Critique Express : Le règne animal

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Le règne animal

France : 2023
Titre original : –
Réalisation : Thomas Cailley
Scénario : Thomas Cailley, Pauline Munier
Interprètes : Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos
Distribution : StudioCanal
Durée : 2h08
Genre : Drame, Fantastique
Date de sortie : 4 octobre 2023

3/5

Synopsis : Dans un monde en proie à une vague de mutations qui transforment peu à peu certains humains en animaux, François fait tout pour sauver sa femme, touchée par ce phénomène mystérieux. Alors que la région se peuple de créatures d’un nouveau genre, il embarque Émile, leur fils de 16 ans, dans une quête qui bouleversera à jamais leur existence.

Deux semaines après Acide, voilà qu’arrive sur nos écrans Le règne animal, un autre film français mêlant fantastique et réalisme contemporain, un film qui, il y a quelques mois, a fait l’ouverture de la sélection Un Certain Regard de Cannes 2023. Pour celles et ceux qui étaient resté.e.s sur Les combattants, le film de cinéma précédent de Thomas Cailley, sorti en 2014, ce virage vers le fantastique peut faire l’effet d’une surprise, même si la toute fin de ce film amorçait déjà un virage de ce type. Par contre, il n’y aura pas du tout de surprise pour celles et ceux qui ont suivi la série Ad Vitam, diffusée durant l’automne 2018 sur Arte, une série d’anticipation créée par … Thomas Cailley. Dans Le règne animal, le réalisateur et la coscénariste Pauline Munier ont choisi de faire intervenir le fantastique dans nos vies de tous les jours et en restant dans des contrées tout ce qu’il y a de plus hexagonales : Paris, les Landes de Gascogne.

Au tout début du film, lorsque, dans un embouteillage parisien, François et Emile, son fils de 16 ans, aperçoivent un homme éjecté d’une ambulance et qui déploie une aile de rapace, ils ne donnent pas l’impression d’être vraiment surpris. Il faut dire que le père et le fils étaient en train de se rendre auprès de Lana, épouse de François, mère d’Emile, une femme se trouvant dans une clinique dans laquelle le corps médical essaye d’enrayer sa transformation vers un corps d’animal. En fait, cette transformation lente d’un corps d’être humain en un corps d’animal est en train de toucher une grande partie de la population. Quand François et Emile apprennent que Lana va rejoindre un centre de soins situé dans le sud-ouest et spécialisé dans le traitement de ce type de maladie, ils décident d’aller s’établir à proximité de ce centre. Sauf que … un accident impliquant le véhicule conduisant un certain nombre de « malades » de Paris vers le sud-ouest va lâcher un certain nombre d’entre eux dans la nature.

Le fantastique est un genre qui donne une grande liberté aux réalisateurs de cinéma pour aborder des thèmes tels que le vivre ensemble ou l’écologie. C’est sans doute ce qu’a dû se dire Thomas Cailley lorsque, participant à un jury à la Fémis, il a pris connaissance d’un scénario écrit par Pauline Munier et qui allait très loin dans la mise en avant de la porosité entre êtres humains et animaux. « J’ai eu le sentiment que cette métaphore était au croisement de tous les sujets que j’avais envie d’aborder alors : la transmission, les mondes qu’on souhaite léguer, ceux dont on hérite, qu’on détruit, ou qu’il reste peut-être encore à inventer », affirme-t-il. Le scénario écrit par Thomas Cailley et Pauline Munier nous entraîne auprès d’un père et d’un fils dont la relation est chamboulée par ce que vit la femme qui les relie l’un à l’autre, d’autant plus que Emile se met lui aussi à muter vers l’animalité, au point, pour commencer, d’entendre les ultra-sons. Au début du film, François se montre sûr de lui, certain que Lana va guérir et Emile subit l’influence forte de son père. A deux reprises, voulant rassurer son fils, François reprend à son compte un aphorisme de René Char : « ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience ». Toutefois, petit à petit, François va perdre de sa superbe et Emile va apprendre à s’émanciper. Emile, évidemment, a beaucoup appris de son père, mais ce dernier a dû se mettre, également, à apprendre de son fils.

Dans la recherche menée pour retrouver Lana, Emile va rencontrer Fix dans la forêt, un homme en train de se transformer en oiseau, un homme qui commence à « parler oiseau » et qui cherche à apprendre à voler. François va rencontrer Julia, une gendarme qui va s’intéresser à lui, avant de commencer à se transformer en lézard. Face à la différence, représentée ici par des « créatures » qui ne sont plus vraiment des êtres humains mais qui ne sont pas encore complètement des animaux, chacun, dans Le règne animal, réagit de façon différente et, lorsqu’on voit que la population du village voisin commence à s’armer pour se défendre contre ces créatures, on n’a guère de difficulté à y voir le comportement de rejet qu’ont certains face aux immigrés, aux migrants ou aux membres de la communauté LGBTQIA+, sans parler d’un clin d’œil à la maltraitance animale. Remarquablement photographié par David Cailley, le frère du réalisateur, avec une belle mise en valeur de la beauté sauvage des Landes de Gascogne,  Le règne animal réunit une distribution solide avec Romain Duris qui interprète le rôle de François, avec Paul Kircher, l’interprète d’Emile, qu’on avait découvert dans Petite leçon d’amour et dans Le lycéen, avec  Tom Mercier, découvert chez Nadav Lapid, excellent et inquiétant en homme oiseau, avec Adèle Exarchopoulos dans le rôle, mineur mais important, de Julia, la gendarme. Que de louanges pour Le règne animal ! Et pourtant il est honnête de préciser que, malgré son thème, malgré les qualités énumérées ci-dessus, ce film, qui a tendance à se disperser et qui aurait gagné à être raccourci de deux dizaines de minutes, n’a pas la même force que Les combattants et qu’on ne peut s’empêcher de ressentir une petite déception à sa vision.


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