfaitement avec les qualités et les limites d’un encodage DVD. Du beau travail, que vient confirmer la présence d’un mixage Dolby Digital 5.1 : l’ensemble est dynamique et très immersif. Un mixage Dolby Digital 2.0 est également disponible, et s’avérera sans doute plus cohérent si vous visionnez Dissidente (alias Richelieu lors de son exploitation au Québec) sur un simple téléviseur.

Du côté des suppléments, on se plongera avec plaisir dans un court entretien avec Pier-Philippe Chevigny (9 minutes), qui permettra au cinéaste de revenir sur la genèse de son film, ainsi que sur le choix d’Ariane Castellanos dans le rôle principal, ou encore son choix du format « carré » 1.39 et de la prédominance des plans-séquences.

© 2023 TS production, Le Foyer Films, JPL Films. Tous droits réservés.

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