Test Blu-ray : Boulevard

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Boulevard

France : 1960
Titre original : –
Réalisation : Julien Duvivier
Scénario : René Barjavel, Julien Duvivier
Acteurs : Jean-Pierre Léaud, Monique Brienne, Magali Noël
Éditeur : Pathé
Durée : 1h37
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 30 novembre 1960
Date de sortie DVD/BR : 26 juin 2024

Jojo, abandonné par son père qui a refait sa vie avec une mégère abusive, habite seul dans une mansarde donnant sur la place Pigalle. Par orgueil vis-à-vis de ses voisins, il s’efforce de ne pas avoir l’air seul, joue au dur et tombe amoureux d’une danseuse, maîtresse d’un boxeur de seconde zone. Commence alors pour cet adolescent la découverte d’un monde aux mœurs et activités déroutantes…

Le film

[4,5/5]

Pour le spectateur contemporain autant que pour celui de 1960, il semble absolument impossible, à la découverte de Boulevard, de ne pas dresser de parallèles entre le film de Julien Duvivier et Les 400 coups de François Truffaut, sorti un an auparavant. La comparaison est facilitée par le fait que les deux films mettent en scène Jean-Pierre Léaud dans le rôle d’un adolescent rebelle et grande gueule, qui a le don de se mettre dans le pétrin à cause de son impulsivité. Dans le même ordre d’idées, les deux films se déroulent dans le Paris de l’après-guerre, et cultivent une certaine liberté de ton.

Beaucoup d’observateurs ont donc utilisé Boulevard pour mettre en évidence le contraste entre les cinéastes de la Nouvelle Vague et ceux issus de la « vieille garde » du cinéma français, dont Julien Duvivier était un des représentants les plus prolifiques. On a régulièrement opposé la spontanéité et l’authenticité des 400 coups à la narration conventionnelle et aux dialogues extrêmement écrits (et pour cause – ils sont signés René Barjavel) de Boulevard. Pour autant, cela serait mentir que d’affirmer que Julien Duvivier a réalisé son film en respectant à la lettre les vieilles règles et usages du cinéma de « qualité française ».

A vrai dire, avec plus de soixante années de recul, le fait d’opposer les films de la Nouvelle Vague à leurs contemporains de facture un plus « traditionnelle » peut paraître un peu dépassé. Les errances urbaines filmées à même le trottoir, le tempo jazzy et/ou poétique, les histoires autobiographiques et les interminables improvisations ne sont en effet pas forcément l’apanage de Jean-Luc Godard, François Truffaut ou Louis Malle, et le cinéma « de papa » tourné en studio n’a pas forcément un côté désuet – au contraire, au-delà des codes de l’époque, on pourra s’avérer surpris par le sentiment de « liberté » développé par Boulevard.

Par ailleurs, le fait d’opter pour une narration carrée et traditionnelle peut clairement avoir des avantages. Dans le cas de Boulevard, ce cadre permet à Julien Duvivier de soigner le rythme de son film, qui ne provoque jamais le moindre sentiment de longueur ou d’ennui, là où d’innombrables digressions, moments volés et autres improvisations auraient alourdi le récit. De plus, les dialogues signés Barjavel sont vraiment excellents, et tous les personnages se révèlent attachants. Mis à part une poignée de stéréotypes qui reflètent l’époque « politiquement incorrecte » à laquelle il a été tourné, le film de Julien Duvivier s’avère plein de vie, et paradoxalement assez réaliste.

Même si beaucoup d’entre eux ont été reconstitués en studio, les décors sont également absolument merveilleux, et accentuent encore, par leur côté parfois irréel, la poésie de l’ensemble. Le fait de situer l’intrigue dans le quartier de Pigalle, grouillant de monde et représentant à sa manière à la fois le paradis et l’enfer, fournit à Boulevard une toile de fond absolument fantastique, qu’il s’agisse des scènes tournées dans les rues ou celles, par exemple, sur le toit qui verra naitre le rapprochement entre Georges alias « Jojo » (Jean-Pierre Léaud) et Marietta (Monique Brienne).

Techniquement et formellement, Julien Duvivier tente beaucoup de choses de façon à dynamiser sa mise en scène, et les nombreuses idées visuelles dont il fait preuve contribuent également beaucoup au charme fou développé par Boulevard. Du côté des acteurs, on notera par ailleurs une poignée de visages connus des amateurs de cinéma français : on pense par exemple à Pierre Mondy, excellent dans la peau du boxeur Dicky, Magali Noël dans le rôle de Jenny, la strip-teaseuse, Jacques Duby dans celui du peintre homosexuel et voisin de Jojo, ou encore Robert Dalban dans celui du montreur de boxe. Indispensable !

Le Combo Blu-ray + DVD

[5/5]

Petit à petit, les rangs de la collection « Version restaurée par Pathé » (naturellement éditée par Pathé) s’étoffent et permettent aujourd’hui au cinéphile français de profiter d’une belle série de chefs d’œuvres en Haute-Définition. Comme d’habitude avec les titres de cette collection, Boulevard s’offre un Combo Blu-ray + DVD présenté dans un classieux Digipack cartonné. Le film de Julien Duvivier vient donc tenir compagnie à de nombreuses autres merveilles telles que 125 rue Montmartre, La Môme vert de gris, Les disparus de Saint-Agil ou encore Showgirls.

En ce qui concerne Boulevard, on ne pourra à nouveau que féliciter l’éditeur, qui nous livre un master restauré vraiment superbe : la copie a bénéficié du plus grand soin et affiche un excellent niveau de détail et des contrastes finement travaillés, tout en respectant scrupuleusement le grain « cinéma » du film. Le noir et blanc est littéralement sublime, et le film affiche une image d’une stabilité remarquable. Quelques plans, essentiellement nocturnes et tournés en extérieur, marquent certes quelques très légères baisses de régime, mais le boulot a été fait – et bien fait – pour que nous puissions redécouvrir Boulevard dans les meilleures conditions possibles. Un sans-faute ! Côté son, l’éditeur nous propose un mixage en DTS-HD Master Audio 2.0 (mono d’origine), parfaitement clair, sans souffle ni bruits parasites intempestifs. On applaudit des deux mains.

Côté suppléments, on commencera par une courte biographie de Julien Duvivier (10 minutes), assurée en voix off par Cécile Dubost avec la collaboration face caméra de Guillemette Odicino. Le sujet reviendra reviendra, entre autres, sur l’éclectisme de la filmographie de Duvivier, sur sa collaboration avec Jean Gabin, ou encore sur ses expérimentations formelles. On retrouvera les mêmes intervenantes à la barre d’une analyse du film (12 minutes), qui évoquera le fait que Boulevard est un film à la croisée des chemins entre deux époques, empruntant à la Nouvelle Vague les plans tournés en extérieurs, les jeunes acteurs et les expériences formelles, mais continuant en parallèle à tourner en studio. Le film est ainsi entre deux styles, comme son héros coincé entre l’adolescence et l’âge adulte. Enfin, on retrouvera à nouveau Cécile Dubost et Guillemette Odicino pour un troisième sujet, consacré à l’adaptation du roman de Robert Sabatier (12 minutes), et plus particulièrement aux différences notables entre les deux versions de cette histoire : la disparition du personnage du « Baron », l’importance de Dicky dans la version cinéma, et bien sûr la fin du film, qui change complètement. Très intéressant !

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