Si l’on demandait au public de cinéma plus ou moins jeune d’aujourd’hui qui était la plus grande actrice italienne du siècle dernier, il y aurait probablement une majorité de réponses qui citeraient Sophia Loren. Sans vouloir rien enlever à la qualité de la filmographie de celle qui fêtera cette année ses 90 ans, il existe quand même une consœur compatriote qui avait su remporter encore plus de succès artistiques. Nous avons nommé l’incomparable Anna Magnani. Grâce à ses nombreux rôles de femmes populaires, constamment malmenées mais guère disposées à se laisser décourager, voire abattre, elle a certainement mérité sa place dans l’Histoire du cinéma. Une place qu’il s’agit désormais de défendre contre l’oubli, entrainé par une mise en avant plutôt sporadique de ses films ces dernières années. La rétrospective que l’Institut Lumière à Lyon lui dédie à partir de ce jour et jusqu’à début avril vient alors à point nommé.
Pendant neuf semaines, les spectateurs lyonnais auront tout loisir de se promener au sein de sa belle carrière d’actrice. La plupart des films sont projetés au moins deux fois. Et même quatre fois pour son œuvre phare Rome ville ouverte de Roberto Rossellini et Bellissima de Luchino Visconti qui sera en ressortie nationale dès demain. Le tout sera agrémenté de trois présentations : la séance d’ouverture de ce soir a été présentée par la programmatrice de l’institut Maelle Arnaud, le mercredi 28 février la journaliste Guillemette Odicino tiendra une conférence sur Anna Magnani et le mardi 5 mars aura lieu un commentaire de séquences de cinq de ses films par le responsable de la médiation culturelle à l’institut Fabrice Calzettoni.
Est-ce qu’on peut réduire la filmographie imposante de Anna Magnani (1908-1973) au simple emploi de diva romaine ? Certainement pas ! Loin de nous l’idée de supposer pareille condensation sommaire de la part des programmateurs de l’Institut Lumière. En effet, ces derniers se sont visiblement efforcés de trouver un équilibre entre ses rôles populaires du terroir italien dans les années 1940 et ’50 et des emplois plus nuancés par la suite, quoiqu’à peine moins tragiques.
Car après sa consécration grâce à la collaboration avec Roberto Rossellini, Anna Magnani avait su exporter avec sagesse son personnage de mère courage à l’étranger. D’abord en France, où Le Carrosse d’or de Jean Renoir appartient à la poignée de ses films en couleurs resplendissantes. Puis à Hollywood, où elle croise Burt Lancaster et Marlon Brando, empochant au passage l’Oscar de la Meilleure actrice pour La Rose tatouée de Daniel Mann en 1956. Un exploit de fierté italienne répété depuis uniquement par … Sophia Loren six ans plus tard côté actrices, ainsi que, de sinistre mémoire, Roberto Benigni en 1999 côté acteurs.
Les dix-huit films de la rétrospective « Anna Magnani Diva di Roma »
Amore (Italie / 1948) de Roberto Rossellini, avec Anna Magnani et Federico Fellini
Assunta Spina (Italie / 1948) de Mario Mattoli, avec Anna Magnani et Antonio Centa
Au diable la misère (Italie / 1945) de Gennaro Righelli, avec Anna Magnani et Nino Besozzi
Au diable la richesse (Italie / 1946) de Gennaro Righelli, avec Anna Magnani et Vittorio De Sica
Bellissima (Italie / 1951) de Luchino Visconti, avec Anna Magnani et Walter Chiari
Le Carrosse d’or (France / 1952) de Jean Renoir, avec Anna Magnani et Odoardo Spadaro
Devant lui tremblait tout Rome (Italie / 1946) de Carmine Gallone, avec Anna Magnani et Edda Albertini
L’Enfer dans la ville (Italie / 1959) de Renato Castellani, avec Anna Magnani et Giulietta Masina
L’Homme à la peau de serpent (États-Unis / 1960) de Sidney Lumet, avec Marlon Brando et Anna Magnani
L’Honorable Angelina (Italie / 1947) de Luigi Zampa, avec Anna Magnani et Nando Bruno
Larmes de joie (Italie / 1960) de Mario Monicelli, avec Anna Magnani et Toto
Mademoiselle vendredi (Italie / 1941) de Vittorio De Sica, avec Adriana Benetti et Irasema Dillian
Le Magot de Josefa (France / 1963) de Claude Autant-Lara, avec Anna Magnani et Bourvil
Mamma Roma (Italie / 1962) de Pier Paolo Pasolini, avec Anna Magnani et Ettore Garofolo
Rome ville ouverte (Italie / 1945) de Roberto Rossellini, avec Aldo Fabrizi et Anna Magnani
La Rose tatouée (États-Unis / 1955) de Daniel Mann, avec Anna Magnani et Burt Lancaster – Oscars de la Meilleure actrice, ainsi que de la Meilleure photo et des Meilleurs décors en noir et blanc en 1956
Le Secret de Santa Vittoria (États-Unis / 1969) de Stanley Kramer, avec Anthony Quinn et Anna Magnani
Vulcano (Italie / 1950) de William Dieterle, avec Anna Magnani et Rossano Brazzi