Mayday
États-Unis, 2023
Titre original : Plane
Réalisateur : Jean-François Richet
Scénario : Charles Cumming et J.P. Davis
Acteurs : Gerard Butler, Mike Colter, Tony Goldwyn et Yoson An
Distributeur : Metropolitan Filmexport
Genre : Action / Avertissement
Durée : 1h48
Date de sortie : 25 janvier 2023
3/5
Ils nous manquent quand même un peu, ces spectacles tonitruants des années 1990, dans lesquels les héros aux valeurs simples et aux muscles seyants étaient monnaie courante. Depuis, le manichéisme sommaire de cette époque désormais lointaine a été remplacé par un surdosage de second degré et une avalanche d’effets speciaux à l’esthétique douteuse. Heureusement, Mayday est là pour nous faire goûter à nouveau à cette forme d’action linéaire et dépourvue de fioritures dont nous étions indubitablement restés nostalgiques. Le troisième long-métrage anglophone de Jean-François Richet fait preuve d’une efficacité remarquable, jamais à bout de souffle quand il s’agit d’impliquer le spectateur dans la lutte effrénée pour la survie de ses personnages. Le scénario a ainsi beau être de la fiction pure et dure, on s’y prend sans peine à croire en l’enchaînement rapide des séquences à forte charge viscérale.
Située dans les airs et sur terre, l’histoire reprend la formule éprouvée de certains films catastrophe, jouant la double carte des tractations à distance pour venir en aide aux héros, pendant que ceux-ci sont pris dans l’étau d’une situation en apparence inextricable. C’est en somme la trame de Air Force One de Wolfgang Petersen qui est reprise ici dans ses grandes lignes, le président des États-Unis y étant remplacé par un commandant de bord sans peur, ni faille.
Pourtant, ce capitaine écossais, à qui Gerard Butler confère une force tranquille et un sens de l’honneur des plus atypiques dans notre ère de la mise en valeur narcissique, ne saura pas venir seul à bout des nombreux obstacles qui se dresse sur le chemin de son vol maudit. Au contraire, l’union fait la force, grâce à l’apport essentiel de ses alliés plus ou moins improbables, du criminel expulsé vaguement menaçant campé par Mike Colter jusqu’au copilote plein de ressources interprété par Yoson An.
Synopsis : Le jour du réveillon, le capitaine Brodie Torrance prend les commandes d’un vol depuis Singapour à destination de Tokyo. Il espère arriver ensuite à temps pour fêter la nouvelle année avec sa fille à Hawaï. Parmi la quinzaine de passagers se trouve Louis Gaspare, un meurtrier qui doit être extradé au Canada. Pas assez de cette gêne potentielle, la compagnie oblige l’équipage de prendre la route la plus directe pour faire des économies de kérosène, quitte à traverser une tempête en mer de Chine. Frappé par la foudre, l’avion risque de s’écraser. Torrance réussit à le poser à la dernière minute sur une île, où le chef de gang Junmar fait sa loi.
Préparez-vous à l’impact
Avant d’aller voir Mayday, on n’aimait déjà pas trop prendre l’avion. Surtout pour des raisons écologiques et de volonté à ressentir tant soit peu la distance parcourue et dans une mesure tout à fait moindre parce qu’on redoutait sérieusement être impliqué dans un crash aérien. La mise en scène diablement efficace de la détresse de l’avion dans ce film nous fera peut-être revoir nos priorités à ce niveau de préférences de transport. Car même si l’on a une petite idée que les ennuis ne font que commencer par cette descente en flèche, Jean-François Richet réussit haut la main à rendre palpable la panique à bord. Alors oui, les effets visuels ne sont sans doute pas à la hauteur des productions hollywoodiennes les plus coûteuses. Mais la maestria de la narration consiste justement à créer l’illusion, à nous faire entrer corps et âme dans ce chaos en plein air.
L’agencement habile des clichés est pour beaucoup dans notre investissement dans ces quelques minutes fort intenses. D’emblée, le personnage principal séduit plus par son don pour la convivialité que par sa ponctualité ou son sens de l’humour. Tout au long du film, Gerard Butler arrive à cultiver ces imperfections, incontournables pour éviter que le spectateur ne se sente pris de haut par un héroïsme coriace. Ainsi, un homme de peu de mots, le capitaine Torrance n’a guère réponse à tout. Il laisse le rythme soutenu du récit prendre la relève pour mettre en œuvre ses différents plans, plutôt que de les énoncer verbalement. La même chose vaut pour son entourage : l’ancien légionnaire Gaspare dont la force physique n’est pas non plus l’atout à toute épreuve que l’on pourrait craindre et le jeune copilote, fidèle à son poste, c’est-à-dire aux manettes quand il le faut.
Mes passagers, ma responsabilité
L’opération de sauvetage en pleine jungle, qui occupe la partie centrale de Mayday, répond aux même exigences en termes de prouesses musclées. Si l’on peut regretter un certain manichéisme dans la description du camp adverse, des mercenaires philippins prêts à tous les sévices pour extorquer un peu d’argent, celui-ci correspond parfaitement à la binarité des valeurs très en vogue dans les années 1990. Pour faire bref, la vie des pauvres survivants – une sorte de condensé des Nations Unies venu du Royaume-Uni, des États-Unis, de Suède et de Hong Kong – vaut infiniment plus chère que celle des hommes de main de Junmar, désignés sans la moindre miséricorde en tant que chair à canon, même pas en sécurité derrière leurs propres voitures. Quand on vous disait que l’idéologie exclusive de la fin du siècle dernier était bel et bien d’actualité dans ce film au propos malgré tout basique …
Néanmoins, cette manière de ne s’attarder sur ses états d’âme qu’une fois le carnage terminé sied entièrement à un film dont le maître mot reste l’action bien dosée. Les passages sporadiques par le siège de la compagnie à New York, où le gestionnaire de crise interprété solidement par Tony Goldwyn suspend toute tergiversation pour donner un soutien maximal aux voyageurs échoués à l’autre bout du monde, s’inscrivent dans cette démarche de la création d’une tension par vagues, plus redoutables les unes que les autres. En fin de piste, les dégâts demeurent étonnamment minimes. Or, c’est précisément grâce à la mise en place constante d’un danger crédible que notre identification avec les otages réussit le mieux, contrairement au bain de sang gratuit et autres procédés d’extermination progressive auxquels un film au propos plus tendancieux aurait probablement cédé.
Conclusion
A première vue une honnête série B qui s’emploie à ressortir les vieilles recettes du film de genre, Mayday s’avère en fait être un spectacle primaire de toute beauté ! Vos capacités intellectuelles y seront certes sollicitées au minimum. En échange, vous aurez toutefois droit à une formidable course contre la montre, sans temps morts, ni esbrouffe ironique. Il ne nous paraît nullement exagéré d’affirmer que grâce à la réalisation très assurée de Jean-François Richet, Gerard Butler y trouve un rôle taillé sur mesure. Le rôle d’un homme qui fonce tête baissée quand il le faut, mais qui n’est pas non plus trop fier pour demander de l’aide quand les circonstances le dépassent.