L’homme aux mille visages
France, Pologne : 2023
Titre original : –
Réalisation : Sonia Kronlund
Scénario : Sonia Kronlund
Éditeur : Pyramide Vidéo
Durée : 1h30
Genre : documentaire
Date de sortie cinéma : 17 avril 2024
Date de sortie DVD : 20 août 2024
Il s’appelle Alexandre, Ricardo ou Daniel. Il se dit chirurgien ou ingénieur, argentin ou brésilien. Il vit avec quatre femmes en même temps, adaptant à chacune son récit et même ses traits de caractère. Enquête à la première personne, avec l’aide d’un détective privé, sur un imposteur aux mille vies imaginaires.
Le film
[3.5/5]
Documentariste et femme de radio, Sonia Kronlund, réalisatrice de Nothingwood, un film consacré à Salim Shaheen, un acteur-réalisateur-producteur d’Afghanistan particulièrement prolifique, et animatrice/productrice de l’émission « Les pieds sur terre » de France Culture, a entendu parler d’un homme qui est arrivé à vivre simultanément un grand nombre de vies parallèles avec de nombreuses femmes différentes et elle a décidé de lui consacrer un film. Refusant de parler d’enquête journalistique, elle parle plutôt d’une tentative personnelle et engagée de restituer le plus fidèlement possible des faits qui se sont étalés pendant 5 ans. En fait, on comprend vite quelle motivation l’a poussée à se lancer dans cette entreprise : le fait que les hommes qu’elle a aimés lorsqu’elle avait une vingtaine d’années étaient tous des menteurs ou des manipulateurs et elle voulait arriver à savoir, en interrogeant 6 de ses victimes, ce que les femmes trompées par cet « homme aux mille visages » et elle-même pouvaient avoir en commun. En fait, le point commun qu’on décèle petit à petit est finalement très simple à comprendre : toutes ces femmes étaient amoureuses, et ce sentiment, voire cette passion, avait réussi à leur faire perdre leur sens critique. A noter quand même qu’une de ces femmes a une profession dont on aurait pu penser qu’elle pouvait la mettre à l’abri de la mésaventure qu’elle a vécue : elle est psychologue!
Cet homme qui est arrivé, apparemment sans trop de problème, à vivre toutes ces vies parallèles, on apprend petit à petit à le connaître : Il est brésilien, mais il lui arrive de prétendre être argentin. Il se prénomme Ricardo, ou Alexandre, ou bien Daniel. Au rayon profession, devant régulièrement quitter une de ses compagnes pour partir auprès d’une autre, il choisit toujours des métiers dans lesquels il est normal de s’absenter plus ou moins longtemps, que ce soit pour une mission ou pour un congrès. C’est ainsi qu’il est parfois ingénieur, parfois médecin dans l’armée, parfois photographe. Il est parfois issu d’une famille très aisée, parfois issu d’une famille vivant dans une favela. D’après une de ses compagnes, il est très croyant et il lui arrive souvent de prier alors que pour une autre, il n’est pas croyant du tout. Admettez que cela demande une grande aptitude pour le mensonge et ne doit pas être très facile à gérer. Mais il y a mieux : une de ses compagnes dit de lui qu’il est très calme et qu’il se couche tôt alors qu’une autre le décrit comme un homme bouillonnant et dormant peu. Voilà donc un homme capable de gérer son comportement, de l’adapter aux circonstances, le but étant probablement d’adopter chaque fois celui que souhaite la femme avec laquelle il vit. C’est au Brésil que cet homme a commencé son activité de « serial lover ». Il aurait eu 3 enfants dans ce pays, un autre en Argentine et un en France. C’est en Pologne qu’on finit par le rencontrer grâce au travail de recherche d’un détective privé, une rencontre qui permet au film qui, jusqu’alors, s’apparentait plutôt à un polar, voire un thriller, de se terminer en comédie burlesque. D’autant plus lorsqu’on apprend que la femme qui vit en Pologne avec ce faussaire sans se douter de rien, a pour travail la vérification, pour une entreprise, de l’identité et de l’intégrité de ses clients.
Parmi les 6 femmes que Sonia Kronlund a rencontrées, certaines ont accepté d’apparaître à l’écran, d’autres ont préféré que leur rôle soit interprété par une comédienne, qu’elle soit amateure ou professionnelle. Mais, au fait, que risque notre « arna-cœur » d’un point de vue pénal ? Pas grand chose, finalement : pénalement, le mensonge n’est pas puni sauf quand il a servi à commettre une infraction ou à soutirer de l’argent, ce qui n’est pas le cas ici.
Le DVD
[3.5/5]
Ce DVD distribué par Pyramide Vidéo séduit par la qualité de l’image qu’il propose, avec une très bonne définition et des couleurs très naturelles. Il faut dire que, pour un documentaire, l’image de départ du film était particulièrement soignée. A côté d’une possibilité d’audio description, le film peut être regardé en 5.1 ou en 2.0 avec des sous-titres en français pour sourds et malentendants, avec des sous-titres en anglais ou sans sous-titres, sauf bien sûr, pour les dialogues en polonais ou en brésilien.
Au rayon des compléments, on est un peu frustré de ne trouver que 3 scènes coupées pour un total de 10 minutes. On aurait apprécié d’entendre la réalisatrice nous donner un certain nombre d’informations sur la genèse de son film, sur les femmes dupées par « Ricardo/Alexandre/Daniel » et, surtout, sur ce personnage : de quel trouble psychique souffre-t-il ? Qu’est-il devenu depuis le tournage ? Et puis, après tout, Sonia Kronlund a-t-elle un moyen fiable de nous prouver qu’il existe vraiment et qu’elle ne nous a pas manipulés en nous présentant cette histoire de mensonges. Sait on jamais !