Le mois prochain, le plus grand festival de cinéma espagnol se mettra aux couleurs de la France. On ne fait pas référence à l’actrice Juliette Binoche qui figure sur l’affiche officielle de la 70ème édition du Festival de San Sebastian. Ni aux deux films français, signés respectivement Christophe Honoré et Yannick Kergoat, qui ont été sélectionnés en compétition pour la prestigieuse Coquille d’or. Il faudrait d’ailleurs remonter dix ans en arrière pour y trouver le dernier lauréat français. C’était Dans la maison de François Ozon en 2012. Non, comme on le sait depuis aujourd’hui, le festival, en collaboration avec la Cinémathèque basque, dédiera sa rétrospective au réalisateur français Claude Sautet.
Du 16 au 24 septembre prochains, treize des quatorze films du réalisateur seront projetés à San Sebastian, à l’exception notable de Classe tous risques. A l’occasion de cette quasi-intégrale, la traduction du livre d’entretiens de Claude Sautet avec le journaliste Michel Boujut « Conversations avec Claude Sautet », édité par l’Institut Lumière dans sa version définitive en 2014 aux Éditions Actes Sud, sera publiée. Elle sera augmentée d’un texte du membre du comité de sélection du festival Quim Casas, qui mettra l’œuvre de Sautet en contexte avec le cinéma espagnol et l’histoire du festival.
Il était l’un des plus subtils observateurs des rapports conflictuels entre hommes et femmes que le cinéma français ait connus. Pourtant, le parcours professionnel de Claude Sautet (1924-2000) avait commencé dans des genres très éloignés des drames relationnels qui allaient définir son cinéma à partir des années ’70. D’abord assistant réalisateur au cours des années ’50, jusqu’au classique du cinéma d’horreur Les Yeux sans visage de Georges Franju en 1960, Sautet s’était ensuite focalisé sur des films policiers comme Classe tous risques et L’Arme à gauche, ayant tous deux Lino Ventura pour vedette.
Sa rencontre en 1970 avec l’actrice autrichienne Romy Schneider sur Les Choses de la vie – le seul et unique de ses films présenté en compétition au Festival de Cannes – allait donner une direction différente à ses préoccupations artistiques. Dès lors, il en faisait sa comédienne attitrée, en compagnie d’une bande d’acteurs pas moins emblématique de son univers, composée de Michel Piccoli et Yves Montand, ainsi que plus ponctuellement Sami Frey, Serge Reggiani, Jacques Dutronc et Claude Brasseur. Dans des films tels que Max et les ferrailleurs, César et Rosalie, Vincent François Paul et les autres, Mado et Une histoire simple – nommé à l’Oscar du Meilleur Film étranger en 1980 –, il dressait le portrait, beau et touchant, d’une France en pleine crise existentielle.
Claude Sautet allait ralentir le rythme de sortie de ses films à partir des années ’80. Après un certain flottement sur ses trois prochaines réalisations, Un mauvais fils avec Patrick Dewaere et Brigitte Fossey, Garçon ! avec Yves Montand et Nicole Garcia et Quelques jours avec moi avec Daniel Auteuil et Sandrine Bonnaire, il avait retrouvé la force créatrice grâce à sa collaboration tardive avec l’actrice Emmanuelle Béart sur ses deux derniers films, Un cœur en hiver avec André Dussollier et Nelly et Monsieur Arnaud avec Michel Serrault.
Nous sommes tout de même légèrement jaloux des spectateurs ayant la chance de se rendre en Pays basque espagnol à la rentrée ! Car la dernière rétrospective d’envergure des films de Claude Sautet en France remonte déjà à plus de quinze ans. Entre-temps, ses quatre films avec Romy Schneider étaient ressortis pour Noël 2014, en parallèle d’une vraie intégrale, y compris des films sur lesquels il avait participé au scénario comme La Vie de château et Les Mariés de l’an II de Jean-Paul Rappeneau, à la Cinémathèque Française. Mais depuis, plus rien ou presque. Pourtant, pendant longtemps, Claude Sautet figurait tout en haut de la liste des cinéastes les plus respectés dans notre pays.
Ses dix nominations aux César et ses deux trophées du Meilleur réalisateur, pour Un cœur en hiver en 1993 et pour Nelly et Monsieur Arnaud en 1996, sont là pour le prouver. Accessoirement, il avait permis à pas moins de quatre acteurs de remporter la plus haute récompense du cinéma français : Romy Schneider Meilleure actrice dans Une histoire simple en 1979, Jacques Dufilho Meilleur acteur dans un second rôle dans Un mauvais fils en 1981, André Dussollier Meilleur acteur dans un second rôle dans Un cœur en hiver en 1993 et Michel Serrault Meilleur acteur dans Nelly et Monsieur Arnaud en 1996. Sans oublier le fait que trois de ses films ont été nommés au César du Meilleur Film : Une histoire simple en ’79, Un cœur en hiver en ’93 et Nelly et Monsieur Arnaud en ’96.