Critique Express : Un pont au dessus de l’océan

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Un pont au dessus de l’océan 

France : 2023
Titre original : –
Réalisation : Francis Fourcou
Scénario : Francis Fourcou
Interprètes : Isabelle François, Chelsea Tayrien Hicks
Distribution : Ecransud Distribution
Durée : 1h42
Genre : Documentaire
Date de sortie : 25 octobre 2023

4/5

Synopsis : Des grandes plaines osages d’Oklahoma aux montagnes d’Occitanie, deux cultures autochtones se parlent et se répondent. Deux femmes nous racontent deux cultures autochtones aux langues menacées. Isabelle l’occitane chez les osages, Chelsea, l’Osage chez les occitans, parcourant les paysages et l’histoire des plaines d’Amérique et des montagnes d’Occitanie.

La sortie, mercredi 18 octobre, de Killers of the Flower Moon, le nouveau film de Martin Scorcese , présenté Hors Compétition lors du dernier Festival de Cannes, va permettre à un grand nombre de spectateurs d’entendre parler, pour la première fois pour la plupart d’entre eux, de la tribu amérindienne des Osages. Il y a toutefois une ville de France qui entretient depuis des années des relations privilégiées avec ce peuple : il s’agit de Montauban, ville d’Occitanie, préfecture du Tarn-et-Garonne. Figurez vous qu’en 1827, 6 osages ont entrepris un voyage vers la France. Après avoir débarqué au Havre le 26 juillet 1827, ils ont été fêtés, ils ont été exhibés dans des théâtres, ils ont été reçus par le roi Charles X et, quelques semaines plus tard, l’intérêt pour eux s’étant émoussé, ils ont été abandonnés, sans ressource, sans avoir les moyens de revenir en Amérique. Après une longue période d’errance sur les routes de France et d’Europe, arrivés en Italie, ils se sont séparés en 2 groupes de 3. Un de ces groupes est arrivé à Montauban en novembre 1829, avec l’objectif de rencontrer Louis-Guillaume-Valentin Dubourg que les Osages connaissaient bien car, avant d’être nommé évêque de Montauban, il avait été évêque de Louisiane et des Deux Florides et avait beaucoup œuvré à la conversion des indiens des plaines.  Arrivant d’Italie, via Avignon et Toulouse, Petit Chef, Grand Soldat et Femme Faucon ont traversé le Pont Vieux de Montauban pour arriver à l’évêché. Ils avaient frappé à la bonne porte : une quête organisée par l’évêque auprès de la population  a alors permis de récolter les fonds permettant de financer leur retour.  Depuis, la générosité des montalbanais n’a pas été oubliée de l’autre côté de l’Atlantique chez les descendants des Osages au point que le « Se Canta » occitan est chanté lors des pow-wows en Oklahoma, et, côté français, alors que, pendant longtemps, l’épisode relatif aux trois Osages ayant séjourné en 1829 dans la ville de Montauban avait été oublié, un montalbanais, Jean-Claude Drouilhet, l’a redécouvert dans un article, en juin 1987 et, avec son épouse Monique, a entrepris de tisser des liens avec les Osages : invitation d’Osages à Montauban, lancement le 8 septembre 1989 de l’association OK’OC (pour Oklahoma et Occitanie), jumelage de Montauban avec Pawhuska, siège du comté d’Osage dans l‘Oklahoma, etc. Un pont à traverser sur le Tarn à Montauban, dernière étape avant la rencontre décisive avec l’évêque de Montauban, un pont amical et culturel au dessus de l’Océan Atlantique, les liens sont forts entre les Osages et les Occitans, d’autant plus fort que de nombreux points les rapprochent, que ce soit du fait de leurs passés respectifs avec des populations soumises à de véritables génocides ou des efforts entrepris pour la défense de leurs langues.

Cela fait plus de 20 ans que le réalisateur Francis Fourcou a eu connaissance des liens d’amitiés entre les Osages et les Occitans. En 2002, il a effectué un premier voyage en Oklahoma afin d’écrire le script d’un film sur le voyage des Osages en France en 1827. La télévision a refusé ce projet, mais ce voyage lui a permis de rencontrer Lucile Robedeaux, une des 3 dernières personnes qui, alors, avait une pratique naturelle de la langue Osage, et Jim Gray, chef élu pour 8 ans de la nation Osage et grand connaisseur de l’histoire des natifs américains. Ayant constaté un renouveau dans la pratique de la langue Osage lors d’un deuxième voyage effectué en 2014 et ne désespérant pas de pouvoir observer un tel renouveau dans la pratique de la langue occitane,  Francis Fourcou a décidé de se lancer dans la réalisation d’un film qui mettrait en parallèle l’histoire, les cultures et les coutumes des Osages et des Occitans, à la fois si différentes et si proches. Il a eu l’excellente idée d’aller filmer en Oklahoma les pérégrinations et les rencontres de la comédienne et chanteuse occitane Isabelle François et, un peu partout en Occitanie, les pérégrinations et les rencontres de la poétesse osage Chelsea Tayrien Hicks. Tout au long du film, on ne cesse de traverse l’Atlantique pour apercevoir des paysages qui se ressemblent beaucoup et pour rencontrer des gens partageant les mêmes buts : arriver à faire vivre leurs cultures et leurs langues, conserver la mémoire de leurs passés. Lorsqu’on est aux Etats-Unis, c’est la langue anglaise qui est utilisée alors qu’en France, les gens s’expriment en occitan, les deux langues étant, bien entendu, sous-titrées en français. Ce n’est sans doute pas un hasard si ce film sort au même moment que le film de Scorcese qu’il complète à la perfection. Dans ce film souvent émouvant, c’est en France que prend place le moment le plus poignant : l’homélie de demande de pardon aux cathares prononcée à Montségur le 16 mars 2016 par Jean-Marc Eychenne, évêque de Pamiers. Etonnante coïncidence : Eychenne est l’anagramme parfait de cheyenne, une autre nation amérindienne des Grandes Plaines !


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