Test Blu-ray : Les Évadées du Camp d’amour

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Les Évadées du Camp d’amour

Italie, Espagne : 1980
Titre original : Femmine infernali
Réalisation : Edoardo Mulargia
Scénario : Sergio Chiusi, Gil Carretero, Edoardo Mulargia
Acteurs : Anthony Steffen, Luciano Pigozzi, Cristina Lay
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h32
Genre : Thriller, Action
Date de sortie cinéma : 27 mars 1980
Date de sortie DVD/BR : 4 avril 2023

Au coeur d’une forêt tropicale se trouve un camp de détention pour femmes. Isolés du monde, les gardiens en profitent pour abuser des prisonnières, leur faisant subir les pires sévices. Ne supportant plus la cruauté dont elles sont victimes, un groupe de jeunes femmes va tenter de s’évader, avec l’aide du médecin du camp…

Le film

[3/5]

En presque dix ans de chroniques régulières dans la section vidéo de critique-film, on n’avait pas encore abordé le genre dit du « Women in prison » (ou « WIP »), un sous-genre du cinéma d’exploitation très prolifique dans les années 70. Comme son nom l’indique, le « Women in prison » se déroulent dans un univers carcéral, et plus précisément dans des prisons de femmes, des camps nazis ou des camps de travail en plein milieu de la jungle, où les détenues sont amenées à subir des sévices dégradants. Douches, fouilles au corps, viols, mauvais traitements… Les prétextes pour amener des groupes de femmes à se dénuder sont nombreux, et l’imagination des producteurs dans le domaine des outrages à infliger à leurs héroïnes ne semblait pas avoir de limites.

Les Évadées du Camp d’amour est donc un WIP tourné par Edoardo Mulargia en 1979, en « back to back » avec Les Tortionnaires du Camp d’amour (également connu sous le titre La fin des tortionnaires du Camp d’amour n°2), qui n’est pas à proprement parler la suite du premier mais a été tourné, par souci d’économie, dans les mêmes décors avec la même équipe devant et derrière la caméra. Les deux films n’ont cependant aucun lien entre eux, ce qui est presque dommage d’ailleurs : on aurait probablement aimé que, comme le suggérait les titres français, les deux films soient deux versions d’une seule et même histoire, vue d’un côté par les prisonnières, de l’autre par les gardiens et le staff de la prison.

Rien de si expérimental à l’horizon avec Les Évadées du Camp d’amour, qui suit sagement la trame traditionnelle du « Women in prison » : on commencera avec une première tentative de révolte / évasion en début de métrage, pour poser les bases du récit et ce que l’on réserve à celles qui sortent du rang. Passée cette première séquence « choc », on fera connaissance avec les lieux et les personnages, ce qui sera l’occasion de filmer plusieurs rapprochements entre matons et prisonnières, entre médecin et prisonnières, entre prisonnières entre elles, entre un chien et une prisonnière (sic), mais également plusieurs bagarres, punitions. Suivront une re-tentative de révolte / évasion suivie d’une grosse punition bien dégradante, et finalement, une révolte / évasion qui réussit et qui provoque la chute de la prison et de son directeur sadique.

Les Évadées du Camp d’amour suit donc grosso modo ce déroulement, mais bien sûr, avec quelques particularités « locales » liées au fait que la prison soit établie en plein milieu de la jungle tropicale : les serpents, jaguars et autres sables mouvants s’ajoutent donc aux dangers de la détention. Le scénario du film, signé Sergio Chiusi, Gil Carretero et Edoardo Mulargia, ajoute par ailleurs quelques particularités notables à quelques-uns des personnages ; on pense notamment à un directeur de prison incarné par Luciano Pigozzi (Bianco Apache, Une hache pour la lune de miel, Devilman le diabolique) se révélant obsédé par l’hygiène et fuyant, 40 ans avant le COVID, toute trace de germe ou d’infection.

Une autre particularité du WIP est d’avoir permis à certaines actrices de tirer leur épingle du jeu, dans le sens où elles incarnaient « LE » personnage féminin fort du métrage, celui par lequel tout allait être amené à changer. On pense par exemple à Pam Grier dans Femmes en cages, The Big Doll House ou The Big Bird Cage, à Martine Brochard dans Pénitencier de femmes perverses, à Laura Gemser dans Pénitencier de femmes ou Révolte au pénitencier de filles, à Sylvia Kristel dans Chaleur rouge, à Linda Blair dans Les Anges du mal, à Brigitte Lahaie dans Le Corps et le Fouet… On pense également bien sûr à l’américaine Dyanne Thorne (1936-2020), découverte en 1975 grâce au film Ilsa, la louve des SS.

Curieusement, il n’y a pas de personnage féminin « principal » dans Les Évadées du Camp d’amour. Aucune d’entre elles ne sera au final réellement sympathique, les éléments les plus positifs de leurs personnalités respectives étant systématiquement contrebalancés par des déviances plus ou moins prononcées (lâcheté, sadisme, violence, méchanceté gratuite). Bien sûr, on pourra remarquer Cristina Lay, qui est probablement le personnage féminin le moins négatif du film (comme dans Apocalypse 2024, elle tombe amoureuse du médecin incarné par Anthony Steffen après que ce dernier l’ait violée), mais elle n’en est pourtant jamais réellement mise en avant par Edoardo Mulargia. L’affiche du film quant à elle mettait en évidence deux actrices : la première, c’est la blonde Cintia Lodetti, que l’on découvre dès la première séquence, tentant de convaincre sa codétenue de ne pas s’évader. Quelques séquences plus tard, on se rendra compte qu’elle règne d’une main de fer sur sa cellule, violentant ses codétenues et se réservant un droit de cuissage sur les nouvelles venues. La deuxième actrice visible sur l’affiche est Ajita Wilson, actrice américaine black et transsexuelle, qui incarne un personnage secondaire tout aussi enclin au vice et à la violence.

De fait, le vrai héros des Évadées du Camp d’amour est en réalité bel et bien Anthony Steffen, qui avait déjà régulièrement tourné avec Edoardo Mulargia, notamment dans Creuse ta fosse j’aurai ta peau, Shango, Viva Django ou dans Tropique du Cancer. Comme d’habitude, Steffen s’avère assez bon dans un rôle aux multiples nuances, médecin à la dérive qui tentera de sauver son âme en sauvant une poignée de femmes de l’enfer, et ses multiples affrontements à l’écran avec Luciano Pigozzi passsent finalement largement devant les intrigues et sous-intrigues mettant en scène les détenues. Habitué du western spaghetti, Edoardo Mulargia offre d’ailleurs une bien belle scène finale à son acteur principal, avec un triple duel au ralenti avec des personnages aux corps secoués par les balles.

Le Blu-ray

[4,5/5]

Après avoir exhumé nombre de trésors oubliés ces dernières années, Artus Films continue son exploration des arcanes du cinéma Bis pour le plus grand plaisir des cinéphiles déviants. Ce mois-ci, ce sont donc deux fleurons du « Women in prison » italien du début des années 80 que l’éditeur est allé repêcher, avec Les Évadées du Camp d’amour et Les Tortionnaires du Camp d’amour. Une excellente nouvelle pour les nostalgiques ayant vu et aimé ces films lors de leur sortie en France il y a un peu plus de quarante ans, et une occasion pour les plus jeunes de découvrir ces deux fiers représentants du WIP dans des conditions inédites.

Car côté Haute Définition, les deux films de cette vague n’ont clairement pas à rougir de leurs prestations techniques : la définition est précise, les couleurs riches et bien saturées, les noirs sont profonds, et la restauration a globalement pris soin de préserver le grain argentique d’origine. Bien sûr, les plans « à effets » (générique, mentions écrites, fondus enchainés) accusent un peu des effets du temps, mais le reste est d’une propreté et d’une stabilité tout à fait étonnantes. Bref, la galette Blu-ray des Évadées du Camp d’amour nous propose un rendu HD tout à fait appréciable. Côté son, la version originale ainsi que la version française d’origine sont toutes deux mixées en LPCM Audio 2.0, dans des mixages propres, équilibrés et toujours clairs.

Du côté des suppléments, on commencera par une présentation du film par Christophe Bier (34 minutes). Il évoquera le genre du « Women in prison » et son explosion à la fin des années 60, et citera quelques-uns des meilleurs films du genre. Revenant aux Évadées du Camp d’amour, il admettra qu’il s’agit d’un film « assez conventionnel et sans grande surprise », mais que tous les ingrédients du genre sont au rendez-vous. Il reviendra sur la carrière sans éclat d’Edoardo Mulargia, qui se démarquera surtout grâce à El Puro, la rançon est pour toi (1969) et Tropique du Cancer (1972). Il reviendra ensuite sur les acteurs du film, et notamment sur la carrière d’Anthony Steffen. On continuera ensuite avec un entretien avec Maurizio Centini (18 minutes). Coupable d’avoir officié au poste de chef opérateur aux côtés de Manuel Mateos sur le film, Maurizio Centini reviendra sur sa carrière et sur ses débuts au cinéma, puis dans le Bis. Il évoquera quelques souvenirs du tournage des Évadées du Camp d’amour, ce dernier s’étant déroulé au cœur d’une pinède au sud-ouest de Rome, et reviendra brièvement sur la personnalité d’Edoardo Mulargia ainsi que sur le tournage de la scène des sables mouvants. On terminera le tour des bonus avec la traditionnelle galerie photos.

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