Critique Express : La mesure des choses

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La mesure des choses

Belgique, France : 2021
Titre original : –
Réalisation : Patric Jean
Scénario : Patric Jean
Interprète : Jacques Gamblin (Voix)
Distribution : Les Films des Deux Rives
Durée : 1h26
Genre : Documentaire
Date de sortie : 9 novembre 2022

3/5

Synopsis : En Méditerranée, un lieu réel et fictif à la fois, la voix de Dédale donne les derniers conseils de sagesse à Icare qui s’apprête à s’envoler. Ce faisant, il questionne notre monde contemporain où se mêlent la destruction, mais aussi la beauté et l’humanité. Comme une gigantesque promenade poétique tout autour de la mer, le film nous questionne avec une urgence étonnante : notre volonté de mesurer le monde pour le maitriser n’est-elle pas tombée dans une démesure qui perd son sens pour l’être humain et nous fait nous brûler les ailes ? Une invitation pleine d’espoir aux prochaines générations à trouver la « juste mesure ».

De la démesure de certaines activités humaines naissent des catastrophes.

Y aurait-il une seule façon de montrer au cinéma les maux dont souffre notre planète, le réchauffement climatique, la pollution, les inégalités, l’accueil le plus souvent inhumain fait aux migrants, etc., etc.? Le réalisateur belge Patric Jean pense que non et il le prouve avec La mesure des choses, un film qui se termine par une dédicace : « à la jeunesse qui se soulève » et un conseil que sa génération donne à la suivante : « Ne fais rien comme moi ». Pour lui, ce qu’il a réalisé c’est un « essai cinématographique », c’est-à-dire un film qui « fait voir le réel sans le documenter » et qui, ce faisant, « laisse donc une grande place à l’imagination du spectateur et à la poésie ». Certain.e.s seront sans doute dérouté.e.s de passer de l’abattage et du tronçonnage des arbres, aux problèmes rencontrés par des pêcheurs professionnels, puis à la disparition progressive des tortues de mer qui prennent les déchets de matière plastique pour des méduses et qui en meurent, puis aux teinturiers de Fès, puis à un sauvetage nocturnes de migrants par un bateau de SOS Méditerranée, puis aux raisons qui poussent des gens à émigrer, puis à la paye misérable des ouvriers agricoles saisonniers en Espagne ou ailleurs, puis aux conditions sanitaires déplorables dans le camp de réfugiés de Moria dans l’île grecque de Lesbos.

Pour passer d’une séquence à l’autre, il est fait appel au mythe de Dédale et de Icare, avec les conseils, énoncés par la voix de Jacques Gamblin, que Dédale, ingénieur, forgeron, sculpteur et architecte, retourné à une certaine humilité, pourrait dire à son fils pour qu’il arrive à s’échapper du labyrinthe qu’il a lui-même construit. Dédale, son labyrinthe, Icare, Patric Jean a choisi ce mythe pour montrer de façon poétique à quoi peut conduire l’orgueil de l’être humain et les catastrophes que cet orgueil peut engendrer. Dédale ayant cru qu’il avait dompté le monde sous prétexte qu’il avait mesuré tout ce qui pouvait l’être, mais étant passé à côté de tout ce qui ne peut pas être mesuré, « nos peines, nos douleurs, nos espoirs ou le bien-être de nos retrouvailles ». Icare, dont l’orgueil l’a poussé à voler de plus en plus haut, de plus en plus près du soleil, un soleil qui a fait fondre la cire utilisée par son père pour lui fabriquer des ailes artificielles. Si l’entrée dans le film peut apparaitre confuse, on comprend petit à petit où le réalisateur veut en venir, à ce mea-culpa que sa génération se doit de faire vis-à-vis de la génération suivante. Réalisé en format scope, focalisé sur la Méditerranée et les pays qui l’entourent, un espace qui résume bien le thème général du film, La mesure des chose présente une très belle image : comme le dit le réalisateur « Quand on traite de la misère, on ne filme pas pauvrement les pauvres, c’est une question de respect ».

 

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