Est-ce qu’une sortie cinéma compte parmi les traditions françaises au cours des fêtes de Pâques ? A regarder le programme des sorties de cette semaine placée sous le signe d’un long week-end, on dirait que non. Car peu nombreux y sont les films susceptibles de déplacer les foules. Tout juste, la troisième suite de l’univers de Kung Fu Panda, créé il y a seize ans tout de même en 2008, ravira-t-elle les plus jeunes spectateurs. En même temps, le cinéma français joue pleinement la carte de l’engagement et de la prise de conscience salutaire à partir d’aujourd’hui, en abordant des thèmes aussi joyeux que le harcèlement à l’école, le célibat des prêtres catholiques et le crime écologique de l’extraction de l’huile de palme.
Pour vous faire changer d’idées et vous permettre de souffler un peu en cette fin d’hiver qui ne sent pas encore le printemps, on aurait pu assembler un cocktail cinématographique plus léger !
Toutefois, nous pensons avoir trouvé trois films qui valent le détour, à condition que vous soyez à proximité de l’une des rares salles qui les programment pour deux d’entre eux. Esthétiquement le film le plus envoûtant de cette semaine est sans aucun doute le conte thaïlandais Morrison de Phuttiphong Aroonpheng, le deuxième film du réalisateur à sortir en France après Manta Ray en 2019. Changement de cadre avec la farce de braqueurs hautement amusante, malgré sa durée considérable, que sont Los delincuentes de Rodrigo Moreno, présenté dans la section Un certain regard au Festival de Cannes l’année dernière. Enfin, quitte à regarder une œuvre à l’esprit édifiant à partir de ce mercredi, autant le faire en compagnie du charmant François Civil, qui incarne un prof pris dans un traquenard autour du harcèlement dans Pas de vagues de Teddy Lussi-Modeste.
Et puis ? Notre critique maison Jean-Jacques a également apprécié le drame religieux Paternel de Ronan Tronchot dans lequel Grégory Gadebois devra trancher entre sa vocation cléricale et un vestige inattendu de sa vie d’avant. Le drame historique Le Jeu de la reine de Karim Aïnouz – l’avant-dernier film de la compétition cannoise 2023 à sortir sur nos grands écrans, une semaine avant Black Flies de Jean-Stéphane Sauvaire – devrait valoir au moins autant le détour pour ses beaux costumes que pour le regard au féminin sur le règne paranoïaque de Henry VIII. Enfin, il n’y aura jamais assez de documentaires pour nous alerter sur les conséquences catastrophiques du changement climatique, ce que fait La Théorie du boxeur de Nathanaël Coste avec un certain pragmatisme.
Le reste des sorties et ressorties de la semaine ne nous inspire guère confiance. Ni le drame scolaire hongrois L’Affaire Abel Trem de Gabor Reisz, qui pourrait au moins former un double programme pas sans intérêt avec Pas de vagues. Ni le documentaire sur l’artiste complète, peut-être trop complète Apolonia Sokol Apolonia Apolonia de Lea Glob. Et même si toutes les luttes écologiques nous tiennent bien évidemment à cœur, les déguiser en lutte acharnée d’une mère pour innocenter son fils à l’autre bout du monde comme le fait La Promesse verte de Édouard Bergeon ne nous paraît pas la méthode la plus efficace pour alerter nos esprits désabusés.
Quant à Chasse à l’homme de Fritz Lang, il bénéficie déjà de la quatrième ressortie en moins de quinze ans ! Autant dire qu’il ne s’agit point d’un film rare, même si celle-ci pourrait enfin être la bonne pour que nous revoyons ce film de propagande typique de la première moitié des années 1940 …
L’Affaire Abel Trem de Gabor Reisz (Hongrie, Drame, 2h07) avec Adonyi-Walsh Gaspar, Istvan Znamenak et Andras Rusznak
Apolonia Apolonia de Lea Glob (Danemark, Documentaire, 1h56)
L’Attaque du bloc d’or de Olivier Goujon (France, Thriller, 2h06, distribué sur 150 copies) avec Julien Rochard, Dimitri Kuzerpa et Nicolas Bedu
O corno Une histoire de femmes de Jaione Camborda (Espagne, Drame, 1h45) avec Janet Novas, Siobhan Fernandes et Carla Rivas (critique)
Los delincuentes de Rodrigo Moreno (Argentine, Comédie dramatique, 3h09) avec Daniel Elias, Esteban Bigliardi et Margarita Molfino (critique)
Le Jeu de la reine de Karim Aïnouz (Royaume-Uni, Drame historique, 2h00) avec Alicia Vikander, Jude Law et Eddie Marsan
Kung Fu Panda 4 de Mike Mitchell et Stephanie Stine (États-Unis, Animation, 1h33)
Morrison de Phuttiphong Aroonpheng (Thaïlande, Drame, 1h46) avec Kitty Chicha, Joe Cummings et Chulachak Chakrabongse
Pas de vagues de Teddy Lussi-Modeste (France, Drame scolaire, 1h32) avec François Civil, Shaïn Boumedine et Toscane Duquesne
Paternel de Ronan Tronchot (France, Drame religieux, 1h32) avec Grégory Gadebois, Géraldine Nakache et Lyes Salem (critique)
La Promesse verte de Édouard Bergeon (France, Drame environnemental, 2h04, distribué sur 529 copies) avec Alexandra Lamy, Félix Moati et Sofian Khammes
La Théorie du boxeur de Nathanaël Coste (France, Documentaire, 1h37)
Reprises
Chasse à l’homme (1941) de Fritz Lang (États-Unis, Thriller historique, 1h45, distribué sur 3 copies) avec Walter Pidgeon, Joan Bennett et George Sanders
La Flamme verte (2008) de Mohammad Reza Aslani (Iran, Fantastique, 1h50) avec Mahtab Keramati, Ezzatollah Entezami et Mina Vahid