Critique Express : Le ravissement

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Le ravissement

France : 2023
Titre original : –
Réalisation : Iris Kaltenbäck
Scénario : Iris Kaltenbäck
Interprètes : Hafsia Herzi, Alexis Manenti, Nina Meurisse
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 1h37
Genre : Drame
Date de sortie : 11 octobre 2023

4/5

Synopsis : Comment la vie de Lydia, sage-femme très investie dans son travail, a-t-elle déraillé ? Est-ce sa rupture amoureuse, la grossesse de sa meilleure amie Salomé, ou la rencontre de Milos, un possible nouvel amour ? Lydia s’enferme dans une spirale de mensonges et leur vie à tous bascule….

Voilà un film dont le titre mérite qu’on aille faire un petit tour sur Internet ! Alors que, pour le Robert, le sens numéro 1 de « ravissement » est « Action de ravir, d’enlever de force », suivi de « Extase mystique » et de « Émotion éprouvée par une personne transportée de joie »,  le site Internet de Larousse ne donne que 2 définitions : « Extase mystique » et « État de quelqu’un qui est transporté de joie, d’admiration, d’enthousiasme ». Curieux : pour le Larousse, le titre du film de Iris Kaltenbäck n’aurait donc pas le sens que la réalisatrice a manifestement voulu lui donner ! En effet, si la réalisatrice s’est amusée à jouer sur les différents sens du mot « ravissement », son film parle avant tout de ce qu’on peut également appeler un enlèvement. Il est d’ailleurs heureux qu’elle n’ait pas choisi « L’enlèvement » comme titre pour son film, retenu dans la sélection de La Semaine de la Critique 2023, car il y aurait eu un risque de confusion avec L’enlèvement, film de Marco Bellochio, retenu lui dans la Compétition officielle et qui sortira le 1er novembre.

Ce que nous narre Le ravissement, c’est l’histoire de Lydia, une jeune sage-femme très attachée à un métier qu’elle pratique avec beaucoup d’intensité, qui sort d’un chagrin d’amour et qu’un enchaînement de circonstances va amener à commettre un acte délictueux. Pour elle, apprendre la grossesse de Salomé, sa meilleure amie, heureuse en couple avec Jonathan, alors que, presque simultanément, elle se sépare de celui qui était son compagnon depuis 3 ans et dont elle vient d’apprendre qu’il la trompait, n’est pas chose facile.  A part son amitié avec Salomé, Lydia est dorénavant seule dans la vie, seule dans la ville. Une ville dans laquelle, lorsqu’elle ne travaille pas,  elle erre sans but précis, en arrivant même, une nuit, à s’endormir dans un bus dont le conducteur, Milos, va proposer de la raccompagner dans un endroit plus sûr lorsque lui, le bus et Lydia finissent par arriver au terminus. Milos qu’elle va revoir, avec qui elle va passer une nuit, auquel elle va s’attacher sans réciprocité de sa part. Ces blessures qu’elle porte en elle n’empêchent pas Lydia de se montrer  toujours aussi engagée et douce dans son travail d’accompagnement des futures mères, Salomé recevant, en particulier, un maximum d’attention de sa part. Salomé, dont l’accouchement s’avère difficile, mais l’intervention de Lydia est décisive, et, lorsque Esmée, le bébé, est là, Lydia propose à Salomé de l’aider pour qu’elle puisse se reposer et arriver à surmonter son « baby-blues ». Des nouveau-nés, Lydia en voit tous les jours dans le cadre de son travail mais cette petite fille, cette Esmée, est spéciale pour elle et elle ne peut s’empêcher de s’attacher à elle. Et c’est là qu’intervient l’évènement qui va faire basculer le film et commencer à lui donner son titre : la rencontre, dans l’hôpital, de Lydia, portant Esmée dans ses bras, avec Milos qui vient voir son père hospitalisé et Lydia qui, sans avoir réfléchi aux conséquences, affirme à Milos que Esmée est leur fille. Sans vraiment l’avoir cherché, sur un véritable coup de tête irréfléchi, Lydia vient de tomber dans le piège du mensonge. Un puits sans fond dont il est difficile, voire impossible, de ressortir. A partir de là, plus aucun détail sur la suite, d’autant plus que le distributeur demande que soit gardé intact, autant que possible, le suspense du film !

Pour son premier long métrage,  Iris Kaltenbäck a trouvé le point de départ de son scénario dans la lecture d’un fait divers : une jeune femme emprunte le bébé de sa meilleure amie et fait croire à un homme qu’elle en est la mère. Un point de départ qui lui a permis de développer ce que peut être le choc pour une femme, dans certaines conditions, d’apprendre la grossesse de sa meilleure amie, qui lui a permis également de raconter la naissance d’un amour réciproque trouvant sa source dans un énorme mensonge. La réalisatrice ne cache pas que le titre de son film lui a été inspiré par « Le Ravissement de Lol V. Stein », le roman que Marguerite Duras a écrit en 1964. Pour elle, il y a une similitude entre les conséquences du trauma vécu par Lydia du fait de sa brutale rupture amoureuse et celui vécu par Lola Valérie Stein lorsqu’elle voit son fiancé tomber amoureux d’une autre femme au cours d’un bal. Même si le titre du film doit beaucoup à ce qui se passe entre Lydia et Milos dans un couloir de l’hôpital, la réalisatrice n’oublie pas pour autant un des autres sens du mot « ravissement » en montrant l’émotion ressentie au contact d’Esmée, tant par sa véritable mère que par sa mère d’enlèvement.

Dans ce premier long métrage particulièrement réussi, la réalisatrice a su parfaitement réunir une approche quasi documentaire pour tout ce qui concerne le travail d’une sage-femme et une histoire fictionnelle filmée en décors naturels, l’ensemble bénéficiant d’un montage très précis excluant toute longueur inutile. Souhaitant insister sur sa propre interrogation sur le personnage de Lydia, sur toutes les questions qu’il pose et qui n’ont pas forcément de réponse, Iris Kaltenbäck a fait un choix fort, celui d’accompagner le récit par une voix off, celle de Milos, entraîné malgré lui dans cette histoire douloureuse et qui parle de Lydia, de lui-même et de leur relation. Quant à la distribution de Le ravissement, elle est tout simplement parfaite avec  Hafsia Herzi qui a su beaucoup s’impliquer dans le volet documentaire du film et dont le côté mystérieux et sauvage qu’elle sait très bien montrer correspond parfaitement au personnage de Lydia qu’elle interprète ; avec Nina Meurisse qu’on avait énormément appréciée dans Camille, l’excellent film de Boris Lojkine, et qu’on retrouve pleine de spontanéité dans le rôle de Salomé ; avec Alexis Manenti, interprétant ici le rôle de Milos, un serbe chauffeur de bus vivant en France depuis l’âge de 11 ans, avec la même justesse que son interprétation de Jayden, éducateur dans un foyer de l’Aide Sociale à l’Enfance, dans le récent Dalva d’Emmanuelle Nicot.


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