Test Blu-ray : L’Innocence

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L’Innocence

Japon : 2023
Titre original : Kaibutsu
Réalisation : Kore-eda Hirokazu
Scénario : Yuji Sakamoto
Acteurs : Sakura Ando, Eita Nagayama, Soya Kurokawa
Éditeur : Le Pacte
Genre : Drame
Durée : 2h06
Date de sortie cinéma : 27 décembre 2023
Date de sortie DVD/BR : 1 mai 2024

Dans l’école d’une ville de banlieue, une bagarre éclate entre des enfants. Cet événement apparemment anodin dégénère en une grosse affaire qui implique toute la communauté et les médias. Un jour, ces enfants disparaissent soudainement…

Le film

[3,5/5]

Kore-eda Hirokazu est probablement l’un des cinéastes japonais les plus célèbres – et les plus intéressants – de ces dix dernières années. Après avoir obtenu la prestigieuse Palme d’Or à Cannes en 2018 avec Une affaire de famille, le cinéaste était de retour sur la croisette en 2023 avec L’Innocence, qui permit à son scénariste Yūji Sakamoto de se voir salué par le Prix du scénario. Parallèlement à cette distinction, le film a également obtenu la Queer Palm, récompense LGBT décernée depuis 2010 au cours du Festival de Cannes.

Cela dit, et mine de rien, le fait d’avoir obtenu la Queer Palm pourrait tendre à légèrement amoindrir l’impact potentiel de L’Innocence sur le spectateur, dans le sens où l’élément LGBT n’est pas énoncé dès le départ par l’intrigue du film. Conçu sur le modèle du chef d’œuvre Rashōmon d’Akira Kurosawa, le scénario de Yūji Sakamoto fait en effet le choix de nous présenter la « même » histoire sous plusieurs angles différents, en adoptant le point de vue de trois personnages différents.

Ainsi, à chaque nouvelle itération de la boucle d’événements qui composent l’intrigue de L’Innocence (qui commence, d’une façon assez symbolique, par le feu et se termine dans l’eau), le récit s’enrichira de nouvelles clés de compréhension, et le fait est que l’élément LGBT n’apparaît finalement clairement que dans la troisième version qui nous est présentée. Et le fait de savoir à l’avance que le film s’articule autour d’une problématique LGBT n’empêche certes pas le film de Kore-eda Hirokazu de nous toucher au cœur, mais ce léger « Spoiler » tend clairement à amoindrir l’idée de « mystère » développée par le scénario.

L’Innocence nous propose une intrigue pleine de mélancolie, d’émotions fugaces et d’amitiés ambiguës. Il s’agit d’un récit de coming of age construit à la façon d’un polar, qui suit le jeune Minato (Kurokawa Soya), un élève de CM2, apparemment victime de violences de la part de son professeur M. Hori (Nagayama Eita). Saori (Ando Sakura), sa mère célibataire, se heurte à la directrice de l’école (Tanaka Yuko), en exigeant que l’agresseur soit puni. De son côté, M. Hori affirme que le petit Minato est une brute, qui harcèle Yori Hoshikawa (Hinata Hiiragi), un de ses camarades de classe…

L’Innocence commence par l’incendie d’un bar à hôtesses, qui illumine le paysage urbain d’une petite ville de province, et qui servira de marqueur temporel à Kore-eda Hirokazu afin de débuter les différentes « versions » de son histoire. Chacun des nouveaux points de vue apporte à l’intrigue son lot de révélations sur les différents protagonistes du récit, qui semblent chacun cacher des secrets et lutter contre leurs propres démons. Le premier segment suit une Saori de plus en plus désemparée face aux changements de comportement soudains et inquiétants de son fils ; le deuxième segment reprend cette même trame générale du point de vue de Hori, ce qui offrira au spectateur une perspective un peu différente ainsi que quelques révélations supplémentaires.

Enfin, L’Innocence se terminera en nous donnant à découvrir les événements selon le point de vue de Minato, abordant enfin le cœur du sujet, et permettant au film de se terminer sur une note émouvante. L’émotion véhiculée par le final du film, sobre et poétique, mais indéniablement puissant, est encore renforcé par sa bande originale, signée Ryūichi Sakamoto, décédé en mars 2023, et à qui le film est dédié.

On notera par ailleurs que dans une de ses séquences les plus marquantes, L’Innocence met en évidence les paradoxes du double-discours tenu par le corps enseignant, pour qui la « réputation » est la seule chose à préserver, et qui de ce fait s’enferme dans un silence absurde, propre à justifier n’importe-quelle accusation. Alors que le personnage incarné par Ando Sakura cherche juste à comprendre, à mettre au clair une série d’événements, le film souligne l’angoisse sociale propre à la génération des réseaux sociaux, ce qui en fait une espèce de cousin éloigné de La Rumeur de William Wyler, adapté de l’œuvre de Lillian Hellman.

Le Blu-ray

[4/5]

C’est Le Pacte qui permet donc aujourd’hui aux retardataires qui auraient loupé L’Innocence dans les salles de découvrir le dernier film de Kore-eda Hirokazu sur support Blu-ray, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’éditeur a vraiment soigné sa copie. L’image est très belle, la définition est d’une précision à couper le souffle, nous offrant un piqué réellement impressionnant, mettant en valeur la formidable photo du film. Les couleurs et surtout les noirs ne dépareillent pas, et contribuent à proposer une immersion totale dans ce mystère LGBT teinté de poésie. Côté son, et comme d’habitude avec l’éditeur, la VO mais également l’inattendue VF nous sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1, et si bien sûr le film ne se prête pas des masses à la démonstration technique, le résultat s’avère riche, fin et relativement enveloppant. Les effets multicanaux lors de la grosse scène d’orage à la fin du film sont d’un dynamisme acoustique assez impressionnant.

Du côté des suppléments, on commencera par un entretien avec Kore-eda Hirokazu (8 minutes), qui reviendra sur le thème de l’homosexualité, sur ses influences, sur le travail sur le film avec les enfants et les autres acteurs, ainsi que sur sa collaboration avec Ryūichi Sakamoto, malade, qui avait néanmoins accepté d’écrire la musique quand il a découvert le film. On continuera ensuite par un long making of (1h06), qui s’ouvre sur des images cannoises pour ensuite nous révéler la genèse et la préparation du film, grâce à des images des auditions et d’autres volées sur le tournage. Extrêmement complet. Pour terminer, sous l’appellation Coulisses du tournage, l’éditeur nous propose une série de scènes coupées entrecoupées d’images de l’équipe posant avec les « claps » (7 minutes).

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