Citoyen d’honneur
France, 2022
Titre original : –
Réalisateur : Mohamed Hamidi
Scénario : Mohamed Hamidi et Alain-Michel Blanc, d’après le scénario de Andres Duprat
Acteurs : Kad Merad, Fatsah Bouyahmed, Oulaya Amamra et Brahim Bouhlel
Distributeur : Apollo Films
Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h36
Date de sortie : 14 septembre 2022
2,5/5
Le lien entre la France et l’Algérie est pour le moins compliqué. L’Histoire commune entre les deux pays les prédispose à des rapports tortueux, jusqu’à ce que leur séparation dans le sang au moment de la guerre d’Algérie ne soit traitée ouvertement, dans un avenir que l’on craint lointain. D’ici là, ce n’est pas un film comme Citoyen d’honneur, aussi bien intentionné soit-il, qui fera une réelle différence. Ce remake du film argentin du même titre de Mariano Cohn et Gaston Duprat, sorti sur nos écrans en mars 2017, peut néanmoins servir à détendre un peu les esprits. Tout en évitant de se bercer dans de douces illusions quant à la situation actuelle en Algérie, toujours marquée par toutes sortes de trafics d’influence.
Le retour aux sources que le personnage de Kad Merad vit avec une certaine volonté de renouer avec son passé personnel se déroule sans accroc notable ici. Tout juste la mise en scène de Mohamed Hamidi le fait-il glisser de la posture officielle vers quelque chose de plus intime. Une fois que toutes les cérémonies à la langue de bois seront derrière lui, le célèbre écrivain pourra sereinement affronter son destin de fils prodigue. Sauf qu’un revirement dramatique final en a décidé autrement. Il remet ces retrouvailles si bien entamées, avec des clichés aux angles savamment arrondis, sur les rails d’une récupération intellectuelle hélas pas complètement dépourvue d’un soupçon de condescendance envers l’Algérie et ses problèmes.
Synopsis : Un an après avoir reçu le Prix Nobel de littérature, le célèbre écrivain franco-algérien Samir Amin est au creux de la vague créative. Il ne sait plus quoi écrire, ni comment parler à son fils adolescent Gabriel. L’offre de sa ville natale Sidi Mimoun de le nommer citoyen d’honneur pourrait amener un peu d’espoir dans sa grisaille existentielle. Alors qu’il refuse systématiquement toutes les offres de promotion ou d’entretien, Samir s’envole sur un coup de tête en Algérie. Sur place, il est accueilli par son ami d’enfance Miloud, enthousiaste à l’idée de célébrer cet enfant du pays enfin rentré chez lui.
Bienvenue chez vous
La bonté avec laquelle Mohamed Hamidi aborde d’emblée son sujet – par définition guère original en tant que remake pleinement assumé – nous fait avaler plusieurs couleuvres au cours de Citoyen d’honneur. Sans être ouvertement ennuyeuse, la première partie du film se conforme en effet un peu trop à la structure du retour au bercail à reculons. En panne d’inspiration, le protagoniste y voit en quelque sorte un pis-aller, une parenthèse folklorique à partir de laquelle il espère peut-être rebondir. A ce niveau-là, tout se passe comme prévu dès son arrivée. Il subit sans broncher les différentes félicitations des notables et de la population du bled, désireux de récupérer un peu du lustre de cet homme arrivé au sommet de sa profession. Et il se préserve émotionnellement pour ses quelques détours vers les lieux de son enfance, qui lui tiennent plus profondément à cœur.
Les fausses notes dans la partition de la récupération réciproque demeurent alors au mieux anecdotiques. L’auteur prestigieux réussit toujours à imposer sa volonté, quitte à brusquer l’officiel culturel de service – Zinedine Soualem dans la peau d’un fanatique aux pattes de velours – lorsqu’il s’agit de récompenser le meilleur jeune talent musical du village. De même, son expérience en tant que cible récurrente des médias qui préfère rester en retrait lui permettra de passer entre les gouttes d’une sollicitation musclée de la part des intégristes et autres parasites de sa gloire connue à l’étranger. Rien d’extraordinaire, en somme, dans ce conte folklorique qui a le bon goût de ne jamais se moquer ouvertement, même d’un personnage aussi caricatural que celui de Fatsah Bouyahmed en compagnon d’aventure aussi euphorique qu’innocent.
L’Algérie aux (jeunes) Algériennes
Puis, la relève de la jeune génération se fraie son chemin, doucement mais sûrement. Le vecteur principal de la discorde est Selma, une jeune étudiante constamment révoltée à qui Oulaya Amamra sait conférer une authenticité et un courage pas sans charme. Pourtant, dans sa lutte pour un peu de perspective, elle n’a rien inventé, puisqu’elle reproduit globalement les mêmes sursauts d’indignation que ses aînés avant elle. Le propos du film a beau ne pas insister outre mesure sur ce passage du flambeau, il s’en nourrit au moins indirectement. La découverte de nouveaux talents dans un coin du monde que le personnage principal avait volontairement rayé de sa carte d’intérêt personnel lui donne des ailes, voire toutes sortes de nouvelles envies.
Des envies qui ne s’aventurent malheureusement jamais trop en dehors des sentiers battus d’une bienveillance vaguement constructive. Ainsi, Samir fait tout son possible pour que la voix de Selma soit entendue. Son possible, c’est-à-dire de faire jouer son nom contre les vents et marées de l’exclusion aveugle par précaution, pratiquée apparemment sans états d’âme en Algérie. Il adopte le même rôle de bienfaiteur à l’influence quasiment illimitée à l’égard du réceptionniste Mehdi, un doux rêveur à l’ambition littéraire diffuse qui jouit de l’engagement sans faille de son acteur Brahim Bouhlel. Bref, que serait la jeune génération algérienne sans un coup de pouce un brin forcé de la part d’une intelligentsia française, certes avachie, mais toujours capable de trouver des valeurs fédératrices ?
Conclusion
Puisque nous n’avons pas vu le film original argentin pour lequel Oscar Martinez avait décroché la Coupe Volpi du Meilleur acteur au Festival de Venise en 2016, nous ne nous prononcerons pas sur les différences, bonnes ou mauvaises, par rapport à son remake français. Aussi gentiment divertissant ce dernier soit-il, le cinquième long-métrage de Mohamed Hamidi bataille un peu trop mollement à se défaire des clichés les plus consternants sur l’inertie de la société algérienne. Si Citoyen d’honneur était resté sur la voie de la farce inoffensive, cela aurait pu marcher. Cependant, son revirement dramatique à la dernière minute relativise beaucoup de la bonne volonté qu’il nous avait inspirée jusque-là.