Les ombres persanes
Iran : 2022
Titre original : Tafrigh
Réalisation : Mani Haghighi
Scénario : Mani Haghighi, Amir Reza Koohestani
Acteurs : Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh…
Éditeur : Diaphana
Durée : 1h43
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 19 juillet 2023
Date de sortie DVD : 21 novembre 2023
À Téhéran, un homme et une femme découvrent par hasard qu’un autre couple leur ressemble trait pour trait. Passé le trouble et l’incompréhension va naître une histoire d’amour… et de manipulation.
Le film
[3.5/5]
Le cinéma iranien est vraiment d’une richesse incroyable et il sait construire des films sur des scénarios qui ne manquent pas de surprendre ! Comme ce couple qui découvre que, dans la ville où ils vivent, Téhéran, existe un autre couple dont la femme et l’homme sont, physiquement, leurs sosies parfaits. Une fois qu’il a eu connaissance de ce point de départ, une fois qu’il a réussi à l’accepter, le spectateur se demande ce que le réalisateur va en faire : une comédie, un thriller, une comédie romantique, un film fantastique ? On se contentera de dire que Mani Haghighi, le réalisateur, n’est pas homme à rester enfermé dans tel ou tel genre, qu’il aime louvoyer d’un genre à l’autre et que, de ce départ sur le thème du double double, il a réalisé un film dans lequel le fantastique croise le thriller, la comédie romantique et même le social. Tout cela avec une science consommée de l’ellipse et du hors champ. Autant dire que, si le spectateur arrive à accepter le postulat de départ (il semble qu’il puisse y avoir une certaine réticence chez certaines personnes), il ne va pas être déçu, même si certains rebondissements s’avèrent quelque peu « téléphonés » ! Chemin faisant, le film montre que deux hommes peuvent se ressembler physiquement comme 2 gouttes d’eau et être moralement aux antipodes l’un de l’autre, que deux femmes peuvent se ressembler physiquement comme 2 gouttes d’eau (tout au long du film, ce ne sont pas 2 gouttes qui tombent du ciel, ce sont des millions et des millions de gouttes !) et être très différentes en matière de pouvoir de séduction (C’est le choix du réalisateur d’avoir choisi les hommes en ce qui concerne le comportement et les femmes en ce qui concerne le pouvoir de séduction, je n’y peux rien !).
Les ombres persanes montre aussi le trouble que peuvent ressentir deux personnes qui forment un couple depuis plusieurs années face à ce double, physiquement identique mais au comportement très différent, image de ce que votre conjoint ou votre conjointe aurait pu devenir. Et si ce double s’évérait plus désirable ? Le football joue un rôle relativement important dans le film, avec des matchs qui passent à la télévision avec des commentaires en anglais, avec de grands portraits de deux ayatollahs qui dominent une tribune d’un grand stade de football. C’est, bien entendu, la même comédienne, Taraneh Alidoosti, qui interprète les 2 rôles féminins. Il s’agit d’une comédienne qu’on a déjà vue dans de nombreux films iraniens, en particulier chez Asghar Farhadi. Une fois de plus, elle est excellente ! C’est bien entendu le même comédien, Navid Mohammadzadeh, qui interprète les 2 rôles masculins. Lui aussi, on commence à bien le connaître (La loi de Téhéran, Leila et ses frères). Lui aussi est excellent.
Le DVD
[4/5]
Les ombres persanes va sortir le même jour en DVD et en Blu-Ray. Avec le DVD que nous avons visionné, la qualité de l’image est déjà au top, ce qui laisse penser qu’elle doit être au top du top avec le Blu-Ray : pour ce film dans lequel la pluie est omniprésente, les jeux d’ombre et de lumière sont parfaitement rendus et l’image jouit d’un très beau piqué. Le film se voit en VO avec des sous-titrages en français, le choix étant offert entre 2.0 et 5.1.
Même s’il est indiqué la présence de compléments, avec un « s », en fait un seul est vraiment intéressant, les 2 autres étant la bande-annonce et les crédits. Toutefois, heureusement, le seul complément « intéressant » s’avère TRES intéressant. Il s’agit d’un entretien de 24 minutes (en anglais sous-titré en français) avec Mani Haghighi, le réalisateur. Un réalisateur qui s’avoue peu attiré par le réalisme social et qui utilise des métaphores pour reproduire la réalité sans avoir recours à ce genre, un réalisateur qui aime passer d’un genre à l’autre au sein de ses œuvres. Pour lui, Les ombres persanes revêt un caractère politique dans la mesure où il montre que, si la liberté individuelle était respectée dans son pays, c’est la personnalité de chacun qui déterminerait le personnage que l’on va devenir alors que, dans l’Iran d’aujourd’hui, existe un moule qui façonne les individus à la convenance du pouvoir en place, ou, du moins, qui cherche à le faire. Conscient de la difficulté que pouvait poser aux spectateurs le postulat de départ, Mani Haghighi n’a pas cherché, en plus, à finasser avec les éléments basiques. Au contraire, l’utilisation qu’il fait de l’eau, de l’obscurité et du feu s’avère très frontale et sans concession. Concernant les interprètes de son film, Mani Haghighi ne s’est pas trop posé de question, choisissant Taraneh Alidoosti, une amie qu’il avait déjà dirigée et auprès de qui il avait déjà joué, pour interpréter les rôles des deux femmes, et Navid Mohammadzadeh, un des grands comédiens iraniens, pour investir ceux des deux hommes.