Test Blu-ray 4K Ultra HD : Quatre mouches de velours gris

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Quatre mouches de velours gris

Italie, France : 1971
Titre original : 4 mosche di velluto grigio
Réalisation : Dario Argento
Scénario : Dario Argento, Luigi Cozzi, Mario Foglietti
Acteurs : Michael Brandon, Mimsy Farmer, Jean-Pierre Marielle
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h43
Genre : Giallo, Thriller
Date de sortie cinéma : 21 juin 1973
Date de sortie BR4K : 2 mai 2023

Voilà plusieurs jours que Roberto Tobias, batteur d’un groupe de rock, est suivi par un homme dans la rue. Lorsqu’il finit par intercepter l’inconnu, la situation dérape et un meurtre s’ensuit. Pris en photo l’arme à la main lors du crime, Roberto reçoit bientôt des menaces d’une mystérieuse personne ayant assisté à toute la scène. Il devient alors victime d’un odieux harcèlement tandis que d’autres assassinats sont commis autour de lui…

Le film

[3,5/5]

Carlotta Films vient de créer l’événement ce mois-ci, avec la sortie du tout premier film de Dario Argento au format Blu-ray 4K Ultra HD, Quatre mouches de velours gris. Bien sûr, il s’agit d’une excellente nouvelle, et la perspective de redécouvrir ce film dans une version restaurée 4K est absolument grisante. Pour autant, les aficionados du cinéma de Dario Argento ne pourront pas non plus s’empêcher de ressentir une vague déception, liée au fait que le premier film du maestro à sortir en 4K ne soit pas Suspiria, Les Frissons de l’angoisse ou même L’Oiseau au plumage de cristal, des films autrement plus réputés, appréciés – voire même adulés – que celui que nous propose aujourd’hui de revoir Carlotta.

Cependant, il semble que l’éditeur ait fait le bon choix en choisissant de ne mettre en avant ici qu’un seul film de Dario Argento, pourtant souvent considéré comme mineur : cela sera en effet l’occasion de le redécouvrir en solo, sans que celui-ci n’ait à souffrir de la comparaison avec d’autres œuvres. Pour le coup, quand Wild Side avait lancé sa deuxième grande vague de sorties Blu-ray consacrées à Dario Argento en 2012, l’éditeur avait eu la mauvaise idée de sortir Quatre mouches de velours gris en parallèle avec Les Frissons de l’angoisse, ce qui avait valu au film de 1971 de se voir un peu traité par la critique comme un film finalement assez anecdotique.

L’auteur de ces lignes se doit d’ailleurs de faire son mea culpa : à l’occasion de la sortie de ces deux films en Blu-ray il y a un peu plus de dix ans (sur un site concurrent), on avait eu tendance à traiter la sortie de Quatre mouches de velours gris par-dessus la jambe, en déclarant que le film « valait surtout le coup d’œil pour ses audaces formelles, et parce qu’il constitue une fascinante démarcation de L’Oiseau au plumage de cristal tout en complétant la « trilogie animale » de Dario Argento, dont le maillon central est Le Chat à neuf queues. » Si notre ressenti concernant le film n’a pas forcément beaucoup évolué en l’espace de dix ans, le fait est que Quatre mouches de velours gris mérite tout de même un peu mieux que de se voir écarté d’un revers de la main en l’espace de deux lignes lapidaires sous prétexte qu’on ne peut pas le comparer au chef d’œuvre absolu qu’est Les Frissons de l’angoisse.

Quatre mouches sur du velours gris mérite donc clairement d’être réhabilité ; il ne s’agit certes pas du meilleur film de Dario Argento, mais il possède tout de même de très sérieuses qualités, qui en font assurément l’un des meilleurs gialli du début des années 70. Il s’agit par ailleurs de l’un des films les plus stylisés du réalisateur italien, qui d’un point de vue strictement formel, tentait toutes les audaces, multipliait les prises de vue impossibles, les cadrages surréalistes, voire même les gags absurdes, notamment lors de la première rencontre entre Roberto (Michael Brandon) et Dieu (Bud Spencer).

Pour autant, ce soin apporté aux cadrages et au traitement du son – qui désarçonnera parfois le spectateur durant une seconde ou deux avant que celui-ci ne comprenne le point de vue lui étant proposé par le cinéaste – contribue aussi clairement à créer et à maintenir l’atmosphère du film, très marquée par les cauchemars du personnage principal, et donc volontairement chaotique, erratique, comme un rêve dont on n’arrive pas à émerger. Sans en dévoiler trop sur l’intrigue de Quatre mouches sur du velours gris, on retrouvera également cette volonté de perdre le spectateur et de tenter de lui donner à voir au-delà de ce qui lui est montré dans l’explication du titre du film, qui pour le coup mettra de façon très claire le regard au centre du récit, afin de tenter de comprendre ce que l’œil ne perçoit pas immédiatement.

Le scénario imaginé par Dario Argento sur Quatre mouches sur du velours gris nous propose donc une réflexion sur le regard prenant la forme d’un rêve, long et intense, qui finira par évoluer en cauchemar au fur et à mesure du récit avant de s’effondrer. Les visions de Roberto suggèrent que des événements de son passé pourraient être liés aux problèmes auxquels il est confronté dans le présent, ce qui est également l’avis du détective incarné par Jean-Pierre Marielle, mais il est clair que certains de ces événements seront uniquement montrés par Dario Argento pour tenter d’organiser artificiellement le chaos. Un chaos fait d’ombres, de craquements et de bruits inquiétants, qui finissent par donner au film une saveur très particulière, encore accentuée par le remarquable travail sur la photo de Franco Di Giacomo, ainsi que par l’excellente bande-originale du film, composée par le légendaire Ennio Morricone.

Du côté des acteurs, on saluera la prestation convaincante du très rare Michael Brandon, qui compose un personnage assez mutique dont les expressions passent essentiellement par le regard. A ses côtés, on retrouvera évidemment Mimsy Farmer (Frissons d’horreur, Le Parfum de la dame en noir, La Traque…), une des icônes du Giallo et plus largement du cinéma de genre des années 70, qui comme à son habitude nous délivre une performance de femme meurtrie tout à fait crédible. Dans les seconds-rôles, on se régalera de la présence à l’écran de Jean-Pierre Marielle et de Bud Spencer, tous deux absolument excellents. Un film à redécouvrir !

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[4,5/5]

Quatre mouches sur du velours gris a bénéficié d’une impressionnante restauration 4K, dont bénéficie aujourd’hui l’époustouflant Blu-ray 4K Ultra HD que nous propose Carlotta Films. Le film de Dario Argento nous propose en effet un rendu tout simplement exceptionnel, avec un étalonnage des couleurs en HDR10 et Dolby Vision. Par rapport au Blu-ray de 2012, ce nouveau master nous offre un cadrage remanié, dénué de la moindre tache ou poussière qui viendrait parasiter notre plaisir. Le niveau de définition est sensiblement réhaussé, le grain cinéma est d’une finesse remarquable, et l’ensemble est toujours stable, même durant les scènes nocturnes. L’étalonnage HDR permet d’ailleurs aux scènes les plus sombres de s’avérer plus lisibles qu’auparavant, ce qui rendra clairement ses lettres de noblesse au formidable travail de Franco Di Giacomo sur la photo du film. Cette présentation vidéo littéralement éblouissante se prolongera du côté des enceintes avec rien de moins que trois mixages (italien, anglais, français) en DTS-HD Master Audio 1.0, mono d’origine. Les dialogues sont clairs et bien découpés, et la musique d’Ennio Morricone est parfaitement mise en avant. Un travail extraordinaire !

Dans la section suppléments, on trouvera tout d’abord deux sujets documentaires hérités du Blu-ray édité par Wild Side en 2012. On commencera avec un entretien avec Luigi Cozzi (27 minutes), qui nous racontera – entre autres – la genèse de Quatre mouches sur du velours gris et pourquoi le film est longtemps resté invisible. On continuera ensuite avec une intéressante présentation du film (26 minutes) au cœur de laquelle quelques sympathiques intervenants exploreront les multiples facettes thématiques de l’œuvre. Jean-Baptiste Thoret y est, comme à son habitude, tout à fait passionnant. On est également contents d’écouter les interventions de Doug Headline, Bruno Forzani ou encore Pascal Laugier.

On continuera ensuite avec une poignée de bonus inédits, avec pour commencer un entretien avec Bud Spencer (10 minutes). Le regretté interprète de Bambino reviendra sur le travail et la personnalité de Dario Argento, et évoquera la liberté que lui avait laissé le maestro afin de créer son personnage dans le film. On continuera ensuite avec un entretien avec Gildo Di Marco (16 minutes), qui joue le facteur dans le film. Il reviendra sur son parcours, sur sa collaboration avec Bud Spencer et Terence Hill sur Les 4 de l’Ave Maria, pour ensuite aborder la rencontre avec Dario Argento, sa personnalité et ses méthodes de travail sur le tournage de Quatre mouches sur du velours gris, ses pensées sur le film ainsi que sur le reste de l’œuvre d’Argento. On terminera enfin avec un entretien avec Roberto Forges Davanzati, assistant opérateur (7 minutes), qui se remémorera le tournage des nombreuses séquences nocturnes et du fait qu’il ne connaissait pas bien la caméra utilisée sur le film, et avec un entretien avec Angelo Iacono, directeur de production (14 minutes), qui reviendra sur sa collaboration avec Dario Argento sur Le Chat à neuf queues, ainsi que sur certains des lieux utilisés pour le film, sur la présence au casting de Bud Spencer, sur Michael Brandon et la qualité de son travail ou encore la prestation de Mimsy Farmer.

On ajoutera par ailleurs que le Blu-ray 4K Ultra HD de Quatre mouches sur du velours gris édité par Carlotta Films est proposé dans un superbe Steelbook aux couleurs du film.

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