Test Blu-ray : Flic Story

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Flic Story

France, Italie : 1975
Titre original : –
Réalisation : Jacques Deray
Scénario : Alphonse Boudard, Jacques Deray
Acteurs : Alain Delon, Jean-Louis Trintignant, Renato Salvatori
Éditeur : StudioCanal
Durée : 1h52
Genre : Policier, Thriller
Date de sortie cinéma : 1 octobre 1975
Date de sortie DVD/BR : 15 juin 2022

À la fin des années 1940, l’inspecteur Roger Borniche est chargé de rechercher un dangereux criminel échappé de l’asile, Émile Buisson. Meurtres, prise d’otage, course-poursuite : pendant trois ans, Buisson commet crime sur crime et échappe à la traque menée par Borniche. Roger Borniche ‘le Flic’, dans sa traque historique d’Émile Buisson…

Le film

[4,5/5]

Film absolument fascinant, constituant assurément le haut du panier de la période « polar » de Jacques Deray, Flic Story s’impose sans peine comme une réussite typique du cinéma policier français des années 70 : on y retrouve en effet l’atmosphère glaciale, l’attention portée aux détails et l’ambiguïté morale des policiers et des truands qui ont fait tout le sel du genre durant les glorieuses 70’s, grâce notamment aux chefs d’œuvres de Jean-Pierre Melville Le Samouraï (1967) et Le cercle rouge (1970), qui avaient tous deux contribué à révolutionner le genre policier, tout en rendant hommage au Film Noir américain.

Basé sur le livre de Roger Borniche « Flic Story : l’implacable duel entre un tueur impitoyable et un policier pas comme les autres », publié en 1973, au cœur duquel l’ancien enquêteur de police revenait sur sa traque de l’ennemi public n°1 Émile Buisson, Flic Story permet d’ailleurs clairement à Jacques Deray de rendre un vibrant hommage à l’Art de Jean-Pierre Melville. En effet, les similitudes entre le film de Deray et Le Samouraï de Melville sont aussi claires que frappantes, si ce n’est que cette fois, Alain Delon est du côté des défenseurs de la loi et non des truands.

Flic Story nous transporte donc en 1947, et Roger Borniche (Alain Delon), flic de son état, est sur la piste d’Émile Buisson (Jean-Louis Trintignant), un criminel s’étant échappé d’un asile et s’étant lancé dans une série de crimes sauvages, montant des équipes pour des cambriolages et se débarrassant de ses associés par la suite. Dans la séquence d’ouverture de Flic Story, Alain Delon est habillé et filmé presque exactement de la même manière que dans Le Samouraï et s’avère également introduit, en l’espace de quelques séquences, comme un solitaire non-conformiste adhérant à un code d’honneur que personne ne pourra l’obliger à enfreindre. Inspecteur de police consciencieux et droit, il s’impose comme l’inverse de Buisson, mais comme souvent dans le polar, les opposés finissent par se ressembler, comme s’ils étaient les deux faces d’une seule et même pièce d’un dollar – chacun est l’image miroir de l’autre, et aucun des deux ne semble pouvoir exister sans l’autre.

Car s’il est d’abord présenté comme un tueur froid et calculateur, le personnage d’Émile Buisson incarné par Jean-Louis Trintingant se révélera progressivement beaucoup plus complexe et humain qu’il ne le paraissait au début du film. Parallèlement, les flics de l’histoire se retrouvent parfois à endosser le « mauvais rôle », dans le sens où ils ont parfois recours à la brutalité et à la ruse, sans respect du code d’honneur entre flics et truands prôné et respecté par Borniche / Delon. De fait, Flic Story ne nous propose pas réellement de point de vue moral « figé » : le film évolue au contraire au fur et à mesure que l’intrigue avance et que le spectateur est amené à apprendre à connaître les personnages, et à comprendre leurs motivations. Le vrai – et le seul – duel de Flic Story est ainsi celui opposant les personnages incarnés par Delon et Trintingant, qui sont les garants d’un certain honneur au sein de leurs milieux respectifs.

C’est à la fin de Flic Story que l’on ressentira le plus vivement la dualité qui existe entre les deux personnages. Les acteurs apportent une humanité et une profondeur rare au drame qui se joue à l’écran, et presque cinquante ans après sa sortie, il est difficile de ne pas dresser un parallèle entre Flic Story et le Heat de Michael Mann, qui reprend une partie de sa structure et de ses enjeux dramatiques. Ainsi, la rencontre entre le flic et le truand, qui se tiendra dans le restaurant d’une station-service au milieu de nulle part, fera forcément écho à celle orchestrée par Michael Mann autour des personnages incarnés par Robert De Niro et Al Pacino dans le film de 1995…

L’ambiance de Flic Story est sombre et désenchantée, marquée par une violence allant crescendo au fur et à mesure que le film avance. Si Jacques Deray ne se laisse pas encore aller aux excès d’influence « italienne » qui marqueraient la suite de sa carrière (Trois hommes à abattre), la violence est sèche dans le dernier acte du film, notamment durant la scène de l’usine, qui contient son lot d’innocents abattus froidement et de crânes qui explosent sous l’impact des balles. L’ensemble reste cependant élégant, et Flic Story demeurera passionnant jusqu’à sa toute dernière partie, qui remettra en scène le chasseur et sa proie, dans un bureau du ministère de l’intérieur, alors que Borniche se voit contraint d’interroger Buisson avant son procès.

Le Blu-ray

[4,5/5]

L’édition collector Blu-ray + DVD de Flic Story éditée par StudioCanal n’est pas la première édition Haute Définition du film de Jacques Deray. Le film était d’abord sorti en DVD en 2003 sous les couleurs de Pathé, puis en 2012 en Blu-ray chez le même éditeur, au sein d’une vague de Blu-ray vendue dans les supermarchés à prix cassés – le film n’avait alors pas bénéficié de restauration, et souffrait d’une présentation audio / vidéo assez médiocre. De fait, le soin éditorial déployé par StudioCanal et la présence d’un master restauré 2K font forcément de cette nouvelle édition un objet littéralement incontournable (qui plus est proposé dans un très beau Digipack deux volets surmonté d’un fourreau), et de très loin la meilleure disponible en France à ce jour.

Aussi bien côté image que côté son, le master proposé par l’éditeur est d’excellente tenue, et risque à priori de mettre tout le monde d’accord : Flic Story est proposé au format 1.66:1 respecté et encodé en 1080p. L’éditeur a tenu éloignée la tentation d’avoir recours au réducteur de bruit, les défauts liés au temps (taches, poussière, légère dérive colorimétrique) ont été corrigés, le piqué est d’une belle précision, le grain argentique a été préservé et la gestion des contrastes semble avoir fait l’objet d’une attention toute particulière : l’ensemble est tout simplement excellent. Côté son, le film est proposé dans un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 qui restitue parfaitement les dialogues, et laisse s’épanouir la musique de Claude Bolling de façon très agréable.

Côté suppléments, l’éditeur nous propose un passionnant making of rétrospectif (42 minutes), qui donnera la parole à Jean-Claude Missiaen, Henri Guybet et Jean-Louis Trintignant. Les deux acteurs y reviendront sur leurs souvenirs du tournage du film, tandis que Jean-Claude Missiaen s’assurera de replacer le film dans son contexte de tournage. Le tout est largement entrecoupé d’extraits du film. On notera également quelques interventions de Bénédicte Kermadec, scripte de Jacques Deray, qui évoquera son travail sur Flic Story et la personnalité du metteur en scène et des différents comédiens.

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