Dans deux semaines, jour pour jour, on y sera pour l’ouverture de la 73ème Berlinale. D’ici là, les journalistes basés à Berlin pourront d’ores et déjà découvrir la plupart des films des sélections parallèles en projection de presse. Et les dernières informations essentielles quant aux invités et aux films retenus seront dévoilées. Comme celle de la composition du jury principal, qui aura pour tâche de choisir l’heureux successeur de l’Ours d’or remis l’année dernière à Nos soleils de Carla Simon. Elle a été annoncée hier. Pour rappel, le Festival de Berlin 2023, en pleine capacité et sans restrictions sanitaires, aura lieu du jeudi 16 au dimanche 26 février inclus.
En plus des dix-huit films annoncés fin janvier (cf. notre article à ce sujet), un dix-neuvième titre a été inclus dans la compétition hier. Il s’agit du film d’animation chinois Art College 1994 du réalisateur Liu Jian. Les six membres du jury et sa présidente, l’actrice américaine Kristen Stewart, auront donc l’embarras du choix pour désigner les lauréats des convoités Ours d’or et d’argent. A noter que le jury berlinois est majoritairement féminin cette année, puisqu’il est composé de cinq femmes et de deux hommes.
Le jury du 73ème Festival de Berlin
Golshifteh Farahani (* 1983)
D’origine iranienne, cette actrice mène depuis 2009 une carrière remarquable dans le cinéma international. Après avoir tourné une vingtaine de films dans son pays natal, dont Half Moon de Bahman Ghobadi et A propos d’Elly de Asghar Farhadi – Ours d’argent de la Mise en scène à Berlin en 2009 –, elle s’installe à Paris et collabore désormais avec les plus grands réalisateurs internationaux.
Ainsi, on a pu la voir autant dans des productions internationales, comme Mensonges d’état et Exodus Gods and Kings de Ridley Scott, Paterson de Jim Jarmusch, Au prix du sang de Roland Joffé et Pirates des Caraïbes La Vengeance de Salazar de Espen Sandberg et Joachim Rønning, que dans les films français Si tu meurs je te tue et My Sweet Pepper Land de Hiner Saleem, Poulet aux prunes de Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi, Syngué sabour Pierre de patience de Atiq Rahimi, Eden de Mia Hansen-Løve, Les Deux amis de Louis Garrel, Les Malheurs de Sophie de Christophe Honoré, Santa et Cie de Alain Chabat, La Nuit a dévoré le monde de Dominique Rocher, Le Dossier Mona Lina de Eran Riklis, Les Filles du soleil de Eva Husson, L’Angle mort de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic et Un divan à Tunis de Manele Labidi. L’année dernière, elle était à l’affiche dans deux films : Frère et sœur de Arnaud Desplechin, présenté en compétition au Festival de Cannes, et Une comédie romantique de Thibault Ségouin.
Golshifteh Farahani a été nommée au César du Meilleur espoir féminin en 2014 pour Syngué sabour Pierre de patience.
Valeska Grisebach (* 1968)
Même si elle n’a réalisé pour l’instant que trois films, l’Allemande Valeska Grisebach a d’ores et déjà su s’imposer sur la scène du cinéma international. Après avoir été remarquée aux festivals de Turin et de Toronto pour son film de fin d’études, elle est invitée en compétition au Festival de Berlin dès son premier long-métrage professionnel en 2006 avec Désir[s]. Il lui faudra une dizaine d’années avant de transformer l’essai grâce à Western, présenté au Festival de Cannes dans Un certain regard en 2017. Elle avait participé au scénario de AEIOU L’Alphabet rapide de l’amour de Nicolette Krebitz, en compétition à Berlin l’année dernière.
Radu Jude (* 1977)
Sans l’ombre d’un doute un habitué du Festival de Berlin, le réalisateur roumain Radu Jude y avait fait une première fois escale en 2009 avec son premier film La Fille la plus heureuse du monde, alors présenté au Forum. Cette section parallèle lui a de nouveau été favorable avec Papa vient dimanche et Uppercase print. En 2015, sa promotion en compétition avec Aferim ! lui avait d’emblée valu l’Ours d’argent du Meilleur réalisateur. Radu Jude a connu l’apogée de son sacre berlinois il y a deux ans, grâce à l’Ours d’or pour Bad Luck Banging or Loony Porn, adoubé par un jury collégial, composé d’anciens lauréats de la récompense suprême du festival.
Entre-temps, il avait présenté Cœurs cicatrisés au Festival de Locarno et Peu m’importe si l’histoire nous considère comme des barbares à celui de Karlovy Vary. A Cannes, il avait présenté l’année dernière son court-métrage The Potemkinists à la Quinzaine des réalisateurs.
Francine Maisler (* 1961)
Ce n’est pas parce que le métier de directrice de casting passe hélas souvent inaperçu que le travail de l’Américaine Francine Maisler est moins impressionnant. Depuis ses premiers films au milieu des années 1990, elle a en effet assuré la distribution judicieuse des rôles dans plus d’une centaine de films !
Après des débuts aux côtés de Bryan Singer (Usual Suspects et Un élève doué), Sam Raimi (Mort ou vif), Michael Bay (Bad Boys), Milos Forman (Larry Flynt et Man on the Moon), Andrew Niccol (Bienvenue à Gattaca), Jean-Jacques Annaud (Sept ans au Tibet), James L. Brooks (Pour le pire et pour le meilleur) et Steven Soderbergh (Hors d’atteinte), on lui devait au fil du temps les distributions sans faille de films aussi mémorables que A la rencontre de Forrester et Harvey Milk de Gus Van Sant, Spider-Man de Sam Raimi, 21 grammes, Babel, Birdman et The Revenant de Alejandro Gonzalez Iñarritu, Collatéral et Miami Vice Deux flics à Miami de Michael Mann, Mémoires d’une geisha et Nine de Rob Marshall, Le Nouveau monde et The Tree of Life de Terrence Malick, Into the Wild de Sean Penn, Julie et Julia de Nora Ephron, Greenberg et While We’re Young de Noah Baumbach, The Green Hornet de Michel Gondry, 12 Years a Slave de Steve McQueen, Capitaine Phillips de Paul Greengrass, Invincible de Angelina Jolie, Ex Machina de Alex Garland, Sicario et Premier contact de Denis Villeneuve, Steve Jobs de Danny Boyle, The Big Short de Adam McKay, ainsi que Midnight Special et Loving de Jeff Nichols.
Rien que ces derniers mois, quatre des films dont elle a supervisé le casting sont sortis au cinéma en France : Bones and all de Luca Guadagnino, She said de Maria Schrader, Babylon de Damien Chazelle et Le Pire voisin au monde de Marc Forster. Avec en prime la production Netflix The Pale Blue Eye de Scott Cooper.
Pour son travail à la télévision, Francine Maisler a été nommée à quatre reprises à l’Emmy du Meilleur casting. Elle l’avait gagné l’année dernière pour la série « Succession ». Elle a été nommée deux fois au BAFTA du Meilleur casting pour Marriage Story de Noah Baumbach et Dune de Denis Villeneuve. Ses confrères et consœurs de la Casting Society of America l’ont nommée 52 fois et l’ont récompensée à treize reprises, la dernière fois en 2021 pour Les Sept de Chicago de Aaron Sorkin.
Carla Simon (* 1986)
Et de deux pour les cinéastes ayant un Ours d’or en leur possession qui chercheront à élargir le club des lauréats par leur vote ! La carrière de la réalisatrice catalane Carla Simon n’est certes pas aussi longue que celle de son confrère roumain. Néanmoins, elle est aussi étroitement liée au Festival de Berlin. Ainsi, elle y avait présenté en 2017 son premier long-métrage Été 93 dans la section Génération et en était repartie avec le Prix du Meilleur Premier film. Puis, cinq ans plus tard, elle avait reçu la récompense suprême du jury de M. Night Shyamalan pour Nos soleils, sorti il y a quinze jours sur les écrans de cinéma français.
Dans son pays d’origine, Carla Simon a été nommée à quatre reprises aux prix Goya, deux fois pour chacun de ses films. Elle avait gagné celui du Meilleur Premier film en 2018 pour Été 93.
Johnnie To (* 1955)
Il est hélas déjà un peu loin le temps, quand ce réalisateur et producteur hong-kongais faisait vibrer le cinéma asiatique en général et le cinéma de genre en particulier. Pourtant, les productions de sa société Milkyway appartenaient à ce que le cinéma de Hong Kong présentait de plus stimulant dans les années 2000. Les distributeurs français suivaient alors de près le mouvement, puisqu’une dizaine de ses films était visible sur nos grands écrans à ce moment-là. Des films comme The Mission, Fulltime Killer, Breaking News, PTU Police Tactical Unit, le diptyque Election, Exilé, Sparrow et Vengeance témoignaient de la beauté esthétique et de la charge jouissive d’un cinéma de genre depuis cantonné à d’autres supports. En guise de preuve, le dernier film signé Johnnie To à sortir en France était Office il y a plus de cinq ans.
En dehors de la présidente Kristen Stewart qui avait fait partie du jury du Festival de Cannes en 2018, Johnnie To est le seul membre du jury berlinois de cette année à avoir déjà endossé pareille responsabilité dans un autre festival majeur. C’était de même à Cannes en 2011, sous la présidence de l’acteur et producteur américain Robert De Niro, dont le jury avait alors attribué sa Palme d’or à The Tree of Life de Terrence Malick. A titre personnel, To avait participé une fois à la compétition à Berlin en 2008 avec Sparrow, deux fois à Cannes avec Election en 2005 et Vengeance en 2009, ainsi que trois fois à Venise avec Exilé, Mad Detective et La Vie sans principe.