Critique : Cocorico

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Cocorico

France, 2022
Titre original : –
Réalisateur : Julien Hervé
Scénario : Julien Hervé
Acteurs : Christian Clavier, Didier Bourdon, Sylvie Testud et Marianne Denicourt
Distributeur : SND
Genre : Comédie
Durée : 1h32
Date de sortie : 7 février 2024

2,5/5

Au moins depuis dix ans et le succès de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? de Philippe De Chauveron, le cinéma et le public français ont l’air de raffoler de ce qu’on peut appeler par facilité la comédie du prémariage. Tout comme les films hollywoodiens des années 1930 et ’40 conjuguaient à satiété le cas de figure du remariage, en France, nous sommes donc arrivés au bout d’une décennie de présentations plus ou moins farfelues du futur gendre ou des futurs beaux-parents. Autant dire qu’on en a largement fait le tour, même si le plébiscite récurrent de ces farces populaires nous fait craindre que ce thème à la mode ait encore de beaux jours devant lui. Les près de deux millions de spectateurs dont Cocorico se rapproche au bout des vacances d’hiver sont là pour en témoigner. Au moins, Christian Clavier y excelle dans son numéro parfaitement rodé de grand bourgeois, voire d’aristocrate. Dans ce rôle en particulier, il n’est pas arrivé au bout de ses surprises, quand la science génétique rencontre la fierté généalogique.

Or, le souci principal du deuxième long-métrage de Julien Hervé, six ans après Le Doudou, est précisément qu’il ne fait que réconforter les stéréotypes et les poses les plus pompeux. Sous couvert d’un contexte comique, il se permet sans trop de gêne de ressortir l’ensemble des vieux clichés xénophobes qu’on avait l’espoir de ne plus voir dans un film du milieu des années 2020. Tout à fait à sa place dans le cinéma de la fin du siècle dernier, son scénario passablement réactionnaire reste beaucoup trop timide, lorsqu’il s’agit de contrer autant de pensées rétrogrades par une conception morale plus inclusive. Car une fois le faux choc de la révélation des véritables origines des quatre personnages principaux passé, ceux-ci s’emploient avant tout à se conformer de manière plus ou moins grotesque à l’image que leur renvoient leurs ancêtres jusque là ignorés.

© 2022 White and Yellow Films / M6 Films / Beside Productions / SND Tous droits réservés

Synopsis : Le grand jour est enfin arrivé, où le jeune couple Alice et François organise la rencontre entre ses parents respectifs. Ce sont les Martin, Gérard et Nicole, lui, concessionnaire chez Peugeot et fier de la qualité française et elle, femme au foyer et fière de son fils, qui font le déplacement dans le domaine des Bouvier Sauvage. Le grand seigneur Frédéric ne jure que par la noblesse de ses ancêtres, à l’image de sa femme Catherine, descendante d’un prince italien. Afin de détendre l’atmosphère, Alice a amené de son laboratoire les résultats des tests ADN de ses parents et futurs beaux-parents. A la surprise générale, le moment fatidique de l’ouverture des enveloppes ne se passe pas du tout comme prévu …

© 2022 White and Yellow Films / M6 Films / Beside Productions / SND Tous droits réservés

Face à une comédie comme Cocorico, malgré tout plutôt plaisante à regarder jusqu’à un certain point, peut-on encore parler d’humour franchouillard ? En effet, c’est moins la culture française qui y en prend pour son grade que celles de nos voisins européens. Au moins, en termes d’approche caricaturale, elles sont toutes logées à la même enseigne, à savoir un traitement largement dépourvu de finesse. L’obstination avec laquelle le scénario s’acharne longuement sur le même registre de remarques déplaisantes et de blagues douteuses en dit hélas long sur le chemin qu’il reste à parcourir, avant de parvenir à un monde moins engoncé dans les préjugés les plus rances. Il est à craindre que ce ne soit pas un film comme celui-ci qui fera avancer le schmilblick, alors que la société française évolue en parallèle à une vitesse supérieure.

Contrairement à l’univers du Bon dieu, tant soit peu enclin à foutre joyeusement le bordel parmi les codes sociaux de la vieille France, ici, il est avant tout question de défendre coûte que coûte le statu quo aux deux extrémités du spectre matériel qui n’en sont en fait pas du tout. Et les Martin, et les Bouvier Sauvage appartiennent à la classe des nantis, le seul enjeu de leur dispute étant de ne pas se laisser faire par l’arrogance du camp adverse. Évidemment, ces coquetteries sont avant tout le fait des hommes. Leurs épouses, campées par Sylvie Testud et Marianne Denicourt avec un sens de l’effacement plus non plus de ce temps, ont quant à elles le bon sens de s’interposer entre leurs maris ou d’aborder avec une certaine sérénité leur nouveau quotidien. Inutile de préciser à ce sujet que les rôles des futurs mariés sont entièrement dépourvus d’attrait, puisqu’ils sont tout juste bons à fournir le prétexte au déclenchement des hostilités.

© 2022 White and Yellow Films / M6 Films / Beside Productions / SND Tous droits réservés

Ces hostilités ressemblent autant à des enfantillages que la réappropriation maladroite de la nouvelle identité culturelle qui leur succède. Loin de nous l’idée de vouloir vous révéler en détail les pays surchargés en préjugés auxquels les personnages sont rattachés. Pour cela, on fait confiance à votre discernement et votre sens de l’observation par rapport aux photos qui illustrent notre critique. Il n’empêche que la reconstruction identitaire après le démontage en règle des vieilles certitudes s’opère curieusement avec moins d’aisance et d’humour que les premières séquences de ce rendez-vous social qui n’aurait dû être qu’une formalité. Les étincelles qui ont eu le droit de fuser au début du film entre Christian Clavier – toujours plus convaincant quand il affiche ses grands airs que quand il est arrivé au bout du rouleau – et Didier Bourdon, parfaitement à l’aise dans l’emploi du petit parvenu qui sait se défendre, s’éteignent un peu trop rapidement, une fois que chacun est reparti dans son coin, panser les plaies de son égo blessé.

Et la morale de cette histoire vaguement rocambolesque ? Tout d’abord, d’un point de vue commercial, il paraît que Julien Hervé ait voulu garder l’option d’une suite. Ce qui n’a rien d’étonnant, le dispositif dans l’air du temps des tests génétiques – encensés dans cette publicité larvée sans le moindre recul – devrait se laisser varier au fil des générations avec au moins autant d’opportunisme que celui qui a été à l’œuvre lors des deux suites, pour l’instant, de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? Puis, si l’on s’évertue à vouloir creuser davantage, il n’y a malheureusement pas grand-chose à tirer d’un film, qui passe son temps à réchauffer toutes sortes d’idées reçues, sans jamais réellement les mettre en question. Ce qui en fait, en fin de compte, une opération assez triste de réconfort.

Du réconfort en premier lieu destiné aux spectateurs nostalgiques d’un humour gras et grossier, de la France nombriliste d’antan en somme, où pareilles moqueries discriminantes n’avaient rien d’exceptionnel. Et seulement dans un deuxième temps, pour celles et ceux assez lucides pour se rendre compte que la réalité sociale de notre pays sera appelée tôt ou tard à dépasser ces clivages nauséabonds. A moins que la France n’y soit pas d’ores et déjà parvenue, au moins en partie.

© 2022 White and Yellow Films / M6 Films / Beside Productions / SND Tous droits réservés

Conclusion

Avec un certain soulagement, nous avons pu constater que Cocorico n’est pas le naufrage complètement tendancieux auquel on pouvait s’attendre. Dans son propos, il existe un nombre important de lourdeurs. Indubitablement. Mais dans l’ensemble ou plutôt surtout dans sa première partie, le film de Julien Hervé se laisse regarder sans trop de déplaisir. Ce qu’il doit principalement à la forme très raisonnable des deux maîtres de la comédie française populaire Christian Clavier et Didier Bourdon et hélas moins aux personnages féminins qui y font guère plus que de la figuration. Comme quoi, en tant qu’inventaire de toutes les inégalités ou presque qui gangrènent le vivre-ensemble dans la France contemporaine, on aurait pu tomber sur bien pire !

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