Critique : The Crow

0
93

The Crow

USA 2024
Réalisateur: Rupert Sanders
Scénaristes: Zach Baylin ; Kevin Cornish ; Cliff Dorfman ; Alex Tse ; Jesse Wigutow
Casting: Bill Skarsgard ; Tahliah Debrett Barnett; Danny Houston
Distributeur: Metropolitan FilmExport
Genre : Thriller ; Fantastique
Durée : 1h51 min
Date de sortie (FR): 21 Août 2024

2/5


Le cinéma, art de la tromperie, de l’absorption et de l’opacité, n’a jamais été particulièrement fidèle. Il est intéressant par contre,  de relever les thèmes, les facettes, la couleur de l’héritage que viennent tromper et peut-être réinventer tous les reboots/ remakes et autres emprunts qui pullulent sur nos écrans à un rythme accéléré. Ca ne sauvera malheureusement pas cette version bancale de THE CROW sauce 2024


Synopsis : Eric Draven et sa fiancée se font agresser et tuer par un gang après que la voiture du couple soit tombée en panne. Eric est ressuscité par un corbeau et se venge de ceux qui ont pris sa vie et celle de sa dulcinée.

Nous retrouvons donc Rupert Sanders qui s’est déjà cassé les dents il y a quelques années sur une adaptation courageuse à défaut d’être bien solide de Ghost in the Shell ( Rupert Sanders 2017) en live action. Là où le film s’essoufflait dans un deuxième acte interminable au parfum de questionnements sur l’âme dans la machine avec la subtilité et le rythme d’un clip de variété française, il y avait tout de même quelque chose d’une énergie sincère, presque enfantine, dans ce film boursouflé dont l’intention de départ semblait venir d’une vraie démarche révérencieuse de fan. Il n’y a pas, après tout, à vouloir lui faire payer la dette d’une allégeance toute subjective à l’œuvre originale.

Nouveau projet, nouvel hommage et cette version 2024 de THE CROW. Ce coup-ci, le diagnostic semble malheureusement bien plus vital, tant l’expérimentation maladroite autour de ces thématiques gothiques provoquent une odeur repoussante de charogne.  Le film d’Alex Proyas qui, il y a déjà 30 ans, avait pour lui de créer un monde de bande dessinée avec les moyens physiques de l’époque, à grands coups de maquettes, de ralentis empruntés à Hong-Kong et d’explosions qui sentaient bon le propane est encore réjouissant aujourd’hui. Le projet a contribué à l’émergence d’un certain romantisme gothique adolescent qui n’est sans doute pas pour rien dans la naissance 3 ans plus tard de la série Buffy contre les vampires. L’on y avait atténué toute dimension gore pour faire du fantastique un prétexte évocateur des passions werthériennes des adolescents, curieux d’une sexualité interdite. C’est une émotion pour une génération de jeunes trentenaires que d’évoquer avec nostalgie cette esthétique fleurant bon la télé des années 2000 en deuxième partie de soirée sur M6.

Que faire de cet héritage? Sanders, à trop vouloir évoquer le rythme de ces séries néo-gothiques a bien du mal à faire tenir sa narration dans un film de 2 heures. C’est simple, le film est tellement pressé d’arriver à son dénouement qu’il empile les scènes clés sans prendre le temps de créer l’enjeu émotionnel, pourtant central pour faire fonctionner un postulat fantastique qui, avouons-le, est quand même absolument ridicule.

Sans développer plus loin une hypothèse fragile sur l’accès aux images, il y avait quelque chose d’interdit et de sulfureux dans ces images vampiriques au tournant du millénaire qui facilitait une certaine souplesse quant aux raccourcis de la narration. Ici , comme pour effrayer Dracula, la lumière est trop forte sur la mécanique scénaristique qui va ressusciter notre cher corbeau encore et encore, jusqu’à ce que l’on ne craint plus qu’il ne lui arrive grand chose et qu’on attend bien sagement, comme à la poste, que le plan ne s’exécute.

Pulsion de mort, pulsion de vie, eros et thanatos, etc…. Le lien entre désir et mort a été étayé en long et en large dans la littérature classique. mais comment réussir à faire subsister un désir dans le flux inarrêtable des images contemporaines de la convergence? . L’ennui, la langueur, le suspense, semblent des sentiments bien trop laborieux pour trouver leur place dans nos fictions. Ils sont pourtant bien nécessaires à notre intérêt. Il faut que l’action, la musique, le temps de  peau à l’image soit précautioneusement proportionnée, fragmentée afin de remplir des statistiques de pourcentage.

L’idée d’une transcendance, le pouvoir de mort, le pouvoir de vie avec Sami Bouajila comme gardien de la porte vient ainsi très rapidement stériliser tout impact.En montrant une mort qui n’a les atours que d’un faux game over, on se lasse vite de l’échec de cette romance et des cabotinages du pauvre Danny Houston, qui récoltera la palme de la nemesis la plus creuse de l’année.

Quelques morceaux de rock gothique très grossièrement parachutés après les scènes d’action nous rappellent une époque de naïveté, où l’ignorance et le mystère nous masquaient peut-être le regard. Dans son dernier mouvement en effet, le film prend une teinte sérieusement sinistre quand notre corbeau tient dans ses mains les têtes de deux lieutenants de ses ennemis devant une salle d’opéra bourgeoise. Quelque chose de signifiant existait peut-être dans une vieille version de scénario, car on croît deviner une tentative sur une jeunesse white-trash et son rejet de la société des adultes. Mais le fiasco formel et le rythme totalement indigeste du projet révèle la représentation d’une adolescence qui n’a plus rien de romantique. Le besoin de rendre hommage aux éléments de science-fiction du film de Projas oublie de laisser une place suffisante à l’histoire d’amour pourtant centrale dans le récit. L’urgence de régler l’histoire d’amour qui ne doit servir de prétexte à la vengeance en est risible.

Conclusion

Rupert Sanders tente d’insuffler du style un peu Fincherisant à sa version de THE CROW. Nous craignons qu’il le fasse avec un tel excès de maladresse que le public ne lui pardonnera pas. Épargnez-vous ce spectacle sinistre.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici