Plumes
France, Égypte, Pays-Bas, Grèce : 2021
Titre original : Feathers
Réalisation : Omar El Zohairy
Scénario : Ahmed Amer, Omar El Zohairy
Acteurs : Demyana Nassar, Mohamed Abd El Hady…
Éditeur : Blaq Out
Durée : 1h47
Genre : Drame, Fantastique
Date de sortie cinéma : 23 mars 2022
Date de sortie DVD : 18 octobre 2022
Une mère passive, dévouée corps et âme à son mari et ses enfants. Enfermée dans un quotidien monotone, rythmé de tâches banales et répétitives, elle se fait aussi petite que possible. Un simple tour de magie tourne mal pendant l’anniversaire de son fils de quatre ans et c’est une avalanche de catastrophes absurdes et improbables qui s’abat sur la famille. Le magicien transforme son mari, un père autoritaire, en poule. La mère n’a d’autre choix que de sortir de sa réserve et assumer le rôle de cheffe de famille, remuant ciel et terre pour retrouver son mari. Luttant pour sa survie et celle de ses enfants, elle devient peu à peu une femme indépendante et forte…
Le film
[3/5]
Plumes est le premier long-métrage du cinéaste égyptien Omar El Zohairy, et a reçu le Grand prix de la Semaine de la critique au Festival de Cannes 2021. Il s’agit d’une fable absurde se servant d’un élément fantastique (un chef de famille pas très aimable se voit transformé en poulet) afin, clairement, de parler de son pays et de critiquer le patriarcat égyptien. On ne parlera par conséquent pas réellement ici de cinéma fantastique dans le sens où on l’entend habituellement, et Plumes ne s’adresse pas spécifiquement aux amateurs de films de genre.
On affirmerait même plutôt au contraire que le film d’Omar El Zohairy porte sur lui tous les stigmates du film indépendant, tourné avec des acteurs non professionnels (l’actrice principale Demyana Nassar est dans la réalité femme au foyer), sans scénario, sans répétitions ni indications de jeu de la part du réalisateur. Pour autant, Plumes est traversé par un courant d’étrangeté absurde qui, finalement, permettra au spectateur d’aller un peu au-delà de la simple description qui nous est faite de la misère et de l’assujettissement des femmes dans l’Égypte contemporaine.
Plumes met donc en scène une femme qui, suite à la disparition de son mari, devra faire face à l’absence du chef de famille. Au fur et à mesure que le film avance, on constate que l’héroïne réalise peu à peu que son sort et celui de ses fils pourrait se voir considérablement amélioré par cet événement inattendu. Mais la société égyptienne en a décidé autrement : le patron de son mari refuse de lui verser ses arriérés de salaire, et accepte encore moins de la laisser travailler à sa place. Avec plusieurs mois de loyer en retard, un grand nombre de créanciers sur le dos ainsi que plusieurs bouches – et un bec – à nourrir, la situation s’assombrit de plus en plus : le portrait de la société égyptienne est acerbe et sans concession.
Mais la noirceur de l’ensemble est égayée par de petites touches d’humour : on pense par exemple à une amusante reprise du thème de Love Story, ou à l’omniprésence à l’écran d’animaux – poulets, vaches, ânes, ainsi qu’un singe de cirque plutôt agressif – qui errent en arrière-plan et qui tendent à faire comprendre au spectateur que la situation de l’héroïne du film n’est probablement pas un cas isolé. Malheureusement, le rythme du film ne suit pas toujours, en dépit de la superbe photo Kamal Samy. Cela dit, Plumes a tout de même le mérite de mettre en évidence une question que tout le monde s’est sans doute déjà posé, à savoir « Que feriez-vous si votre mari ou votre femme était soudainement métamorphosé(e) en poulet ? »
Ah, pardon, on me fait signe que non, en fait, personne ne s’était jamais posé cette question. Ainsi, on peut dire qu’avec Plumes, Omar El Zohairy nous refait la petite phrase de Georges Marchais face à Alain Duhamel en 1981 : « C’est peut-être pas votre question, mais c’est ma réponse ! »
Le DVD
[4/5]
Le DVD édité par Blaq Out permettra donc aux curieux de découvrir Plumes dans des conditions tout à fait excellentes : compte tenu du fait qu’il s’agisse d’un film loin d’être « spectaculaire », une édition en définition standard semble finalement tout à fait légitime. Le master est d’ailleurs assez irréprochable, avec de belles couleurs doublées d’une définition et d’un encodage solides. Côté son, la VO nous est proposée en Dolby Digital 5.1, à la spatialisation discrète (pour ne pas dire anecdotique) mais bien réelle.
Dans la section suppléments, on trouvera un entretien avec Omar El Zohairy, enregistré à l’occasion de la Semaine de la Critique (5 minutes), ainsi qu’un très intéressant court-métrage du réalisateur, intitulé La Suite de l’inauguration des toilettes publiques au kilomètre 375 (2014, 17 minutes), adapté de « La mort d’un fonctionnaire » d’Anton Tchekhov, et maniant déjà un humour froid et la description d’un univers très particulier.