Il œuvre plutôt discrètement, presque à l’ombre d’une industrie qui jure davantage en termes commerciaux par les dernières aventures d’Astérix et Obélix ou, à la limite, par Michel Ocelot. Néanmoins, en près de soixante ans de carrière, Jean-François Laguionie s’est bâti une filmographie animée du plus bel effet, constituée de huit courts-métrages et de presqu’autant de longs.
Après avoir été présenté aux Festivals de Cannes et d’Annecy plus tôt cette année, son septième, Slocum et moi, sortira sur les écrans de cinéma français en début d’année prochaine, le 29 janvier 2025. Tandis que sa bande-annonce est en fait déjà disponible sur la chaîne Youtube du distributeur Gebeka Films depuis le début du mois, sa mise en avant par voie de communiqué de presse nous a donné envie de vous la présenter, sur fond de retour sur la carrière injustement méconnue de Jean-François Laguionie.
Jean-François Laguionie, c’est d’abord toute une série de courts-métrages, depuis La Demoiselle et le violoncelliste produit par le mythique Paul Grimault (Le Roi et l’oiseau) en 1965 jusqu’à La Traversée de l’Atlantique à la rame, Palme d’or du Meilleur court-métrage au Festival de Cannes en 1978 et César du Meilleur court-métrage d’animation l’année suivante. Entre-temps, il y a eu des contes animés aux titres poétiques tels que L’Arche de Noé, Plage privée et Le Masque du diable. Toute cette belle somme de styles animés était par ailleurs ressortie en 1984 sous le titre De l’autre côté de l’image, ainsi que plus récemment sous celui des Mondes imaginaires de Jean-François Laguionie il y a cinq ans, en octobre 2019.
A ce moment-là, c’était pour préparer la sortie au mois de décembre suivant de son avant-dernier film Le Voyage du prince, alors qu’au milieu des années ’80, Laguionie allait enfin se lancer dans l’arène des grands, c’est-à-dire des longs-métrages d’animation. Au fil du temps, il y en a eu donc sept. D’abord le conte futuriste d’anticipation Gwen Le Livre de sable en 1985. Puis, après une pause de près de quinze ans, les autres à un rythme semi-régulier d’un film tous les cinq ans : Le Château des singes, L’Île de Black Mor, Le Tableau, Louise en hiver et donc Le Voyage du prince et le tout dernier Slocum et moi.
De quoi ce beau conte d’apprentissage nous parle-t-il ? De la vie de Jean-François Laguionie en quelque sorte, puisque le personnage principal de Slocum et moi correspond en termes d’âge au maître de l’animation à la française, né à Besançon en 1939. Lui aussi se passionnait dans les années ’50 pour le dessin et la mer, tout comme François, le garçon pré-adolescent du film qui observe sur les bords de Marne ses parents construire la réplique du voilier sur lequel le célèbre marin Joshua Slocum avait fait le tour du monde. D’où le titre de Slocum et moi, même si ce navigateur a réellement existé dans la deuxième moitié du XIXème siècle, avant de disparaître en mer en novembre 1909 à l’âge de 65 ans.
La splendeur de l’animation a beau être l’attrait principal des films de Jean-François Laguionie, le réalisateur soigne tout autant le travail sur les voix. La plupart du temps en faisant confiance aux comédiens rompus à l’exercice du doublage de films d’animation. Même si quelques noms de vedettes se sont sporadiquement immiscés dans son univers, tels que Pierre Arditi et Michael Lonsdale (Le Château des singes) et Dominique Frot (Louise en hiver). Pour Slocum et moi, c’est la voix grave de l’acteur Grégory Gadebois qui donne a priori vie au père de François, accompagnée de Elias Hauter dans le rôle principal et de Coraly Zahonero de la Comédie Française dans celui de la mère.
Une présence incontournable dans le cinéma français depuis le début du siècle, César du Meilleur espoir masculin en 2012 pour Angèle et Tony de Alix Delaporte, Gadebois a participé aussi à un autre film d’animation, attendu avec impatience et sélectionné au dernier Festival de Cannes : La Plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius qui sortira, lui, dès le 20 novembre.