Critique : Les filles d’Olfa

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Les filles d’Olfa

Tunisie : 2023
Titre original : بنات ألفة
Réalisation : Kaouther Ben Hania
Scénario : Kaouther Ben Hania
Interprètes : Hend Sabri, Olfa Hamrouni, Eya Chikahoui
Distribution : Jour2fête
Durée : 1h50
Genre : Documentaire
Date de sortie : 5 juillet 2023

4/5

Les imams vont à l’école, le premier long métrage de la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania, réalisé en 2010, était un pur documentaire. Le suivant, Le challat de Tunis, sorti en 2014, était une fiction cherchant à se faire passer pour un documentaire d’investigation. Revenue au documentaire en 2017 avec Zaineb takrahou ethelj, Kaouther Ben Hania a enchainé ensuite 2 longs métrages de fiction, l’excellentissime La belle et la meute en 2017 et L’homme qui a vendu sa peau en 2019. Il restait un domaine à investir pour Kaouther Ben Hania : le documentaire qui cherche (et qui réussit !) à se faire passer pour une fiction. C’est chose faite avec Les filles d’Olfa, film qui était en compétition au dernier Festival de Cannes, premier film tunisien en compétition depuis 53 ans ! Les filles d’Olfa a obtenu L’œil d’or du meilleur documentaire parmi tous les documentaires des diverses sélections.

Synopsis : La vie d’Olfa, Tunisienne et mère de 4 filles, oscille entre ombre et lumière. Un jour, ses deux filles aînées disparaissent. Pour combler leur absence, la réalisatrice Kaouther Ben Hania convoque des actrices professionnelles et met en place un dispositif de cinéma hors du commun afin de lever le voile sur l’histoire d’Olfa et ses filles. Un voyage intime fait d’espoir, de rébellion, de violence, de transmission et de sororité qui va questionner le fondement même de nos sociétés.

Un documentaire assez spécial !

On ne dira jamais assez combien ce que vous savez sur un film avant d’aller le voir peut influencer le jugement que vous allez, in fine, porter dessus. Il est très banal de dire que face à un film qu’on vous a présenté comme faisant partie des chefs d’œuvre, le risque est grand d’être finalement déçu, alors que face à un film éreinté par la critique, ou par vos amis, le seul « risque » est d’être agréablement surpris. L’intérêt de voir des films dans des Festivals comme celui de Cannes, c’est que, sans grand effort, on peut arriver à voir des films sans savoir qui les a réalisés, en ignorant de quoi ils parlent et dans quel genre ils peuvent être rangés, ce qui, avouons le, est presque impossible lorsque vous choisissez d’aller voir un film en salle. Quel intérêt, me direz vous ? Tout simplement le fait d’être vierge de tout a-priori face à l’œuvre présentée. Les filles d’Olfa représente presque un cas d’école en la matière : si vous ne savez pas que c’est un documentaire, vous pouvez le voir jusqu’au bout en pensant avoir affaire à une fiction et votre jugement s’en trouvera très certainement affecté ! Maintenant, que les choses soient claires : si vous lisez ce texte avant d’aller voir Les filles d’Olfa, vous saurez à coup sûr qu’il s’agit d’un documentaire ! Toutefois, vous aurez très vite le sentiment qu’il s’agit d’un documentaire assez spécial. En effet, la réalisatrice, qui souhaitait au départ filmer Olga, une mère de famille tunisienne vivant seule avec Eya et Tayssir, ses deux filles les plus jeunes, afin qu’elles s’expriment sur l’absence de Rahma et Ghofrane, les deux sœurs ainées parties rejoindre Daech en Lybie, s’était vite aperçue que ce dispositif ne fonctionnait pas de façon satisfaisante et elle a donc décidé d’introduire des interprètes professionnels dans son film.

Un grand plaisir

Dès le début du film, on apprend donc que deux actrices professionnelles seront chargées de jouer les rôles de Rahma et Ghofrane et qu’une autre actrice professionnelle, Hend Sabri, une actrice de grande réputation en Tunisie, sera chargée de remplacer Olga dans les scènes difficiles à vivre. En fait, nul besoin de savoir tout cela pour prendre un grand plaisir à la vision de Les filles d’Olfa. Un grand plaisir car on ne peut que se réjouir d’assister à ce dispositif si particulier, si inventif, qui a donné naissance à un film d’une grande intensité, à mi-chemin entre fiction et documentaire, dans lequel une mère et deux de ses filles, des personnages de la vraie vie, dialoguent avec des actrices chargées de « remplacer » deux autres filles de la famille qui, comme le dit Olfa, « ont été dévorées par le loup ». Un grand plaisir car certaines scènes du film sont d’une grande drôlerie, comme celle où Olga raconte la façon dont s’était déroulée sa nuit de noce. Un grand plaisir car ce film permet aux spectateurs de revivre l’histoire de la Tunisie depuis la Révolution dite du Jasmin de façon à la fois savoureuse et douloureuse. Un grand plaisir car on se réjouit de voir à quel point leur participation à ce film a permis à Olga, Eya et Tayssir de se reconstruire. Film très féminin, Les filles d’Olfa laisse peu de place aux hommes, et c’est d’ailleurs un seul et même comédien, Majd Mastoura, qu’on avait vu et apprécié, entre autres, dans Hedi, un vent de liberté et dans Un divan à Tunis, qui incarne « les hommes » dans le film.

Conclusion

Même s’il est particulièrement inventif, le dispositif  de ce film est loin d’être sa seule qualité. Les filles d’Olfa est un film très  intense, parfois très drôle, interprété par de magnifiques véritables personnages de la vraie vie et des interprètes professionnels de grand talent.

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