Test DVD : La Bête dans la Jungle

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La Bête dans la Jungle

France, Belgique, Autriche : 2023
Titre original : –
Réalisation : Patric Chiha
Scénario : Patric Chiha, Axelle Ropert, Jihane Chouaib
Acteurs : Anaïs Demoustier, Tom Mercier, Béatrice Dalle
Éditeur : Blaq Out
Durée : 1h39
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 16 août 2023
Date de sortie DVD : 5 décembre 2023

Pendant 25 ans, dans une immense boîte de nuit, un homme et une femme guettent ensemble un événement mystérieux. De 1979 à 2004, l’histoire du disco à la techno, l’histoire d’un amour, l’histoire d’une obsession. La « chose » finalement se manifestera, mais sous une forme autrement plus tragique que prévu…

Le film

[3/5]

Avec les documentaires Brothers of the Night (2016) et Si c’était de l’amour (2019), le réalisateur autrichien Patric Chiha était parvenu à repousser les limites du documentaire, en optant pour une mise en forme très esthétisée qui mettait en évidence le rapport au corps. Cette obsession pour la danse et les mouvements du corps, on la retrouve également dans son dernier film, La Bête dans la jungle, alliée à une intéressante réflexion sur la temporalité. Bien entendu, le récit est ici adapté d’un roman d’Henry James, et adopte de ce fait forcément une distance – ne serait-ce que du point de vue structurel – avec ses films précédents, mais on ne peut nier qu’une filiation claire existe entre les différentes œuvres de Patric Chiha.

La Bête dans la jungle suit donc essentiellement deux personnages, John et May (Tom Mercier et Anaïs Demoustier). Ces derniers se croisent et se recroisent sur une période de 25 ans, de 1979 à 2004, au cœur d’un club coupé du reste du monde, presque coupé de la réalité. Cette discothèque hors du temps servira de toile de fond à leur quête erratique d’un événement mystérieux qui, selon la conviction inébranlable de John, doit – et va – se produire. Quoi, et quand, on l’ignore, et au fil des années et de leurs rencontres fugaces, ils attendront et espèreront ensemble, emmenant tant bien que mal le spectateur à leurs côtés. Il y a bien sûr pas mal de folie dans la foi inentamable de cet homme, mais il parvient à contaminer May parce qu’il représente pour elle un parfum de mystère et d’aventure.

Le club dans lequel se déroule La Bête dans la jungle est le cadre idéal pour montrer, par le biais d’un montage centré sur l’alternance perpétuelle entre le mouvement et l’immobilité (May / John, la vie / la mort), l’idée du temps qui passe. Les costumes et la musique s’adaptent aux goûts de l’époque, et il y a par moments de brèves allusions à l’actualité : victoire de François Mitterrand aux élections, ravages du sida, chute du mur de Berlin, 11 septembre… Et au milieu de tout cela, il y a donc ces personnages, auxquels on pourra ajouter celui incarné par Béatrice Dalle, qui semblent quant à eux presque échapper au temps. Ils attendent, ils guettent les signes, ils observent.

L’attente est au cœur de La Bête dans la jungle. Malgré son ancrage temporel concret, le film de Patric Chiha n’utilise le temps qui passe que pour souligner la relation stagnante entre les personnages principaux, et tout ce temps de vie qu’ils ont passé à attendre. Et inévitablement, l’attente de John et May deviendra au fil des séquences également celle du spectateur, à l’affût de l’imminence d’un signe ou d’une révélation. L’évolution narrative, lente et parfois quasi-onirique, menant à cette révélation – ou du moins à cette possibilité de révélation – s’amuse des attentes du spectateur, l’invitant non seulement à attendre mais également à s’interroger sur la nature de ce qu’il attend, et par extension sur le titre du film (qui est la bête, qu’est-ce que la jungle ?). Pourquoi cette attente ? C’est l’attente Quechua ? C’est l’attente en avait, on l’appellerait mon oncle ? Et tout cette attente en vaut-elle la peine ?

Le DVD

[4/5]

Le DVD de La Bête dans la jungle édité par Blaq Out est à l’image des sorties vidéo d’un éditeur décidément bien aguerri au format : la galette propose un impressionnant piqué et un encodage bien maîtrisé. En deux mots, le transfert compose parfaitement avec les limites du support DVD (on note certes une granulation un peu excessive durant certaines scènes abusant des lumières vives, mais il s’agit d’une des limites intrinsèques du format) et offre un spectacle très propre, sans écueil majeur à déplorer, rendant un superbe hommage au travail de Céline Bozon sur la photo du film. Niveau son, La Bête dans la jungle est encodé dans un mixage Dolby Digital 5.1, avec une nette prépondérance laissée aux voix, et une dynamique assez ample sur les scènes musicales. Mais l’éditeur a également pensé aux cinéphiles regardant le film sur une simple TV sans utilisation d’un onéreux système Home Cinéma : le film de Patric Chiha est également proposé en Dolby Digital 2.0, le mixage stéréo convenant mieux à ce type de visionnage.

Dans la section suppléments, on trouvera un entretien avec le réalisateur Patric Chiha (25 minutes). Il va sans dire que La Bête dans la jungle est un film complexe et mystérieux, qui amènera sans doute certains spectateurs à se demander où voulait en venir le cinéaste en filmant l’errance des deux personnages principaux. Cette interview pourra ainsi donner quelques clés de lecture au spectateur : Patric Chiha y dressera une note d’intention relativement intéressante ; on notera par ailleurs que ses méthodes de travail semblent assez proches de celles employées par Albert Serra sur Pacifiction – Tourment sur les îles. Il laissera également – volontairement ou pas – certains points symboliques dans le flou, notamment sur la signification du rôle de Béatrice Dalle.

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