Dead for a Dollar
États-Unis : 2022
Titre original : –
Réalisation : Walter Hill
Scénario : Walter Hill, Matt Harris
Acteurs : Christoph Waltz, Willem Dafoe, Rachel Brosnahan
Éditeur : M6 Vidéo
Durée : 1h46
Genre : Western
Date de sortie DVD/BR : 7 août 2024
Chihuahua, Nouveau-Mexique, en 1897. Un célèbre chasseur de primes est engagé pour retrouver la femme d’un homme d’affaires de Santa-Fe, kidnappée par un déserteur afro-américain. Au cours de son investigation au Mexique, il tombe sur son ennemi juré qu’il avait envoyé en prison des années auparavant. Il retrouve également la femme et le déserteur, désormais amants, cachés dans le désert mexicain pour échapper à son mari violent. La renverra-t-il ou l’aidera-t-il à combattre des tueurs à gages et son rival de toujours ?
Le film
[4/5]
Parmi la profusion de cinéastes américains ayant fait leurs armes ou officiant déjà derrière la caméra durant les années 70, seulement une poignée a réussi à aborder le grand tournant des années 80 (l’après-Star Wars) sans y laisser des plumes ou carrément leur âme. Quelques maestros ont certes su confirmer tout le bien que l’on pouvait penser d’eux, mais dans de nombreux cas, le meilleur n’était déjà plus « à venir » mais se situait avant la décennie 80. Certains cinéastes cependant sont parvenus à évoluer, à avancer avec leur temps, et même à bonifier leur cinéma, nous livrant avec une étonnante régularité une série de chefs d’œuvres étalés sur plusieurs décennies. On pense à Steven Spielberg, qui a toujours bénéficié de l’œil bienveillant de la critique et du public depuis ses débuts, à John Carpenter, dont le cinéma a été réhabilité assez tardivement par le Saint des Saints de la critique française Les Cahiers du Cinéma, et enfin à Walter Hill, toujours largement méprisé de l’intelligentsia cinéphile, mais dont le « gros œuvre » contient une série de films absolument formidables, qui obtiendront probablement un jour fort logiquement leur place au panthéon du septième Art comme autant de perles intemporelles.
Très tournée vers une certaine idée de la masculinité et des relations viriles, l’œuvre de Walter Hill est remplie de westerns (ou de simili-westerns) illustrant, d’une manière ou d’une autre, les différentes facettes des relations entre hommes. Qu’ils soient partenaires, frères ou même adversaires, leurs différences s’effacent, tandis que le respect et l’acceptation de l’autre finissent toujours par faire leur force. Tout ça bien sûr au cœur d’un pays, les États-Unis, avec sa violence et ses paradoxes, où tout semble possible même dans les moments les plus sombres. Dead for a Dollar s’inscrit dans cette veine : le film se déroule au Nouveau-Mexique, en 1897, et le spectateur sera amené à suivre un chasseur de primes Max (Christoph Waltz) ayant été engagé par un homme d’affaires (Hamish Linklater) afin de retrouver sa femme Rachel (Rachel Brosnahan), qui a quitté le pays avec Elijah (Brandon Scott), un déserteur. Max est associé à Poe (Warren Burke), un militaire ami d’Elijah. Les deux hommes traverseront le pays pour mener à bien leur mission, qui sera compliquée par Vargas (Benjamin Bratt), un caïd mexicain qui refuse de donner accès à ses terres, et par Joe (Willem Dafoe), un tueur fraîchement libéré de prison et bien décidé à tuer Max, qui l’a mis derrière les barreaux.
Écrit par Walter Hill et Matt Harris, Dead for a Dollar mène donc de front plusieurs intrigues, qui développent un certain nombres d’enjeux narratifs, et le film déroule son fil conducteur avec confiance, lançant des histoires distinctes qui se rejoignent progressivement, et qui génèrent un sentiment de danger et d’hostilité générale que Walter Hill gère de façon sûre, en dépit de restrictions budgétaires évidentes. Il faut dire qu’à notre époque, le western n’a plus le vent en poupe, et vouloir s’exprimer à travers le genre est presque devenu un acte de résistance : Kevin Costner a été contraint d’hypothéquer sa propriété pour tourner sa saga Horizon : Une saga américaine, et le western ne trouve malheureusement guère plus de nos jours d’autre terrain d’expression que celui du DTV (Direct To Vidéo). De fait, si Walter Hill retrouve encore occasionnellement le chemin des studios, le cinéaste le fait au prix d’une adaptation à des méthodes de tournage moins confortables et à des budgets ne lui permettant pas forcément de laisser libre cours à son imagination la plus débridée en terme de mise en scène.
Tourné durant l’été 2021, Dead for a Dollar a été présenté en avant-première hors compétition à la Mostra de Venise en septembre 2022. Il sortirait quelques semaines plus tard dans quelques salles américaines, en parallèle avec sa sortie en vidéo. En France, le film serait diffusé sur Canal+ en septembre 2023, et sort aujourd’hui en DVD et Blu-ray. Pour autant, Walter Hill n’est pas mort – tel Saint Eloi, il bande encore ! A plus de 80 ans, le cinéaste, qui avait délaissé le fauteuil de réalisateur depuis Revenger en 2016, revient donc une nouvelle fois au western, un genre au cœur duquel il a passé pas mal de temps tout au long de sa carrière (Le Gang des frères James, Geronimo, Wild Bill… mais en réalité, presque tous ses films sont des westerns, d’une manière ou d’une autre). Se basant sur des enjeux dramatiques clairs et énoncés de façon suffisamment fouillée pour s’avérer vraiment passionnants, Dead for a Dollar s’impose rapidement comme un film d’atmosphère, s’inscrivant globalement dans le registre du western en mode « bande dessinée », développant un récit décomplexé qui transcende le genre pour toucher à l’universalité et ravira de fait tous les amoureux de westerns classiques.
D’une façon assez manifeste, Walter Hill prend un grand plaisir à filmer les confrontations entre les personnages archétypaux qui peuplent Dead for a Dollar, des durs à cuire revanchards toujours enclins à laisser parler la poudre et la violence. Très respectueux des codes du genre, le film enchaine les plans d’ensemble sur les cavaliers arpentant le désert, les parties de cartes tendues et, bien sûr, les coups de feu. Les acteurs sont excellents, avec bien entendu une mention particulière à Christoph Waltz ainsi qu’à Willem Dafoe, qui se régale à jouer un chien fou et fait occasionnellement grimper en tension l’intrigue du film. Le film nous propose par ailleurs de belles explosions de brutalité, typiques du cinéma de Walter Hill, mais l’ensemble met tout de même en valeur les personnages, dont la psychologie est fouillée et intéressante. On pense par exemple au personnage de Rachel, qui n’est pas présentée de façon unilatérale et révélera à Max qu’elle a tout à fait conscience de ce qui se trame et ce qui l’attend si elle est renvoyée à son mari. Le tout est développé par Walter Hill – et son coscénariste Matt Harris – par le biais des dialogues volontiers rudes et efficaces dont il a le secret.
On mentirait si on affirmait être tout à fait objectif quant à notre appréciation de Dead for a Dollar ; le film s’adresse peut-être avant tout aux amoureux du genre western, ainsi qu’aux aficionados de la carrière de Walter Hill, ce qui fait de l’auteur de ces lignes le public-cible idéal pour ce genre de spectacle. On n’ira certes pas jusqu’à classer Dead for a Dollar tout en haut de la liste des œuvres les plus indispensables de son auteur, mais le fait est qu’il s’agit tout de même un excellent représentant du genre western – à l’image de Walter Hill lui-même, il s’agit d’un genre qui en a décidément toujours sous le pied et s’avérera probablement propre à enflammer les imaginations pendant encore de longues années… Si bien sûr il parvient à trouver le chemin des studios.
Le Blu-ray
[4/5]
C’est M6 Vidéo qui prend donc aujourd’hui le pari de réorchestrer le grand retour de Walter Hill au genre western avec l’arrivée de Dead for a Dollar sur galette Blu-ray. Même si le film n’a pas été distribué dans les salles, l’éditeur semble conscient de la pépite dont il dispose, et nous livre un transfert Haute-Définition quasi-irréprochable : la définition et le piqué sont d’une précision folle, la photo aux tons chauds et bigarrés signée Lloyd Ahern II (collaborateur régulier de Walter Hill depuis Les Pilleurs en 1992) est respectée à la lettre, et le tout est proposé en 1080p. Du tout bon côté image donc, auquel viennent s’ajouter deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 en VF comme en VO, aussi dynamiques dans la restitution de la musique de Xander Rodzinski que vraiment immersifs côté ambiance. Le doublage français est excellent, mais on admettra avoir un faible pour la version originale, qui ajoute encore un peu de punch à l’ensemble. Pas de suppléments.