Critique : Le silence de Sibel

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Le silence de Sibel

France : 2021
Titre original : –
Réalisation : Aly Yeganeh
Scénario : Aly Yeganeh
Interprètes : Laëtitia Eïdo, Melissa Boros, Rusen Houssin
Distribution : A Vif Cinémas
Durée : 1h35
Genre : Drame
Date de sortie : 1er mai 2024

3.5/5

Synopsis : Août 2014, à Sinjar, au nord-ouest de l’Irak, chef- lieu des Yazidis. À 13 ans, Sibel est enlevée par des hommes de Daech, devant sa amille qui est massacrée. Comme des milliers de femmes et de jeunes filles, elle sera réduite à l’esclavage sexuel, torturée et violée parce qu’hérétique pour ses bourreaux. Uzerche, petite ville du centre de la France. Ophtalmologiste d’une quarantaine d’années, née en France, d’origine kurde, Hana ne peut tolérer les atrocités commises contre les femmes Yazidis. Hana a réussi, contre rançon, à arracher Sibel à son enfer et l’a adoptée. Elles reviennent en France et Hana s’efforce de lui faire une vie « normale », pleine d’amour et d’attention. Pourtant, tout en acceptant cette nouvelle vie, l’adolescente refuse de parler. Ce corps violé et torturé lui fait horreur. Quelle vie, désormais, pour cette jeune fille ?

Un film poignant, un film d’une grande force

Pourquoi Le silence de Sibel, film d’une grande force produit en 2021, a-t-il mis aussi longtemps pour arriver sur nos écrans, la question mérite d’être posée mais elle restera sans réponse. En tout cas, durant ces 3 années, ce film a été présenté dans un grand nombre de festivals et il a engrangé un grand nombre de récompenses, que ce soit au titre de meilleur film ou de l’interprétation. Il a aussi été invité à L’Institut du Monde Arabe de Paris et par la Mairie de Paris et la Fondation des femmes à l’occasion de la journée internationale de la violence faite aux femmes. Lorsqu’on évoque la violence des guerres, on a tendance à se focaliser sur ce que vivent les militaires et on oublie trop souvent que, dans de nombreux conflits, ce sont les femmes et les enfants qui paient le prix le plus fort. Le silence de Sibel nous conduit en août 2014 dans la ville kurde de Sinjar au moment ou Daech a envahi ce chef-lieu des Yézidis, cette minorité kurde du nord de l’Irak. Considéré(e)s par eux comme des mécréant(e)s, des centaines de femmes et d’hommes vont être égorgé(e)s par les djihadistes, des centaines de filles et de jeunes femmes étant elles enlevées afin de devenir leurs esclaves sexuelles. Affirmer que les premières scènes du film sont tout aussi bouleversantes qu’intenses relève de l’euphémisme !

Parmi les fillettes enlevées à la suite de ces scènes se trouve Sibel, une douzaine d’années, qui a assisté au meurtre de ses parents. On va la retrouver plusieurs mois plus tard auprès de Hana, une femme établie comme ophtalmologiste à Uzerche, en Corrèze, et qui, avec amour, s’efforce, en tant que mère de substitution, de donner un nouveau départ à la vie de Sibel. Entre temps, il y a eu pour Sibel plusieurs mois de séjour comme esclave sexuelle auprès de djihadistes, un séjour dont le réalisateur a eu l’excellente idée de ne rien nous montrer mais qui aura plus tard une conséquence importante pour elle. Il y a des liens très forts entre Hana et Sibel : le père de Hana était originaire de la même communauté yézidie que Sibel et, venu en France pour ses études, il avait rencontré celle qui allait devenir la mère d’Hana. Avant l’arrivée de Daech, Hana, qui avait financé à Sinjar des cours de français pour les jeunes filles du village, avait eu l’occasion de rencontrer Sibel et, par l’entremise d’intermédiaires locaux, elle avait réussi à la récupérer contre quelques milliers d’euros lorsque les djihadistes avaient commencé à se lasser d’elle.

C’est donc à la cohabitation entre Hana et Sibel que nous allons assister. Une cohabitation difficile dans la mesure où Sibel refuse de s’exprimer, le silence étant pour elle sa seule défense. Il s’agit toutefois d’un silence vers l’extérieur, son monde intérieur étant plus bavard, fait de cauchemars liés aux événements dramatiques et éprouvants qu’elle a vécus mais aussi de « dialogues » poignants avec sa mère assassinée. Face à ce mur de silence et malgré sa crainte de voir Sibel mettre fin à ses jours, Hana fait preuve d’une très grande patience et d’une très grande douceur. Un comportement auquel Sibel est sensible mais elle n’ouvre pas la bouche pour autant. Une fois, une seule fois nous pourrons voir Hana se mettre ouvertement en colère face au comportement de Sibel. Par contre, on peut se montrer sceptique quant à ce qu’apporte au film la situation matrimoniale de Hana, avec les visites fréquentes de Pierre Etienne dont elle est divorcée mais qui n’admet pas cette situation.

Tourné en format Scope, Le silence de Sibel jouit d’une très belle photographie dans laquelle domine la couleur bleue et que l’on doit à Aly Yeganeh, par ailleurs scénariste et réalisateur du film. Scénario, réalisation, photographie, difficile de faire un film plus personnel que Le silence de Sibel ! Aly Yeganeh, d’origine iranienne, vit et travaille dorénavant surtout en France tout en continuant d’être particulièrement sensible à la situation géopolitique et à la condition féminine dans cette partie du monde située entre la Turquie et l’Iran. Dans une distribution très solide, on remarque surtout Laëtitia Eïdo, une comédienne française née de mère libanaise et qui s’avère plus connue à l’étranger qu’en France.

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